Pourquoi les fraudes suspectées continuent d’apparaître lors des événements de poker en direct comme le WSOP ?
L'une des questions les plus répétées au cours des dix dernières années dans la communauté du poker est : "Pourquoi les tricheurs, fraudeurs et escrocs présumés ne sont-ils pas interdits de jouer au WSOP et dans d'autres événements en direct ?". La réponse est compliquée. Ce problème ne peut pas être résolu simplement — et dans cet article, nous expliquons pourquoi.
Oui, c'est une critique des joueurs malhonnêtes
Pour faire simple : personnellement et en tant que membre de l'équipe de PokerListings, je veux voir la communauté du poker comme une union équitable de joueurs avec une bonne écologie et une tolérance zéro à tout comportement frauduleux.
Nous revenons sur ce sujet maintenant parce que quelques joueurs à la mauvaise réputation ont été aperçus au WSOP 2024. Leur apparition et les nouvelles associées ont relancé les discussions sur X (anciennement Twitter) et d'autres plateformes sociales sur la probabilité d'interdire ce genre de joueurs. Avant d'expliquer, parlons brièvement des personnes qui ont fait du bruit au WSOP 2024.
Men Nguyen
Men, ironiquement appelé "Le Maître" (ou "Le Maître qui raccourcit le pot" comme l'appelle Barry Carter), est l'un des joueurs les plus controversés de l'histoire du poker. Ce n'est pas un fraudeur classique, mais son comportement malicieux est bien connu dans la communauté.
Les gens n'ont pas beaucoup parlé de lui au cours des six dernières années jusqu'à son implication dans le WSOP 2024 $300 Gladiators, où un autre pro du poker, Brian Smith, a été raccourci de 30% de son stack. Vous pouvez lire les détails dans le fil de Smith sur X :
Trying to get this out there. #poker #wsop 27 left in Gladiator. I’m UTG with 4.525 @ 1m BB. I ship with J5ss.!The button raises to 10m, Men Nguyen raises all in from bb after SB folds. The button calls. They both have AK and I end up winning the main pot with pair of 5s.
— Smitty (@MithPoker) June 11, 2024
Après que le responsable de la salle ait examiné l'incident sur les enregistrements de la caméra, il a décidé de prendre un million à chacun des deux autres participants. Cela a conduit à une escalade qui s'est brusquement terminée par l'élimination de Smith. Brian n'a pas rapidement blâmé Ngyuen et Men a nié tout acte répréhensible, ce qui a fait réagir la communauté assez émotionnellement avec des histoires rétrospectives sur le comportement de Nguyen. Par exemple, l'hôte de WPT Tony Dunst a écrit sur X :
"Nous avons Men the Master qui continue de jouer malgré son implication dans son vingtième scandale de carrière tandis que des joueurs sérieux pensent que les casinos vont interdire des gens pour avoir regardé des graphiques entre les mains lol."
Le joueur de poker retraité Jay Farber a ajouté :
"Men Nguyen est le tricheur le plus flagrant du poker et il ne subit aucune conséquence. Il a essayé ça avec moi dans un pot au Venetian à l'époque et m'a ensuite demandé de sortir quand je l'ai suivi. Naturellement, il a changé de ton quand j'ai accepté et me suis levé."
Ali Imsirovic
L'ancienne étoile montante de Bosnie-Herzégovine, Ali Imsirovic, a été accusé de collusion et de multi-comptes avec Jake Schindler en 2022. Essayant de sauver sa réputation, Ali a admis des actes frauduleux et exprimé des regrets. La même année, des rumeurs disaient que PokerStars avait interdit les deux des événements EPT, et PGT les avait suspendus avec une annonce officielle.
Cependant, le WSOP a ignoré cette situation, permettant à Imsirovic de participer à ses événements en 2023. Le 12 juin 2024, Ruben Costa l'a aperçu dans le WSOP $1500 Monster et en a parlé sur X avec une pointe de sarcasme :
"C'est vraiment sympa de voir Ali Imsirovic se promener dans le Horseshoe avec un masque covid. Quel jeune homme respectueux et attentionné."
Plus tard, ses photos sont apparues sur X également — nous en avons choisi une de Connor Richards comme exemple.
Antonio Galiana
Le prix du cas le plus fou de joueur présumé de fraudes au WSOP 2024 revient à juste titre au pro du poker espagnol Antonio Galiana. Il est spécial pour trois raisons.
