Quand on parle de blogs, de livres et de coaching poker, difficile de faire plus prolifique que Jonathan Little.
Ces dernières années, Little a énormément étoffé son CV dans tout ce qui tourne autour du poker. Il suffit pour s'en rendre compte de voir qu'il est l'auteur de quatre des livres de poker les plus vendus sur Amazon.
Et avec plus de 6 millions de dollars de gains en carrière, il a l'expérience pour justifier tout cela.
PokerListings a récemment rencontré le joueur américain pour évoquer son activité de coach et comment cela affecte son jeu.
Entre le coaching, le blog et les livres, tu es très occupé. Qu'en retires-tu pour arriver à maintenir un tel niveau d'investissement ?
J'aime aider les gens.
Quand je me suis mis au poker, la communauté m'a beaucoup aidé. J'ai beaucoup étudié sur TwoPlusTwo et j'ai rencontré beaucoup de joueurs. Ils m'ont toujours donné des conseils avec plaisir, et maintenant je fais pareil.
Je veux aider les gens qui veulent progresser et sont prêts à s'y investir.
C'est l'idée d'aider les gens qui te motive depuis le début ?
Pour faire simple, avant il y avait beaucoup de joueurs que j'admirais et qui m'aidaient. Avec le temps, il y a eu des joueurs qui m'admiraient moi, donc j'ai eu envie de les aider.
Vois-tu plutôt cela comme une passion ou comme une entreprise ?
Avec le temps, j'ai beaucoup progressé sur l'aspect marketing, et soyons honnêtes, je gagne de l'argent.
Mais les gens qui participent à mes séminaires ou à mes programmes de coaching en retirent aussi quelque chose, donc c'est tout bénéf' pour tout le monde.
Il y a une vingtaine d'années, beaucoup de joueurs professionnels estimaient qu'il n'était pas souhaitable de diffuser des informations stratégiques. Je suppose que tu n'es pas d'accord avec cela ?
Grâce à Internet, toutes les informations imaginables sont disponibles si on se donne la peine de creuser. J'ai passé des heures et des heures à faire des recherches.
Est-ce que je veux vraiment que les gens passent des milliers d'heures à trouver des informations que je peux leur donner et les aider à assimiler ? C'est ce que je fais et j'en suis très heureux.
En tant que joueur pro, ne penses-tu pas qu'à long terme cela rend les parties plus difficiles pour toi ?
Non, pas vraiment. En fait, la plupart des gens avec qui je travaille sont des joueurs qui ont du mal à passer le palier des mises moyennes.
Je leur apprends à gagner en mises moyennes, ensuite s'ils veulent venir jouer contre moi, ils sont les bienvenus.
Peut-être que ça rend les parties en mises basses et moyennes plus difficiles, mais pas plus haut.
Vu le temps que tu passes du côté business du poker, tu dois aimer cela. Préfères-tu jouer au poker ou l'enseigner ?
Ça dépend. Si je dois choisir entre jouer en limites basses, disons en 5/10, et enseigner, alors je préfère enseigner. Par contre, si je dois choisir entre une partie de high stakes et enseigner, alors je préfère jouer.
Est-ce qu'il y a un aspect du coaching, entre les livres, les séminaires ou les vidéos que tu apprécies particulièrement ?
En fait j'aime surtout passer de l'un à l'autre. Je pense qu'il n'y pas forcément quelque chose que j'apprécie plus qu'autre chose, mais si je fais toujours la même chose je finis par m'user. Par exemple, quand je fais des vidéos, je m'y mets 8h par jour. Ou quand j'écris un livre, je fais ça de manière intensive pendant deux semaines et après je n'y touche plus pendant un mois ou deux.
Peut-être que ce sont les webinars que je préfère. J'en fais à peu près un par mois. C'est excellent pour mes élèves parce qu'ils peuvent participer, poser des questions. Ça ressemble vraiment à une grande classe. Ce qui est génial c'est que tout le monde en profite puisque je répond à beaucoup de questions différentes.
Estimes-tu que le fait de coacher et d'écrire des livres t'a permis de progresser encore plus ?
Absolument. Lorsque tu enseignes, tu es obligé de répondre à des questions très compliquées qui te permettent de remettre ton jeu en question.
Et quand tu découvres une nouvelle faiblesse, tu te dois d'y travailler. C'est le propre d'un bon coach. Quand j'ai écrit mon premier livre, Secrets of Professional Tournament Poker, j'ai appris énormément rien qu'en essayant de définir certains concepts que je ne connaissais pas encore très bien.
Sur ton blog, tu es très honnête sur tes résultats et ta manière de jouer – tu n'as pas de mal à admettre lorsque tu joues mal par exemple. C'est important pour toi d'être aussi honnête ?
Disons que si l'on se fie aux réseaux sociaux, on a l'impression que les joueurs de poker passent leur temps à gagner et c'est tout simplement faux.
Souvent, ils sont déçus, déprimés et ils perdent. C'est quelque chose qu'on ne voit presque jamais. On ne parle que des joueurs qui gagnent, pas de ceux qui grindent dans l'ombre en essayant de rentrer dans leurs frais.
Je veux montrer aux gens que perdre fait partie du jeu.
En Australie, j'ai même posté deux vidéos presque tristes. Mais c'est la vie et il faut aussi apprendre à l'accepter si l'on veut devenir un joueurs de poker professionnel.
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Jonathan Little : « Passer son temps derrière l'écran finit par lasser »
(25/02/15 - par Dirk Oetzmann)
Jonathan Little est le joueur pro idéal : talentueux et versatile. Et en plus d’être joueur, il est également coach, promoteur et écrivain.
