Acteur depuis l'âge de 9 ans, producteur, ponte d'Hollywood, auteur, ancien tennisman autodidacte vainqueur de John McEnroe, joueur de poker, aujourd'hui présentateur du WPT, Vince Van Patten est l'un de ces personnages multi-facettes et hors norme.
De toutes ces activités, il en a gardé un joli compte en banque, mais aussi une vraie philosophie de vie.
Aujourd'hui Van Patten est dans le poker depuis si longtemps qu'il est même difficile de se souvenir d'une époque où il n'était pas assis au côté de Mike Sexton pour commenter le WPT en version originale.
Nous avons récemment eu la chance de le rencontre à Paris, où il a évoqué avec nous de nombreux sujets, avec un vrai regard enthousiaste et passionné.
La dynastie Van Patten est très connue aux États-Unis... S’agit-il d’un nom difficile à porter, est-ce difficile à gérer ?
Mon père Dick a fait une grande carrière en tant qu'acteur, et encore aujourd'hui il fait pas mal de choses. Moi, j'ai été enfant acteur à 9 ans, j'ai grandi sous les projecteurs. Puis je suis passé du cinéma au tennis, puis du tennis au poker.
Maintenant j'ai le poker, le cinéma, l'écriture et beaucoup d'autres choses... Il faut croire que je n'ai pas de « vrai » métier, mais c'est une spécialité des Van Patten. On fait juste ce qu'on aime. Et c'est plutôt pas mal.
Parlons justement un peu de ta carrière de joueur de tennis. Tu as réussi à atteindre le 26ème rang au classement ATP et à battre des joueurs comme John McEnroe. Ne te demandes-tu pas parfois si tu aurais pu aller encore plus loin ?
Battre John McEnroe, ça a été le sommet de ma carrière, surtout qu'ensuite j'ai gagné le plus grand tournoi indoor du monde. C'était en 1981. J'ai aussi été nommé Rookie de l'année à mon arrivée sur le circuit.
J'ai aussi participé à Roland Garros, je suis allé en quart de finale.
Je n'ai jamais pris de cours de tennis, personne ne m'a appris à jouer, c'est vraiment un énorme coup de chance que je sois arrivé à ce niveau-là.
J'ai vraiment apprécié ma carrière, c'était comme un miracle, donc j'en garde de très bons souvenirs. Je suis très fier d'être allé aussi haut alors que je sortais de nulle part que je partais d'aussi loin. Personne ne pensait que je pouvais arriver à ce niveau-là, et pourtant je l'ai fait. J'en suis fier.
Je n'ai aucun regret. Je me suis beaucoup entraîné, j'ai énormément travaillé... Plus que n'importe quel joueur n°1. J'ai tout donné.
Après, j'ai eu quelques blessures et je n'avais pas vraiment d'entraîneur, donc il était difficile de faire mieux. Mais vraiment, je suis très fier d'être arrivé au très haut niveau.
J'aime toujours autant le tennis d'ailleurs, j'en regarde souvent.
Le tennis a beaucoup changé depuis ton époque. Penses-tu que les joueurs de l'époque auraient-pu rivaliser contre les Nadal, Djokovic et Federer ?
Les joueurs de ma génération seraient au niveau parce qu'ils s'adapteraient. Techniquement, tout s'est amélioré : le matériel, les entraînements, le physique, etc. Mais si tu étais capable d'être un grand joueur il y a 20 ans, tu aurais pu le devenir aujourd'hui aussi.
Par contre, c'est vrai que le tennis d'aujourd'hui est beaucoup plus rapide, plus puissant, et ce n'est pas juste grâce aux raquettes. Ils ont fait évoluer les coups. C'est magnifique à voir.
Je ne suis pas d'accord quand j'entends d'anciens joueurs dire que tout vient des nouvelles raquettes. C'est le jeu qui a évolué. Techniquement, les coups s'améliorent chaque année.
Il est aussi plus facile d'analyser le jeu aujourd'hui, avec les ordinateurs, il y a aussi les produits que l’on peut prendre, etc.
Je me demande jusqu'où ils peuvent pousser ça, c'est vraiment incroyable. Quand je vois les échanges qu'ils font et le rythme de jeu... J'ai vraiment hâte de voir à quoi ressemblera le tennis dans 15 ou 20 ans.
