L'histoire de Greg Merson n'est pas seulement celle toujours belle du joueur vainqueur du plus gros et plus prestigieux tournoi de l'année. C'est aussi l'histoire d'un homme revenu de l'enfer : celui de la drogue.
Les plus grands champions ont parfois un noir passé. Dans le monde du poker, ils ont d'ailleurs été plusieurs à tomber dans les excès, dont celui de la drogue. On citera plus particulièrement Scotty NGuyen et son rapport un peu trop privilégié à l'alcool, ou encore l'un des plus grands joueurs de l'histoire, Stu Ungar, décédé à 45 ans dans un motel sordide de Vegas.
Ce que l'on sait moins, c'est que Greg Merson, le tout récent vainqueur du Main Event des World Series of Poker 2012, a lui aussi ses démons.
La victoire de Gregory Merson n'est pas une victoire comme les autres.
Il ne s'agit en effet pas seulement de la victoire finale d'un joueur dans le plus grand tournoi de poker au monde face à 6597 adversaires, tout pro qu'il soit. Mais il s'agit donc aussi de la victoire d'un homme contre la drogue.
Sous ses airs de jeune homme bien sous tous rapports, Merson est en effet un rescapé de la pire des addictions.
Descente aux enfers
Quelques mois avant sa victoire, après un fabuleux été du côté de Vegas qui l'aura vu remporter un premier bracelet dans l'Event 57 puis se qualifier pour la table finale du Main Event, Merson intervenait sur le plus grand forum anglophone, 2+2, pour raconter son histoire et se livrer à coeur ouvert, et proposer son aide à ceux qui pourraient rencontrer le même problème.
Tel Icare...
Alors qu'il est encore au lycée, Merson décroche en se consacrant vite au poker où il connaît beaucoup de succès en cash games. Trop, trop vite. Il prend alors la grosse tête, et commence à mener une vie dissolue et à dépenser tout son argent, y compris dans les drogues diverses et variées. Jusqu'à tomber dans la cocaïne.
Un an plus tard, en août 2007, alors qu'il n'est pas encore connu sous le pseudo "gregy20723" sur PokerStars, le jeune homme d'alors 19 ans pense s'en sortir après une première cure de désintoxication et avoir notamment perdu 15 kilos en 5 mois d'excès.
Il reste sobre pendant 3 ans et demi, se dévouant totalement à sa nouvelle passion, le poker. Durant cette période, il devient même trois fois "Super Nova Elite" sur la salle de poker en ligne, la plus haute distinction qu'il est possible d'obtenir en terme d'activité.
"Le poker m'a donné une chance de me sortir de l'addiction à la drogue. Le jeu est un stimulant, et il a été un incroyable palliatif à la cocaïne."
Après sa première année "propre", Merson commence malgré tout à boire socialement, au début deux fois par mois, puis une fois par semaine. N'appréciant pas particulièrement l'alcool, il pouvait cependant encore en garder le contrôle.
La rechute
Mais en février 2011, sous l'influence de l'alcool, Greg replonge dans la cocaïne, et se remet à fumer de l'herbe, et il dispute même les WSOP 2011 en prenant au moins 20 mg d'Adderoll par jour, un amphétamine utilisé contre les troubles de l'attention et la narcolepsie.
Après l'été, Greg part au Canada et essaie de tout arrêter de lui-même. Il échoue misérablement (selon ses propres termes), et sombre au contraire encore plus, en tombant dans le roxy (une sorte d'héroïne synthétique). Sa consommation passe de 15 mg par jour, à 150 en seulement quelques semaines.
A nouveau l'homme s'en sort en fin d'année 2011, grâce à deux de ses meilleurs amis, Anthony Gregg et Christian Harder. Cette fois semble t-il pour de bon. Il ne boit plus, et considère qu'il ne peut plus se faire confiance sous l'emprise de quelconque drogue. "J'ai même peur quand je dois prendre de l'aspirine quand je suis malade."
Depuis, Merson a connu le joli destin que l'on sait, en ayant réussi de fabuleux WSOP 2012 : 5 places payées dont 2 bracelets remportés, et naturellement la victoire dans le Main Event, pour un premier prix de 8 531 853 $.
Ce parcours hors-norme (restant naturellement peu enviable malgré son heureux dénouement) explique ainsi en grande partie l'énorme émotion qui a saisi Greg Merson après sa victoire d'il y a moins d'une semaine, les larmes aux yeux à chaque interview qu'il pouvait donner.
C'est aussi sans doute ce qui a pu expliquer les nombreux messages ayant salué sa victoire, et pas seulement parce que beaucoup le considéraient comme le meilleur joueur de la table et du heads-up et un gars très sympathique.
Ces épreuves vécues lui auront sans conteste apporté cette grande humilité affichée dans la victoire, et la plénitude de l'exploit accompli, celui d'avoir gravi une véritable montagne, que l'on a pu lire dans ses yeux embués.
Il ne reste plus qu'à souhaiter au nouveau champion du monde de poker de rester sur cette bonne voie (ce à quoi il continue de travailler en pratiquant notamment le yoga), et que son histoire en inspirera peut-être d'autres livrant le même combat.