En résumé, Little s’est petit à petit bâti un véritable petit empire à une époque où gagner de l’argent dans le poker devient de plus en plus difficile.
Nous l'avons rencontré lors de l’EPT Deauville pour évoquer avec lui sa longévité, la théorie du jeu et l’intérêt de suivre les conseils de Phil Hellmuth.
Après une décennie à évoluer dans le milieu du poker professionnel, comment arrives-tu à garder ta motivation intacte ?
Elle n’a pas toujours été intacte. Parfois elle en était même très loin.
Le fait d’enseigner le poker aux gens m’a permis de comprendre qu’il y a toujours quelque chose à apprendre. Et puis ça permet de conserver le côté ludique du poker.
Si tu passes ton temps à jouer devant ton écran tout seul chez toi, tu finis forcément par te lasser.
Un certain nombre de joueurs ont été “cramés” très rapidement dans leurs carrières. Mike McDonald, pour ne citer que lui, n’avait même pas encore l’âge de pouvoir entrer dans un casino aux États-Unis lorsqu’il a pris sa “retraite”.
Exactement. Ces joueurs-là jouent autant qu’ils le peuvent jusqu’à l’écoeurement.
Moi, j’ai trouvé un mode de vie qui me convient : je joue des tournois live environ deux semaines par mois, puis je suis chez moi pendant deux semaines. Mais je joue assez peu pendant ce temps-là.
Le fait de prendre un peu de recul permet de conserver l’envie de jouer. Du coup je fais exactement ce que j’ai envie de faire.
Beaucoup disent aussi que le poker est devenu trop difficile. Tu es d’accord ?
C’est devenu trop difficile pour certaines personnes. Ça a toujours été trop difficile pour certaines personnes.
Comme dans tous les jeux basés sur les compétences, les gens s’améliorent avec le temps. Il faut simplement s’assurer qu’on est toujours capable de gagner de l’argent.
Il y a une dizaine d’années, peut-être que 20% des joueurs pouvaient gagner de l’argent. Aujourd’hui, c’est probablement plus de l’ordre de 5%.
Tant que tu fais partie de ces 5%, il n’y a pas de problème.
Tu écris beaucoup, tu coaches et tu fais des vidéos. D’où te vient ce besoin d’apprendre et de partager ?
Je ne sais pas. Je me rends compte qu’en faisant ça on apprend beaucoup aussi. Je ne pense pas avoir de talent naturel pour le poker. Je pense même que j’étais naturellement plutôt mauvais au poker.
Donc j’ai travaillé. Et comme j’avais l’impression que beaucoup des ressources disponibles n’étaient pas si bonnes que cela, j’ai décidé de rassembler les bonnes pour les joueurs suivants, histoire de leur faciliter la tâche.
Certains coachs admettent qu’ils ne donnent pas tous leurs “trucs” à leurs élèves. Et toi ?
Je suis très honnête. De toute façon, une fois un certain niveau atteint, il devient difficile d’enseigner quoi que ce soit. A ce niveau-là, le poker devient vraiment un jeu d’instinct, tout en essayant d’appliquer la théorie de manière optimale.
Si tu arrives à faire, tu t’en sortiras toujours. La plupart des joueurs de que je coache s’en sortent plutôt bien avec des mises moyennes, mais s’ils veulent tenter leur chance au-dessus, pourquoi pas !
Est-ce vraiment possible pour un humain de jouer de manière optimale ?
Avec un petit tapis, définitivement. C’est plus difficile sinon. Certains joueurs croient savoir ce qu’ils font, mais seule une poignée d’entre eux sont vraiment proches de la perfection.
Que penses-tu du nouveau logiciel imbattable Cepheus ?
Je n’en pense pas grand chose. Cela ne concerne que les heads-up en Limit Hold’Em, ce qui n’est pas un jeu très compliqué.
C’est normal que ça ait été résolu, comme les échecs ou les dames.
Le poker avec limites est mort depuis un certain temps déjà. Alors peu importe qu’on ait résolu un jeu auquel plus personne ne joue.
Le No-Limit Hold’Em est beaucoup plus compliqué puisqu’on peut choisir sa mise. Ca change complètement le jeu.
Tu fais partie des rares joueurs à dire du bien du jeu de Phil Hellmuth. Pourquoi autant de gens pensent qu’il est nul alors qu’il a plus de bracelets que n’importe qui ?
Son jeu est loin d’être classique. Mais à un moment, il faut savoir reconnaître que si quelqu’un a autant de succès pendant aussi longtemps, ce n’est pas sans raison.
Bien sûr qu’il commet des erreurs, mais il fait aussi beaucoup de bonnes choses.
Dans le poker live, si tu es capable de savoir quand ton adversaire bluffe, ça perturbe totalement son jeu.
Peu importe le jeu “classique” si tu sais que ton adversaire n’a rien ou pas grand chose.
Aujourd’hui, je me suis couché avec QJ et une top paire avec un valet au flop. Tout ça parce que j’ai cru qu’ils avaient de meilleures mains que moi.
Je ne savais pas si c’était mieux que QJ, mais je savais qu’ils étaient sûrs d’eux. Donc je me suis couché pour ne pas perdre d’argent.
Au final, l’un avait un carré et l’autre une meilleure paire. Mais d’après la théorie, on ne devrait pas se coucher avec une telle main, elle est trop forte.
Recommanderais-tu aux jeunes de se lancer dans le poker ?
Non, c’est très difficile de se lancer si on est pas déjà très bon. Je ne recommanderais pas non plus les échecs, exactement pour les mêmes raisons.
Les meilleurs joueurs du monde seront toujours beaucoup trop bons.
Quel est ton prochain projet ?
Jonathan Little on Live No Limit Cash Games Volume 2 va bientôt sortir !
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