Mais c'est vraiment sympa à regarder, et je ne me suis jamais autant régalé devant du tennis qu'aujourd'hui.
Pourtant on peut aussi trouver que les joueurs manquent de relief, qu'ils jouent tous de la même façon.
Moi, je suis impressionné par leurs qualités athlétiques et l'énergie qu'ils déploient pour arriver à jouer à un tel niveau. Je trouve ça fascinant à regarder, ça m'impressionne énormément.
Quant à la personnalité des joueurs... Aujourd'hui, on a affaire à des gentlemans. Nous, on avait les Connors, Nastase, McEnroe, c'était des teignes ! (rires)
Et parce qu'ils étaient les meilleurs, on les laissait faire. Mais aujourd'hui, les joueurs sont des gentlemans. Et je trouve ça d'autant plus impressionnant.
Ce n’est pas ennuyeux donc ?
Les gens aiment la polémique, les méchants. Moi pas. Je respecte les gentils, l'honneur, l'intégrité. C'est pour ça qu'ils m'impressionnent plus que les « méchants ».
Qui est ta plus grande source d'inspiration, tant au poker qu'en dehors ?
Mon père, qui m'a appris à jouer au poker. Et Doyle Brunson, que j'ai lu il y a 25 ans et qui m'a aussi beaucoup appris.
Et puis il y a Bobby Riggs. C'était un grand joueur de tennis, mais aussi un joueur. J'ai beaucoup joué avec lui, je le connaissais bien. Sa manière de toujours trouver un moyen de gagner m'a beaucoup inspiré. Il n'y avait pas meilleur que lui pour trouver un moyen de gagner.
J'ai lu son livre quand j'avais 14 ans et il a changé ma carrière de joueur de tennis.
Plus tard, j'ai joué au poker avec lui, au golf, au tennis, et je n'ai jamais cessé d'être impressionné par sa capacité à analyser la situation et à trouver le moyen de ne pas perdre.
Et enfin Rod Laver. Quand j'étais gamin, le voir jouer et dominer le circuit, c'était fantastique. Tout le monde voulait se mettre au tennis à cause de Rod Laver.
Tu conseillerais donc de lire le livre de Bobby Riggs ?
Oui, lisez Court Hustler.
Quand j'avais 13 ans, j'étais un joueur banal même pas classé. Mais dans ce livre, Riggs parle de ce qu'il appelle le tennis « airtight » [littéralement « hermétique » NDLR] : l'idée étant de ne commettre aucune erreur et de forcer ton adversaire à en faire.
J'ai lu ça, et ça a été une révélation. Comme je l'ai dit, personne ne m'a appris le tennis, mais à ce moment-là j'ai eu la sensation d'enfin comprendre quelque chose. Soudain, je me suis rendu compte que comme j'étais rapide, je pouvais couvrir le court et renvoyer le plus de balles possibles et profiter des erreurs de mes adversaires. Ça a vraiment changé ma carrière. Petit à petit, j'ai progressé, parce que je faisais très peu d'erreurs.
Donc oui, je conseille ce bouquin.
Je savais qu'on pouvait progresser au poker en lisant, mais au tennis !
Oui, c'est marrant. Les livres m'ont aidé à progresser au tennis et au poker.
Et puis je suis aussi scénariste, j'ai écrit et produit deux films, et écrivain. Donc la lecture est vraiment un élément clé de tout ça. Et ça me réussit pas trop mal jusqu'à maintenant.
Y a-t-il beaucoup de points communs entre le poker et le tennis ?
Oui, énormément. Au poker, il faut se comporter comme un sportif de haut niveau : ton désir de gagner doit être plus fort que tout. Il faut être patient et avoir suffisamment l'esprit de compétition pour toujours prendre les meilleures décisions, comme au tennis. Si tu te rates, tu passes une mauvaise soirée et ensuite il faut analyser ce que tu as fait pour ne pas que ça se reproduise.
Je trouve qu'il y a beaucoup de points communs. Dans les deux cas, l'important c'est le résultat : tu es soit un héros, soit un perdant.
