Tous les jeunes joueurs devraient connaître et surtout être reconnaissants envers Lyle Berman pour ce qu’il a apporté aux tournois de poker.
Berman fait partie de ceux qui ont beaucoup oeuvré pour la création du World Poker Tour (voir aussi l'interview de Vince Van Patten), et il est également l’un des premiers à avoir défendu le poker télévisé.
Les innovations qu’il a apportées au WPT ont révolutionné le poker et ont contribué à ouvrir le poker à tous.
Mais avant de devenir un monument du poker, Berman était déjà un homme d’affaires brillant et un joueur de poker amateur.
“Aujourd’hui, je suis un peu old school”
Berman joue au poker depuis son enfance, mais ce n’est qu’après avoir lu Super/System, le best-seller de Doyle Brunson, qu’il s’y est mis sérieusement.
“Je jouais beaucoup au lycée et à l’université, mais ensuite j’ai arrêté pour travailler” nous confiait-il lors des WSOP.
“J’ai acheté le bouquin de Doyle Brunson, je l’ai rangé dans ma bibliothèque et j’ai fini par le lire en 82 ou 83. J’ai décidé d’aller tester ça sur le terrain. Du coup je joue à haut niveau avec des pros depuis cette époque-là. Aujourd’hui, je suis devenu un peu old school.”
Le petit magasin familial de Berman devient une entreprise prospère, Wilson Leather, avant qu’il ne mette ses talents d’homme d’affaires au service du poker.
Il prend alors la décision d’investir dans un casino indien du Minnesota qui grandit ensuite jusqu’à devenir la Lakes Gaming Corporation, groupe qui a largement financé les débuts du WPT.
Berman est un travailleur acharné et c’est ce qui lui a permis de rencontrer le succès dans les affaires. Sa philosophie s’applique très bien au poker.
“L’un des principaux enseignements du poker, c’est que chaque décision a une infinité de conséquences. Dans le monde de l’entreprise, tu peux attendre 2 ou 3 ans pour voir la conséquence d’une décision. En poker, c’est parfois 2 ou 3 secondes. Et pourtant, il est essentiel de comprendre que chaque décision entraîne toute une série de ramifications. C’est pour ça que la prise de décision est un élément clé du poker.”
Un phénomène mondial qui perdure encore aujourd’hui
En 2001, Berman rencontre Steve Lipscomb et le WPT voit le jour. De tout ce que le WPT a accompli, Berman est particulièrement fier de la longévité du circuit.
“Nous avons créé un phénomène mondial qui perdure encore aujourd’hui” explique Berman.
“Je me souviens, la première fois qu’on a essayé de vendre le WPT à une chaîne de télé, ils avaient peur que ce ne soit qu’un feu de paille, que personne ne regarde l’émission. Douze ans plus tard, le WPT est plus que jamais télévisé.”
L’une des plus grandes innovations du poker, c’est incontestablement l’arrivée des caméras permettant aux téléspectateurs de voir les cartes des joueurs. Déjà dans les années 80, Berman avait essayé de vendre ce concept aux WSOP, sans succès.
“Je suis allé voir Jack Binion en 1985 et je lui ai demandé si je pouvais avoir les droits pour diffuser les WSOP à la télé. J’avais préparé un synopsis de deux pages qui incluait ces caméras.
On l’a proposé à tout le monde, personne n’en voulait. Les jeux d’argent étaient totalement bannis de la télévision. On en est resté là jusqu’à ce que Steve Lipscomb débarque et révolutionne tout ça. La suite, tout le monde la connaît.
Il y a des émissions qui n’ont pas duré, mais le World Poker Tour et les World Series of Poker ont prouvé qu’ils étaient là pour durer. Les WSOP n’en seraient pas là s’ils n’avaient pas fini par se mettre aux caméras. Et ça, c’est grâce à nous.”
Ungar “donnait de gros pourboires, buvait du Cristal, et était un excellent joueur de tournois”
Berman a connu le succès au poker comme dans les affaires. Habitué du Big Game, il a également remporté trois bracelets WSOP, le dernier en 1994.
Il se remémore avec plaisir le bon vieux temps.
“Chip Reese, Doyle Brunson, Johnny Chan, Stuey Ungar, tous les anciens” se souvient Berman en nous montrant la bannière du Main Event affichée dans l’Amazon Room.
“Jette un oeil là-haut, il n’y a pas un seul des anciens que je ne connaisse pas.”
Berman évoque d'ailleurs avec tendresse Stu Ungar.
“Ah, Stuey et moi, c’est une sacrée histoire. Le plus drôle, c’est quand Stuey t’empruntais de l’argent et te le remboursais, c’était presque un bad beat. Parce que ça voulait dire qu’il pouvait t’emprunter encore plus. S’il te devait 2 000$ et qu’il te remboursait, alors il pouvait t’emprunter 4 000$, puis 8 000$. Pour lui, chaque remboursement ouvrait la porte à un nouveau prêt. Sacré Stuey.
Mais qu’il soit riche ou sur la paille, Stuey donnait toujours de gros pourboires, buvait du Cristal et était un excellent joueur de tournois.”
“Je suis à table, et personne ne me reconnaît”
Berman continue à participer à de grosses parties de mix games, mais il évite désormais le No-Limit Hold’em tant le niveau s’est élevé. Il tient tout de même à rappeler aux jeunes joueurs sa place dans l’histoire du poker.
“Il y a tellement de très bons jeunes joueurs que je ne les connais même pas tous. Je suis à table, et personne ne me reconnaît.
Et ils sont bons, ils sont géniaux. Ils sont tellement bons que je n’arrive même plus à m’amuser au No-Limit Hold’em.
Pour avoir peur, il faut avoir vécu un certain nombre de bad beats. Eux, ils ne connaissent pas encore la peur. Moi j’ai eu ma dose.
Je voyage beaucoup, j’étais en Israël il y a deux semaines et j’ai croisé quelques jeunes soldats. Je leur ai demandé s’ils se rendaient compte que j’avais eu une influence sur leur vie s’ils jouaient au poker. C’est vrai, ils n’auraient sûrement pas été en train de jouer si je n’avais pas été là.
A l’époque, il y avait un seul tournoi à 10 000$ dans l’année. Maintenant il y en a au moins un par semaine.”
Berman a fait son entrée dans le Hall of Fame en 2002, aux côtés de Johnny Chan. Mais ne vous y trompez pas, il n’est pas près de prendre sa retraite.
Et il continuera tous les ans d'être à la recherche d’un nouveau bracelet WSOP.