Bien qu' « Action » Dan Harrington a tendance à rester loin des projecteurs, sans faire de bruit l'homme s'est construit l'un des plus impressionnants CV de poker à ce jour.
Au premier rang de ses succès, on retrouve bien évidemment sa victoire dans le Main Event des WSOP en 1995. Dan est parvenu quatre fois en table finale de cet événement (17ème en 1987, 1er en 1995, 3ème en 2003, et 4ème en 2004). L'écriture de trois livres sur le poker acclamés par la critique, et sa victoire au WPT Legends of Poker 2007 sont quelques-uns de ses autres faits d'arme. Et même s'il cashe moins qu'auparavant depuis une dizaine d'années, ses gains en tournoi excèdent aujourd'hui les 6,6 millions de $. Pas mal pour un gars dont le nom n'est ni Brunson, ni Hellmuth ou Negreanu.
Dan est né le 6 décembre 1945 à Cambridge dans le Massachusetts. En grandissant, il affiche d'exceptionnelles aptitudes aux échecs, et s'en va gagner un championnat d'état dans le Massachusetts puis un peu plus tard au New Jersey. Harrington n'allait cependant jamais devenir un champion d'échecs. Il n'y avait simplement pas suffisamment d'argent dans ce jeu pour y garder une forme d'intérêt.
Dan se rend alors à la Suffolk Law School de Boston. Durant sa vie d'étudiant il joue aux échecs, backgammon, et au poker. Harrington s'y adonne même avec les -alors inconnus- futurs fondateurs de Microsoft, Bill Gates et Paul Allen, qui fréquentaient alors Harvard.
Durant son temps à Suffolk, Harrington était membre d'une équipe MIT cherchant à prendre l'avantage sur les casinos à la roulette. Il était également membre d'une autre équipe spécialisée dans le blackjack. Il semble décidément qu'Harrington était toujours en train de chercher à prendre le dessus sur l'adversité.
Finalement Dan commence à voir le backgammon comme potentiellement être assez lucratif, et s'affirme comme un champion de top niveau. Il a alors la chance d'avoir un excellent professeur en la personne du double champion du monde de backgammon Bill Robertie. Harrington allait même gagner la Coupe du Monde de backgammon en 1981. Il loue toujours ce jeu pour lui avoir donné de très solides bases de stratégie.
Harrington laisse finalement tomber le backgammon lorsqu'un organisateur ne put prétendument payer, alors qu'il venait de gagner un championnat à 27 000 $.
S'étant forgé une bonne confiance en lui en jouant au backgammon, Harrington re-consacre son attention au jeu de poker. Il joue au prestigieux Mayfair Club à New York City, où des noms tels qu'Erik Seidel, Howard Lederer et Steve Zolotow étaient tous des habitués.
Nombre de ces joueurs du Mayfair Club commencèrent à faire des apparitions aux WSOP, et en 1988 Harrington dispute son premier Main Event. Il termine 6ème pour 43 750 $. Ces débuts impressionnants étaient un signe précurseur des jolies choses à venir pour Action Dan.
1995 fut une année en or pour Harrington. Il remporte son premier bracelet dans un tournoi de No Limit Hold'em à 2500 $ contre des joueurs tels que Chip Reese et Chau Giang, puis enchaîna donc par sa victoire dans le Main Event.
Bien que la ligne de départ était relativement réduite à cette époque, avec seulement 273 entrants, Dan leur a tous survécu et gagna le statut de Champion du Monde ainsi qu'1 million de $.
Selon ses dires, Harrington a été capable de faire le vide tout autour de lui, et de simplement se concentrer sur la résolution des problèmes se présentant à lui. Et il a cessé de résoudre les problèmes lorsqu'il eut « résolu » le tournoi entier.
Harrington n'a pas été le champion du monde le plus "strass et paillettes" de l'histoire, et il ne fait aucun doute que l'homme à la casquette verte des Boston Red Sox (baseball) se contenta mieux de l'argent que de la renommée et de la gloire.
Pour l'anecdote, Harrington avait proposé un arrangement aux huit autres joueurs une fois parvenu en table finale, et même dit qu'il investirait l'argent de chacun pour les rendre tous riches. Ses collègues de tables déclinèrent. Harrington finit alors par sortir ses adversaires un par un jusqu'à ce chacun d'entre eux regrette probablement de ne pas avoir conclu le marché.
Après sa victoire du Main Event en 1995, Harrington ne fit plus beaucoup de bruit pendant quelque temps, ce qui lui convenait probablement tout à fait. Harrington aime rester loin des flashs autant que possible. Le poker reste pour lui une occupation à temps partiel, passant le plus clair de son temps à gérer sa compagnie d'investissement en biens immobiliers.
Dan se fit quand même violence pour revenir sur le théâtre de son exploit en tant que champion en titre, l'année suivante. Malheureusement il manqua la table finale en échouant à la 17ème place. Huck Seed allait lui poursuivre la route et s'adjuger le bracelet du Main Event des WSOP 1996.