La différence, c'est qu'il n'est pas question de chance au tennis, alors que c'est quand même un élément présent dans le poker. Il faut apprendre à reprendre le dessus quand la chance n'est pas de ton côté pendant un certain temps.
Comme tu l'as mentionné, tu t'es aussi illustré en tant qu'écrivain, avec The Picasso Flop. Est-ce que tu envisages d'écrire un autre roman ?
Non. J'ai écrit mon roman, il a bien marché et j'en suis très fier.
En revanche je suis en train d'écrire un scénario à propos des parties que j'organisais à Beverly Hills. C'est très drôle, très différent de ce qu'on voit d'habitude.
Pour l'instant c'est tout ce que j'ai prévu d'écrire.
Quels sont les ingrédients nécessaires pour faire un bon roman de poker ?
Je pense qu'il n'y a pas encore vraiment eu de roman de référence centré sur le poker. C'est comme pour les films.
Dans tout ce qui a été fait jusqu'à maintenant, je trouve qu'on manque cruellement d'humour. Alors que quiconque connaissant bien le poker sait que c'est un jeu très drôle. C'est pour ça qu'à chaque fois que je dois montrer le poker, c'est cet aspect que j'essaye de mettre en avant, pour que les gens soient attirés par le poker au lieu d'être effrayés.
Que faut-il pour devenir un grand joueur de poker ?
Beaucoup de connaissances. Du courage. Et savoir perdre.
C'est difficile de combiner tout ça. Il faut savoir calculer les probabilités, lire ses adversaires et avoir du bon sens. Ensuite tu peux devenir un grand joueur. Mais tu peux aussi être un grand joueur qui ne sait pas gérer son argent et tout perdre. C'est très compliqué. Presque impossible.
Tu dis qu'il faut « savoir perdre », pourtant tu parlais plus tôt de devoir tout faire pour ne pas perdre.
C'est vrai. Mais il faut aussi savoir gérer la défaite.
C'est pour ça qu’il est difficile de rester au plus haut niveau dans le poker : il y a tellement de bons joueurs, tellement de compétition... Si tu es dans une mauvaise passe, il faut pouvoir le supporter et le surmonter, autant émotionnellement que financièrement. C'est très difficile.
Qui est le meilleur joueur de poker à l’heure actuelle selon toi ?
Si je devais prendre une part de quelqu'un sur un tournoi, je choisirais Jonathan Little. Je respecte son jeu. Je l'ai souvent vu jouer sur le WPT et il arrive toujours à tirer le meilleur parti de ses cartes.
Et puis Mike Sexton, une fois qu'il ne reste que 5 joueurs. Je prendrais un peu de Mike pour un tournoi dans lequel je sais que je pourrais aller loin.
Que penses-tu des derniers joueurs à avoir intégré le Hall of Fame ? Steven Lipscomb devrait-il en faire partie ? Penses-tu que le Hall of Fame devrait être un peu plus international ?
Je ne me suis pas vraiment penché sur la question, mais c'est intéressant. C’est vrai, le poker a vraiment une dimension mondiale aujourd'hui, et cela devrait se refléter dans le Hall of Fame.
Pour l'instant, les joueurs de poker américains restent les plus médiatisés, mais je pense que cela va changer. Tous les joueurs devraient avoir l'opportunité d'être sélectionnés pour le HoF.
Quant à Steve Lipscomb, mon patron, c'est une évidence. Si ça ne tenait qu'à moi, je le ferai rentrer au Hall of Fame tout de suite. Il a fait du poker ce qu'il est aujourd'hui, c'est lui qui a eu l'idée de montrer les cartes. Cet instinct qu'il a su porter et financer, c'est du génie. Il devrait vraiment recevoir la reconnaissance qu'il mérite, c'est un véritable pionnier du poker.
Cela fait maintenant plus de 10 ans que tu évolues dans le monde du poker. Qu'est-ce qui a vraiment changé depuis tes débuts ?
Il y a plus de bons joueurs, mais globalement, je trouve que le poker n'a pas vraiment changé, c'est juste une question de phase. J'ai quand même remarqué que les gens sont plus courageux. Ils voient du poker à la télé, des joueurs aller au tapis, et ça les pousse à jouer plus.
C'est ça, je dirais que le poker est plus courageux qu'avant.
À quoi ressemble une partie de poker chez les Van Patten ?
