Peut-être avez-vous déjà entendu parler de la Dead Man's Hand. Cette main de légende fait partie de l'histoire du poker.
De nombreux jeux ont leur part de mystère et de légende et le poker n’y fait (heureusement) pas exception. Vous saurez désormais tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur la main appelée « Dead man’s hand », autrement dit « La main de l’homme mort » en français.
Pas très rassurant, ce nom, nous direz-vous ? Et vous avez bien raison, car cette main est celle d’un joueur du XIXème siècle, mort assassiné dans l’Ouest américain au cours d’une partie de poker dans un saloon…
Fort heureusement les temps ont changé, et c’est sans crainte de périr autour d’un tapis vert que vous pourrez redouter ou espérer, c’est selon, rassembler cette combinaison de quatre cartes. Attention toutefois si vous êtes superstitieux, car cette main est encore considérée comme portant la poisse de nos jours.
Wild Bill Hickok
Commençons par un peu d’histoire. Les protagonistes principaux sont le shérif, avocat et grand joueur James Butler Hickok, dit « Wild Bill » et son assassin, l’ivrogne local, Jack « Crooked Nose » McCall.
Les faits se sont produits le 2 août 1876 au cours d’une partie de poker jouée (évidemment) dans un saloon de Deadwood (salon No.10 du Nuttal & Mann's), dans le Dakota du Sud. Notez au passage la consonance funeste du nom de la ville !
Le motif ? L’honneur et la vengeance, classique en fait à cette époque. Jack McCall se serait senti insulté par Hickok la veille du jour où il le tua. En effet, McCall a été battu aux cartes par Hickok et ce dernier lui aurait payé le petit-déjeuner en lui conseillant de ne plus rejouer avant d'avoir remboursé ses dettes liées à ses défaites au jeu. Le jour fatidique, Hickok jouait au poker avec d’autres adversaires, mais contrairement à d’habitude, il n’était pas assis à sa place préférée, c'est-à-dire le dos contre un mur pour se protéger de ses nombreux ennemis.
Vengeance et Far West
Bien que Hickok soit connu pour ses actes héroïques dans l’armée de l’Union pendant la guerre civile américaine (1861-1865) ce qui lui a valu son surnom de « Wild Bill », il est également connu pour avoir eu la gâchette trop facile et tuer facilement s’il se sentait humilié (lui aussi). C’est ainsi qu’en 1867 il tua trois hommes dans un saloon puis à nouveau trois soldats en 1869 dans une autre ville. Cet ami de Buffalo Bill a même été obligé de quitter un poste de shérif après avoir tué par erreur son adjoint !
Le dénouement ? Fatal, pour tout le monde, comme on peut s’y attendre dans des histoires du Far West de cette époque… McCall, humilié (et surtout ivre), surgit derrière Hickok et le tua net d'une balle dans la tête. Il fut arrêté, jugé et innocenté dans un premier temps (car il affirmait avoir vengé la mort de son frère tué par Hickok). Puis il fut arrêté à nouveau, rejugé et pendu pour assassinat, car entre-temps il s’était avéré qu’il n’avait pas de frère et que cette histoire n’était donc pas une histoire de vengeance, mais bien un meurtre.
Quatre ou cinq cartes ?
Alors quelles sont donc ces fameuses cartes que le shérif avait en main ? Le propriétaire du saloon révéla qu'au moment de sa mort, Hickok possédait une paire d'As et une paire de 8 de couleurs noires. Mais personne ne peut affirmer quelle était la cinquième carte de cette main. Et comme il fallait s’y attendre, plusieurs versions sont arrivées jusqu’à nous.
Le saloon où Bill Hickok a été tué et est rentré dans la légende.
Attendez un peu, une cinquième carte ? Eh oui. Même si de nos jours la dead man’s hand est classiquement considérée comme une main composée de deux paires, l’une avec les as noirs et l’autre avec les huit noirs donc - soit quatre cartes, cette main de légende provient du Stud à 5 cartes, le jeu alors joué dans le Far West à cette époque. Il y a donc bien une cinquième carte, inconnue !
Et c’est là que le mystère s’épaissit… En 1886, la main a été décrite comme un Full à 3 valets et une paire de 10. Ensuite, en 1903, une publication sur les contes populaires (Encyclopedia of Superstitions, Folklore, and the Occult Sciences of the World, section « poker » p1478) la décrit comme une main malchanceuse formée de valets et de 7. Puis, l’écrivain britannique Edmond Hoyle la décrivit comme des valets et des 8. D’après d’autres versions, la cinquième carte de l’ultime main de Hickok pourrait être la dame de pique, voire le neuf de carreau. D’autres encore soutiennent qu’il a été tué avant de recevoir la nouvelle carte après en avoir écarté une, donc qu’il n’aurait effectivement eu en main que quatre cartes…
Quoi qu’il en soit, il est intéressant de remarquer que la valeur de la main communément acceptée aujourd’hui date des années vingt. Cette « main maudite » est entrée dans le folklore du poker plus de 50 ans après les faits, avec l’écrivain Frank Wilstach. Celui-ci y fait allusion en 1926, lors de la parution de la biographie sur le shérif James Butler Hickok, intitulée Wild Bill Hickok: The Prince of Pistoleers.
Un mythe qui a inspiré le cinéma, les jeux vidéo... et la police !
La scène immortalisée par le cinéma dans The Badlands of Dakota.
Il n’en fallait pas moins pour qu’un tel mystère inspire le cinéma. Ainsi, parmi les nombreuses références faites à cette main funeste dans le 7ème art, on retiendra surtout le western The Badlands of Dakota (1941) qui relate l’histoire de Wild Bill lui-même (joué par Richard Dix) et où le personnage est montré après sa mort tenant les as et les 8 de la fameuse main juste après avoir été abattu. Puis, que ce soit dans La Chevauchée Fantastique (1939) ou dans L’Homme qui tua Liberty Valance (1962), cette main est respectivement tenue par Luke Plummer et Liberty Valance juste avant leur mort.
Quant aux jeux et notamment les jeux vidéo, ils ne sont pas non plus en reste : dans l’extension Dead Money de Fallout: New Vegas, le joueur peut récolter les cartes qui forment la main de l’homme mort (as noirs, 8 noirs et reine de pique) dans les ruines du casino de Sierra Madre. Dans Need For Speed: Carbon, l’insigne d’une des équipes inclut l’as de pique et un 8 noir, soit deux des cinq cartes de la fameuse Dead Man's Hand. On la retrouve aussi notamment dans Silent Hill: Downpour.
On retrouve des références également dans la musique, notamment dans la chanson Rambling, Gambling Willie de Bob Dylan.
Plus étonnant, des départements de police notamment à Las Vegas et Los Angeles ont même utilisé cette main dans leur insigne !
Pour une liste plus complète de références : La Dead man's hand dans la culture populaire (en anglais).
Après tant de temps, il y a peu de chances que l’on découvre la valeur de la carte manquante ou si cette cinquième carte existait tout simplement ! Quoi qu’il en soit, en plus d’avoir légué une main de légende au poker, Hickok a également fortement contribué à alimenter le mythe de ces héros populaires en tant que précurseur des duels au revolver repris dans tous les westerns dignes de ce nom.