Durant les six années suivantes, Harrington maintint sa célébrité discrète, en gagnant plusieurs tournois mineurs et en rentrant simplement dans l'argent dans les WSOP 1997.
Mais en 2003 et 2004, Harrington aurait pu créer l'un des plus prodigieux exploits du poker moderne.
Durant le Main Event des WSOP 2003, il survécut à un incroyablement talentueux parterre incluant des stars telles que Phil Ivey, David Singer, Freddy Deeb, Scotty Nguyen et Howard Lederer. Tout allait alors se jouer entre lui, Sammy Farha et un gaillard du nom de Chris Moneymaker. Harrington termina finalement troisième et remporta 650 000 $. Tout bien considéré, il faut se demander si Harrington n'était pas juste heureux de prendre l'argent et d'esquiver les feux des projecteurs.
En 2004 Harrington était à nouveau au top de sa forme lors de ce même Main Event des WSOP. Il réussit à tracer sa route jusqu'au rush final à quatre, mais se heurta à David Williams sur un tableau 5-3-2-9. Action Dan détenait 8-6 pour le double tirage quinte par le ventre, tandis que Williams avait une petite paire. Harrington alla à tapis et Williams suivit. Le tableau doubla et Harrington fut éliminé par le full de Williams. Harrington termina cette fois quatrième pour 1,5 million de $.
Faire deux tables finales de Main Event consécutives est quelque chose de réellement significatif au poker, et avec la taille des fields de départ aujourd'hui, il est de plus en plus improbable que quelqu'un ne réussisse à nouveau pareil exploit un jour.
Bien que des joueurs tels que Johnny Chan et Doyle Brunson ont il est vrai remporté consécutivement ces bracelets, il est important de noter qu'ils l'ont fait avec des pools de participants relativement réduits. A titre de comparaison, Harrington dut concourir avec 838 adversaires en 2003 et un déjà abasourdissant nombre de 2576 joueurs en 2004.
En 2005 Harrington n'est pas passé loin de remporter son premier tournoi WPT au deuxième Doyle Brunson North American Poker Championship annuel. Il surpassa 418 joueurs pour n'être seulement dominé que par le joueur de cash game Minh Ly en heads-up.
En 2007, au WPT Legends of Poker, Harrington rectifie le tir. Il trace sa route jusqu'à une table finale occupée par des piles électriques du poker telles que Tom Schneider, Thu Nguyen et David "The Dragon" Pham.
Harrington déclarait que jouer dans des tournois de poker marathon devenait de plus en plus difficile en raison de son âge, et de nombreuses personnes doutèrent ainsi que le rusé vétéran allait pouvoir aller loin dans cette table finale.
Mais au moment du heads-up contre Pham, les fans de poker commencèrent à y croire. Et Harrington allait finalement remporter l'épreuve ainsi que 1,6 million de $ dans l'opération.
Poker Harrington : la référence des livres pour débutants
Au fil des ans, Dan Harrington a co-écrit trois livres de poker avec Bill Robertie. Les volumes 1 à 3 des Harrington on Hold'em (en VO, Poker Harrington en VF) sont considérés comme les meilleurs livres jamais écrits au sujet de la stratégie du poker. D'innombrables joueurs de poker les considèrent comme le meilleur moyen pour commencer à apprendre le jeu.
Ironiquement, malgré tous ses succès, Harrington se considère toujours comme un homme d'affaires avant tout, puis seulement un joueur de poker. Il passe ainsi la majorité de son temps à faire tourner Anchor Loans, son entreprise d'investissements, une société qui marche d'ailleurs extrêmement bien.
De nos jours le poker est dominé par des joueurs super-agressifs, mais Harrington est la référence même pour les enracinés d'un jeu très conservateur. Harrington a réussi de manière exceptionnelle car il joue un jeu serré solide comme le roc, mais parce qu'il est aussi particulièrement malin. Réputé pour faire quelques vols de temps en temps, vous ne pouvez ainsi jamais être entièrement sûr de ce qu'il se passe lorsque vous jouez contre Dan.
Divers et anecdotes
* A remporté le Main Event des WSOP 2006
* Est PDG d'une prospère société d'investissement du nom d'Anchor Loans
* L'un des joueurs à détenir des victoires à la fois en WPT et WSOP
* A réussi deux tables finales de Main Event des WSOP consécutives, en 2003 et 2004
* Auteur de la célèbre trilogie Harrington on Hold'em (Poker Harrington en VF)
* Diplômé de l'Université de Suffolk
* Champion d'échecs de l'état du Massachusetts en 1971
* Champion (Coupe du Monde) de backgammon en 1980
* Ancien avocat
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Dan Harrington : « En 2015, le Hold’em est à nouveau au point mort »
(14/04/15 - par Dirk Oetzmann)
Auteur de l'un des plus grands livres sur le Hold'em (six en fait), véritable éducateur, ce fils d’Irlandais est revenu il y a quelques années sur l’île de ses racines.