Chez nous ? Pour être honnête, je ne joue pas souvent chez moi. Je joue avec mes enfants de temps en temps, mais ils n'ont pas vraiment le virus du poker, heureusement. Ils aiment ça, mais n'en sont pas fous. Et puis je ne le leur conseillerais pas de toute façon.
Moi, mon père jouait, et j'avais une telle envie de jouer... J'aime le jeu, j'aime le poker, et ça m'a réussi, j'ai réussi à en vivre. Mais de manière général, pour le grand public, c'est quand même compliqué.
Donc je ne conseillerais pas à mes enfants de devenir joueurs de poker professionnels, sauf s'ils en ressentent un besoin irrépressible.
J'imagine en effet que ça doit être un peu effrayant de voir ses enfants se lancer dans le poker.
Oui, c'est très risqué. Moi j'adore le risque, mais est-ce que eux sont comme moi ?
Tu es connu pour être le roi des parties de poker hollywoodiennes. Alors, où trouve-t-on les meilleures parties de poker de Hollywood en ce moment ?
Il y en a tellement maintenant... À l'époque où j'ai commencé à en organiser, c'était différent. Les gens connaissaient à peine le poker, c'était la fin des années 90, le début des années 2000.
Mais aujourd'hui ? C'est fou le nombre de parties « clandestines » qu'il y a. La plupart font payer un rake par contre, ce que je ne faisais pas. Je jouais juste avec mes amis, on faisait une petite soirée et on en profitait pour parier un peu.
Mais ce qui est sûr, c'est que c'est à Los Angeles qu'il y a les plus grosses parties de poker privées. Les gens adorent jouer mais ne veulent pas toujours aller au casino, donc autant aller jouer chez quelqu'un, d'autant que le niveau est normalement un peu moins élevé qu'au casino.
Sais-tu ce qu'il s'est passé avec la partie de Tobey Maguire, Alex Rodriguez et Ben Affleck qui a dégénéré ?
Oui, ils venaient à mes soirées à l'époque.
Leurs parties sont devenues de plus en plus importantes, ils adorent jouer et en plus ils sont très bons.
Mais le problème quand tu organises une grosses parties, c'est que tu ne sais pas toujours avec qui tu joues et que tu peux mal tomber. Je crois que c'est ce qu'il s'est passé pour Tobey. Il est tombé sur un méchant, il a dû rendre de l'argent, etc. Ça arrive.
Est-ce que tu espères toujours remporter un titre au poker ?
Bien sûr. Maintenant que je suis sur le WPT je joue moins, mais oui j'aimerais arriver à atteindre une table finale ou à décrocher une victoire sur le WPT.
J'aime tellement voyager que pour l'instant je profite surtout de toutes les villes qu'on visite. Je fais un peu de sport, un peu de tourisme. Avec l'âge, je n'ai plus envie de passer tout mon temps dans la salle de poker. J'ai fait ça pendant des années, jouer, jouer, pour parfois gagner, et parfois passer la soirée à faire la gueule. Donc je joue un peu moins, mais je profite des destinations et de ma vie de voyageur.
J'ai des enfants, deux sont encore à l'université, le troisième a 10 ans, j'ai une femme que j'aime... J'ai plus besoin de tout ça. Et pour vraiment participer au Main Event des WSOP par exemple, il faut être concentré à 100% dessus.
Au poker comme au tennis, si tu as plusieurs options, tu ne peux pas gagner. Ton désir de gagner doit être plus fort que tout. Au poker, tu peux faire illusion si tu as un peu de chance. Mais si tu as le choix, tu n'exploiteras jamais tout ton potentiel.
Mais j'aime le poker et je pense que j'ai encore des choses à prouver, donc je suis sûr que je retrouverai cette sensation et que j'y reviendrai.
Dans quelle mesure le WPT a-t-il eu un impact sur le développement du poker ? Penses-tu que celui-ci soit sous-estimé ?
Tout à fait. Je fais partie du WPT, donc ça peut sembler évident. Mais quand tu connais l'histoire, tu réalises l'importance de ce que Steve Lipscomb a fait. On a lancé notre émission, et les WSOP ont marché dans nos pas, parce qu'ils se sont rendu compte que ce qu'on faisait marchait.
