Humble, simple et sympathique : il y a toujours une partie de poker au Pays de Galles.
Il y avait une énorme table. C’est comme ça que j’ai choisi ma maison.
Je n’avais jamais joué au poker auparavant, et cela ne m’intéressait même pas.
Mon plan était simple. J’allais boire et m’amuser jusqu’à ce que mon pote me dise qu’il avait besoin d’un croupier. Ils voulaient me filer £25. J’ai saisi l’opportunité.
L’inscription à la partie coûtait £100. Il n’y aurait qu’un vainqueur. Dix joueurs. Mille livres pour le vainqueur. C’était pas mal.
Ils étaient tous menuisiers et jouaient aux cartes pendant leurs pauses. Et puis quelqu’un avait suggéré de jouer un peu plus sérieusement.
Les voilà dans ma cuisine à manger des Doritos couverts de fromage fondu en enchaînant les verres d’absinthe servis par ma femme.
C’est Wayne « Bill » Jenkins qui a gagné. Mille livres, c’était l’équivalent de deux semaines de boulot. Une idée commençait à faire son chemin. Un rêve. Une vision. Il y avait une vie meilleure que la sciure et la poussière.
Et si on pouvait jouer au poker toute notre vie ?
Le Doyle Brunson des vallées
Dans les vallées du sud du Pays de Galles, il n’y a pas grand-chose d’autre à faire que boire et regarder la télé. Un de mes amis venait parfois me rendre visite de Southampton. Il décrit parfaitement le lieu.
« C’est un lieu magnifique, mais j’aurais l’impression de régresser si je vivais ici. »
Nous participions presque tous à un championnat de billard. C’était sympa, mais il n’y avait pas d’argent à se faire, sauf à l’occasion des bras de fer.
C’est ça qui fait que le poker est si parfait. Ce n’est pas le jeu en lui-même. C’est la mise.
Il y a quelque chose d’inné dans le besoin de ses ouvriers de tenter de gagner autant d’argent que possible avec le moindre effort.
Nous avons commencé par un freezeout à £20. On ne connaissait que le No-Limit Hold’em (NLHE). Et puis un jour le père d’Eddie, Steve, et Gary « The Sleeper » Acreman nous ont rejoints.
Je me souviens encore de notre excitation. Ils étaient des magiciens. Ils étaient riches. Et ils étaient vieux.
Steve a pris la tête des parties et a changé les choses.
Ni l’un ni l’autre n’étaient très intéressés par le tournoi. Ils préféraient les cash games. Ils ont appris aux gars à jouer au Pot-Limit Omaha (PLO). On connaissait donc deux variantes.
Je pensais qu’ils étaient les deux meilleurs joueurs du monde. Le père d’Eddie était le Doyle Brunson des vallées. Sauf qu’il n’avait pas de petit scooter, mais une vieille camionette.
Sauf si Noël tombe un mardi
On ne perdait plus £20 par soir, mais une centaine de livres. La confiance était devenue une grande valeur.
Il n’y avait pas de distributeurs de billets dans les vallées. Une fois que vous n’aviez plus d’argent, il fallait en emprunter à un autre joueur.
La partie a lieu tous les jours, qu’il pleuve ou qu’il vente, depuis cinq ans. Sauf si Noël tombe un mardi.
Peu importe. Nous devenons des piranhas du poker pendant les Fêtes, écumant les tournois organisés dans toute la vallée.
Avec le temps, certains des joueurs originaux ont disparu. C’était l’argent.
On peut cacher quelques centaines de livres à sa femme. C’est plus compliqué quand c’est quelques milliers. À une époque, il y avait 20 joueurs. Aujourd’hui, plutôt cinq ou six.
C’était ça, Bobby Eggs
La soirée commence à 19 h avec un tournoi. On ne fait un tournoi que pour Bobby Eggs. Il joue avec nous depuis le début, mais il n’a pas les moyens de participer aux cash games.
On l’appelle Bobby Eggs parce qu’il apporte des œufs à la soirée. Il ne fait jamais payer personne. Un jour, je lui ai demandé comment il gagnait sa vie.
« Je fabrique des poulaillers », m’a-t-il répondu.
« Tu les vends combien ? »
« Je ne les vends pas, je les offre. »
C’était ça, Bobby Eggs. Un gentleman, dégingandé, myope comme une taupe et sourd comme un pot.
Je l’aime tellement. Il venait à nos parties avec son argent entassé dans le porte-monnaie de sa femme. De temps en temps, vous le trouverez au Grosvenor à Cardiff pour le tournoi du dimanche soir.