Vainqueur du Main Event des WSOP en 1995 et auteur de la série Harrington on Hold’Em (les Poker Harrington en VF), devenue ouvrages de référence, peu donnent des conseils aussi sages que Harrington.
Particulièrement connu pour son flegme légendaire à la table de poker, PokerListings a pu rencontrer ce génie du Hold’Em à l'occasion du récent Irish Open Poker de Dublin, et évoquer avec lui sa carrière et ses racines.
Apparemment, ce n’est pas la première fois que tu viens ici en Irlande et à l’Irish Open. Tu peux nous en dire un peu plus ?
Mes deux parents sont nés en Irlande : ma mère est de Waterford et mon père de la région de Cork.
Il y a des années, on m’a invité à participer à ce tournoi, et depuis je reviens tous les ans.
J’aime beaucoup venir ici. PaddyPower organise un excellent tournoi, c’est extrêmement agréable d’y participer.
J’ai prévu de prendre quelques jours après le tournoi pour me balader à Dublin, j’aime beaucoup cette ville.
Tu as vécu à la fois le poker “d’avant” et le poker moderne. Comment vois-tu les changements qui ont eu lieu et la manière dont il a évolué ?
Je vais faire simple : j’ai abandonné le poker en 1996 pour me lancer dans les affaires et j’ai repris en 2003 lors du boom.
Je les ai vu jouer au No Limit Hold’em à la télé et je me suis dit que c’était l’occasion de m’y remettre, maintenant que beaucoup de gens s’y mettaient. J’ai réussi à avoir quelques bonnes années.
J’ai écrit un livre et j’ai eu la chance qu’il soit un succès. Pour moi, c’est l’incarnation même des changements qui ont eu lieu.
Le poker est quasiment mort dans les années 90, avant de ressusciter grâce à la télévision et Internet en 2003. Aujourd’hui, il est à nouveau au point mort.
Peut-être que les choses pourraient avancer s’il y avait enfin une législation correcte aux États-Unis.
Pourquoi avoir pris la décision de prendre ta retraite après ta plus grande victoire, ce titre aux WSOP en 1995 ?
J’ai voulu faire quelque chose de l’argent que j’avais gagné, investir en dehors du poker. J’ai créé une entreprise avec quelques partenaires.
Ca a plutôt bien marché, d’ailleurs nous sommes en train de fusionner avec d’autres compagnies de Wall Street. Nous sommes spécialisés dans les prêts relais et l’immobilier.
Au milieu des années 90, les opportunités de gagner de l’argent dans le poker étaient clairement sur le déclin. En 2003-2004, elles sont revenues, et moi aussi.
Avant même de te lancer dans le poker, tu t’es fait connaître dans les échecs et le backgammon.
Oui, les échecs sont mon premier amour. J’y jouais énormément quand j’étais à la fac.
Puis je m’en suis éloigné un peu quand je me suis mis au backgammon. Je m’y suis consacré pendant deux ou trois ans et j’ai même réussi à remporter un grand titre.
Je suis ensuite passé au poker, là aussi j’ai réussi, puis j’ai abandonné.
Je ne me suis jamais remis aux échecs parce qu’il faut vraiment s’améliorer constamment pour rester au niveau des meilleurs.
Il paraît que le tilt ne te touche jamais…
Disons que j’ai moins tendance à tilter que d’autres, mais je dirais pas que je n’en souffre jamais.
D’ailleurs, je trouve qu’avec l’âge c’est de plus en plus difficile de me contrôler. C’est parce que mes désirs ont évolué. J’ai tellement gagné de choses que tout cela n’a plus la même importance pour moi.
Ces sportifs qui arrivent à rester au top pendant des années, je ne sais pas comment ils font.
Une fois que tu réussis dans un domaine, tu as forcément tendance à te relâcher et à te contenter de ce que tu as. Personnellement, je n’ai jamais réussi à vaincre cela.
Est-ce que tu te souviens d’une fois où tu as tilté ?
Je me souviens de quelques tournois où je suis allé assez loin avant de sortir sur un bad beat alors que j’étais favori à 4 contre 1.
Ce genre de choses aurait pu me faire tilter, mais comme de toutes façons j’étais sorti du tournoi...
Une situation comme celle dans laquelle s’est retrouvé Donnacha aujourd’hui, alors que son adversaire n’avait plus aucune décision à prendre, ça aurait pu me mettre très en colère. Le gars touche les meilleures cartes possibles au flop, attend trois minutes et finit par montrer ses cartes.
Il a peut-être pensé que l’autre avait la couleur. Je suis sûr que si on lui pose la question, c’est ce qu’il dira.
Est-ce qu’il y aura un jour un Harrington on Hold’Em 4 ?
Non. La série est terminée. J’ai contribué à six livres à succès sur le poker.
Le 7e n’a pas bien marché parce que le poker était en perte de vitesse.
Aujourd’hui, je n’ai pas une assez bonne vision du marché. Les ventes montrent bien que le poker est en perte de vitesse dans de nombreux pays.
On a vraiment besoin que les autorités autorisent à nouveau le poker en ligne là où il doit l'être.