Alors oui, je pense que le WPT est sous-estimé. Mais le WPT marche bien, on est toujours là et bien là, alors je ne vais pas me plaindre. Ce n'est pas une compétition.
Vous ne vous sentez donc pas en compétition avec les autres franchises, ou tous ces nouveaux circuits qui apparaissent ?
Les WSOP ont une grande histoire, des tournois magnifiques et un mois entier de poker de haut niveau à Las Vegas. Il faut respecter ce qu'ils font, et c'est ce que je fais.
Mais quand Lipscomb et le WPT se sont rendu compte que le fait de montrer les cartes pourrait rendre le poker cent fois plus télégénique, c'était un éclair de génie, et il mérite d'être reconnu pour ça. C'est ce qui a fait exploser le poker.
Et Steve et le reste du WPT avez sans doute encore beaucoup d'idées pour améliorer la visibilité du WPT on imagine ?
Oui, on fait toujours de notre mieux pour améliorer notre émission et la rendre plus palpitante. Nous avons déjà beaucoup évolué, et les audiences prouvent qu'on fait du bon travail, puisque l'émission est la plus regardée sur la chaîne américaine Fox Sports.
Essayez-vous aussi de développer le WPT en dehors des États-Unis ?
C'est un vrai défi, mais on parle bien du World Poker Tour, et je pense que depuis notre lancement, nous avons insisté sur cette dimension internationale. Je pense que c'était la bonne chose à faire et je crois que les gens comprennent ce qu'est le WPT.
Tu présentes le World Poker Tour aux Etats-Unis depuis de nombreuses années. Quels sont les moments qui t'ont marqué ?
Il y a eu Daniel Negreanu en saison 2. Il était dans une mauvaise passe, il n'arrivait à rien alors qu'on savait que c'était un joueur fantastique, l'un des meilleurs en tournoi. Mais quand ça ne veut pas...
Et puis il a fini par atteindre une table finale. Il devait rester quatre joueurs, et Daniel devait absolument toucher un 8 pour survivre. Et là, BOUM, le 8 sort. Daniel a remporté cette main, puis le tournoi.
Quand on y pense, est-ce que sa carrière aurait été la même s'il n'avait pas touché ce 8 ? Peu importe. Il a eu son 8, et c'était magnifique. Il a gagné le tournoi et il est devenu une superstar du WPT. Et c'était mérité, parce qu'il est vraiment une superstar. C'est un gars très charismatique et un joueur extraordinaire à regarder. Mais parfois je pense à la chance qu'il a eue de toucher cette carte, je revois ce 8 posé sur la table... Incroyable.
Après, je dis qu'il a été chanceux, mais il faut aussi garder à l'esprit à quel point il avait été malchanceux avant cela. Mais la roue finit toujours par tourner pour les bons joueurs.
J'aime aussi beaucoup ce qu'a fait Tony G à Paris lors de la troisième saison. Arriver à être aussi influent à table... C’est vrai que c’était parfois grossier, mais ce gars est génial, c’est mon héros.
Je me souviens avoir pensé : « ce gars va rendre le poker encore meilleur. »
Il est comme Illie Nastase au tennis : que tu l'aimes ou pas, tu te souviens de lui. Et je n'avais pas tort, il a rendu le poker amusant. Les gens adorent Tony G et sont capables de citer son nom !
Et puis il y a la victoire de Doyle Brunson à Vegas pendant la quatrième ou cinquième saison... C'était magnifique. Après avoir lu ses bouquins, après avoir appris le poker grâce à lui... On ne peut qu'aimer Doyle. Je pense qu'il avait 69 ou 70 ans quand il a gagné ce tournoi et c'était juste incroyable.
Parfois, je me dis que si nos tables finales n'avaient pas été aussi intéressantes, le poker n'aurait peut-être pas décollé. Parfois je regarde d'autres émissions de poker et c'est tellement ennuyeux... Si c'était le début du poker, les gens ne s'y intéresseraient pas.
Il faut avoir les bons joueurs pour que la mayonnaise prenne et c'était notre cas dès la première année du WPT. On avait des personnages incroyables, de Gus Hansen à Tony G... Ce sont aussi les joueurs qui font le WPT.