Les soirs où je perdais, je ne disais rien
Un par un, les joueurs passent du tournoi aux cash games. Un Iranien appelé Landi vient de Swansea pour participer aux cash games.
On lui passe l’argent et il le cache jusqu’à la fermeture. Personne ne vient jamais au pub. Il est désert, et ça nous va très bien comme ça.
Landi joue au Seven-Card Stud et appelle tout le monde « muppet ». On joue jusqu’à 3 h ou 4 h du matin. Certains vont parfois au travail après une petite sieste. Pour d’autres, c’est ça leur travail.
Les soirs où je gagnais, je laissais des tas de billets sous les cigarettes de ma femme dans la cuisine. Je me glissais dans le lit, plein d’adrénaline.
Je la réveillais. Ça l’embêtait. Je lui racontais mes victoires. Elle me disait de la fermer.
Les soirs où je perdais, je ne disais rien. Je ne la touchais pas. J’étais froid comme une pierre.
J’avais une relation tourmentée avec le poker. Une histoire d’amour qui a créé une dette de 30 000 £. Une histoire d’amour qui m’a aidé à rembourser cette dette. Une histoire d’amour qui m’a fait rêver de devenir millionnaire.
Une histoire d’amour qui m’a donné des cauchemars quand j’essayais de trouver comment cacher mes dettes. J’ai arrêté de jouer quand j’ai commencé à travailler sur l’EPT et le WPT.
Pendant des années, Bobby Eggs a cru que j’étais un joueur professionnel, jusqu’à ce que le WPT soit à la télé un soir où on jouait.
« Voilà Lee », dit The Sleeper.
« Où ? » demanda Bobby Eggs.
« À côté de la table, avec un calepin. »
Il ne m’a jamais regardé de la même façon depuis.
Humble. Simple. Sympathique.
Le jeudi, certains gars vont à Brynmenin pour jouer. C’est dans une vieille grange transformée en salle de poker.
Il y a quatre tables. Ils font un tournoi puis passent le reste de la nuit à faire des cash games.
Le dimanche, ils vont au Grosvenor Casino à Cardiff. Il y a un petit tournoi, puis un cash game Dealer’s Choice.
Ils jouent toute la nuit, se reposent le lundi, puis remettent ça le mardi. Le poker n’est plus un hobby, c’est un rituel. C’est la vie.
Le poker a créé des liens indéfectibles. J’ai participé à l’Unibet UK Poker Tour à Brighton il y a quelques semaines, et deux des gars étaient là aussi. Ils vivent pour le poker.
Au Grosvenor de Swansea, où joue l’ancien vainqueur de l’EPT et du WPT Roberto Romanello, ils ont un tournoi de Dealer’s Choice à £100.
C’est aussi là qu’on trouve le plus gros cash game du sud du Pays de Galles. Richard Harris y participe de temps en temps. Harris a fait parler de lui en octobre dernier lorsqu’il a remporté le PartyPoker WPT500 de Dusk till Dawn (DTD) pour £150 000.
Il y avait 1 616 joueurs dans ce tournoi, dont tout un lot de joueurs gallois. Le WPT m’a plusieurs fois demandé d’interviewer Harris, mais ce n’est pas son truc.
Humble. Simple. Sympathique.
Faites-leur signe
Il y a toujours une partie, parce que l’argent circule sans cesse. Avec le temps, le fish du groupe est à sec et on se retrouve avec quelques habitués de niveau équivalent qui « s’échangent » de l’argent chaque semaine.
Les deux autres endroits où jouer au poker dans le sud du Pays de Galles sont Les Croupiers, à côté du stade de Cardiff, et le Gala Casino dans le centre-ville. J’ai testé Les Croupiers, c’est pas mal. Je n’ai jamais été au Gala Casino.
Je crois que les mises sont les plus faibles de la région. Mais les meilleures parties n’ont pas lieu au casino.
Elles sont organisées autour de tables de cuisine, au pub, avec de l’argent sous la table au cas où le policier du coin décide qu’il s’ennuie trop.
J’ai vu des mariages se déchirer à cause de ces parties. Des cheveux blanchir. Mais j’ai aussi vu se former des amitiés incroyables.
Si vous passez dans la région et que vous voyez ces gars jouer au poker dans un coin d’un pub éclairé à la bougie, faites-leur signe. Sortez quelques billets, et on vous fera une place.