Ces joueurs sont toujours sur le circuit, mais est-ce qu'ils ne te manquent pas un peu quelque part ? Est-ce que tu sens que le poker est peut-être un peu trop « standardisé » aujourd’hui ?
Oui, c'est ce que je me dis, surtout quand je participe aux WSOP : plus le droit de parler de ses mains, plus le droit de parler tout court. Ils désavantagent vraiment les grandes gueules. Et je pense qu'ils ont tort parce que cela dénature le poker. Il faut laisser au poker ce qui en fait le piment, c'est ça qui le rend télégénique.
C'est le point de vue que je défends toujours quand on a des réunions pour le WPT. Mike (Sexton) n'est pas tout à fait d'accord avec moi, mais je pense que les joueurs devraient être libres de faire ce qu'ils veulent. Et moi je veux voir de vrais personnages, parce que c'est ça qui fait le poker.
Regarder ton adversaire dans les yeux, lui parler de tes cartes, des siennes, c'est ça le poker. À trop vouloir aseptiser le poker, on risque d'en perdre l'essence.
Pourquoi penses-tu que de telles mesures ont été prises ?
Ils ont de bonnes raisons de le faire. Ils veulent que le poker continue à évoluer et ils ont sûrement peur que cela avantage trop les gouailleurs. Mais et alors ? Ça fait partie du poker.
Pour moi, avoir une grande gueule et savoir lire ses adversaires sont deux qualités d'un grand joueur.
Et puis, imagine Tony G sans sa grande gueule ? Non. On veut de la tension, on veut du spectacle. C'est génial.
C'est pareil pour les cash games. Moi, j'aimais les cash games quand les joueurs sortaient les billets pour les mettre directement sur la table. Pas maintenant qu'ils doivent aller jusqu'à la banque et qu'ils ont 10 minutes pour se rendre compte de l'argent qu'ils ont perdu. Mais c'est comme ça. Petit à petit, on retire son charme au poker.
Peut-être que la crise fait qu’on a peur de montrer des sommes indécentes ?
Non, je ne crois pas que ça soit lié. Simplement, ils veulent savoir exactement quelles sont les sommes d'argent en jeu donc il faut que tout passe par la banque.
Et le charme du jeu dans tout ça ? Avant, tu avais ton jeton avec les billets en dessous. Et puis un gars qui perdait n'était pas obligé de quitter la table pour reprendre, il pouvait juste sortir une liasse de son portefeuille. C'était mieux pour les joueurs, et mieux pour le casino ! Le jeu était plus fluide.
Comment imagines-tu le poker d'ici dix ans ?
Le poker est le seul jeu d'argent dans lequel le joueur a l'avantage. Et c'est encore plus vrai quand tu sais que tu joues contre des adversaires plus faibles que toi. C'est quelque chose d'unique. C'est pour ça que je pense que le poker va continuer encore longtemps.
Et puis il y a une dimension sociale très forte qui fait que même un joueur moyen s'amusera, et ça a également permis de récolter beaucoup d'argent pour des œuvres caritatives. Beaucoup de bons côtés en somme.
Quant au poker en ligne, je pense que ça va réellement exploser.
Le poker est un jeu génial et c'est pour ça que je pense qu'il est là pour durer. C'est le jeu le plus excitant du monde. Rien que le fait de savoir que même si tu n'as pas la meilleure main, tu peux gagner en bluffant... C'est absolument fou !
Pourtant, il y a encore beaucoup de pays où la situation du poker n'est pas très bonne.
Oui, mais je pense que d'ici 10 ans cela ne sera plus du tout un problème.
As-tu vu le film Runner, Runner ? Qu'en as-tu pensé ?
Je l'ai vu, oui. Je vais être honnête, je pense qu'ils sont passés complètement à côté.
Tu sais, je regarde tout ce qui se fait dans le domaine, et il y a toujours beaucoup trop de clichés. Ca ne rend pas justice au poker. Et surtout ça manque d'humour.
J'aimerais vraiment arriver à faire un bon film sur le poker. Je suis en train d'écrire un truc sur mes parties à Beverly Hills, donc j'espère que ça donnera quelque chose de bon. J'espère arriver à un film drôle, et excitant. Le tout basé sur une histoire vraie.