Premièrement, il a probablement réalisé l'un des plus grands bluffs de l'histoire du poker lors du HU contre Johan Guilbert dans le $2500 Freezeout No-Limit Hold'em :
One of the best bluffs in @WSOP history!?
— PokerGO (@PokerGO) June 15, 2024
🤯🤯🤯
📺: https://t.co/s2pDl56eOX pic.twitter.com/C77fQew46T
Deuxièmement, il a ensuite remporté cet événement en décrochant son premier bracelet en or et $439,935.
Troisièmement, il est connu comme faisant partie d'un groupe frauduleux qui a escroqué "Team651" de plus de $94K. Ce groupe utilisait une grande arnaque incluant les multi-comptes, la falsification du site PokerStars et la contrefaçon des historiques de mains.
Après son récent triomphe au WSOP 2024, cette histoire a été relancée et Galiana a été contraint de répondre publiquement. Il a fait une déclaration à PokerNews sur le fait d'être en contact avec son avocat pour diffamation et harcèlement, mais l'a ensuite retirée. Après une courte période, Antonio s'est associé à l'un de ses accusateurs, Jason Philipott, pour assurer à la communauté qu'ils travaillent à résoudre le problème. Comme Philipott l'a dit à PokerNews, Antonio "a expliqué l'étendue limitée de son implication et nous l'avons trouvé crédible".
Problème #1 : Beaucoup de mots mais rarement des preuves solides
La seule situation où un casino ou une salle de poker interdit des joueurs sans hésitation est lorsqu'ils enfreignent les règles sur place et sont pris en flagrant délit. Ils peuvent également restreindre les joueurs si ces derniers le demandent pour des raisons d'auto-restriction ou si la loi l'exige.
Quant aux marques comme EPT ou WPT, leurs propriétaires peuvent également décider d'interdire quelqu'un de participer pour d'autres raisons, telles que la tricherie confirmée sur des plateformes en ligne associées ou l'aveu public de culpabilité des tricheurs.
Mais lorsqu'un joueur ou un groupe de joueurs accuse quelqu'un de tricher sur les réseaux sociaux sans aucune preuve solide pour le confirmer — ni le casino, ni la marque ne peuvent punir la personne accusée uniquement sur la base de rumeurs.
Lorsque Jim Kilgus a demandé à discuter de l'interdiction des tricheurs, le fondateur de Poker TDA, directeur de tournoi et directeur exécutif du WPT, Matt Savage, lui a posé quelques questions pour comprendre la nature complexe de ce problème :
"Êtes-vous prêt à fournir des preuves de personnes trichant ou juste le faire sur la base de rumeurs ? Tous les joueurs bannis d'un site en ligne devraient-ils être interdits des tournois en direct ? Comment le saurions-nous, en tant qu'opérateurs, car les sites en ligne ne partageront pas cette information ?"
Le joueur de poker professionnel Ryan Depaulo l'a soutenu :
"Je suis d'accord. Je ne pense pas qu'il soit juste pour des joueurs comme Bonomo ou Ali d'être bannis des événements en direct pour avoir prétendument triché en ligne. À moins d'être pris en flagrant délit de tricherie en direct comme le Master, chaque domaine devrait être considéré séparément. Je sais que nous nous auto-polissons, mais c'est une pente glissante."
Le passionné de poker (comme il se qualifie) James Reis a souligné que cela ne devrait pas s'appliquer aux tricheurs auto-confirmés :
"Il n'y a rien d'allégué à propos de la tricherie d'Ali. Il l'a admis carrément. Il a triché sur le site du WSOP. Comment est-ce injuste de l'interdire du WSOP ? La défense de la pente glissante est une telle échappatoire et ne conduit qu'à l'inaction. Seules les personnes avec des preuves accablantes devraient être interdites."
En réalité, des cas clairs et nets comme celui d'Ali Imsirovic sont rares dans la communauté du poker. Les tricheurs ne veulent pas être punis, alors ils s'efforcent de ne rien admettre. Et les opérateurs de poker ne peuvent pas les interdire sans preuve solide ou aveux, sinon ils pourraient interdire n'importe qui sans raison ou être bombardés de poursuites pour restrictions déraisonnables.
Un autre problème avec les rumeurs est que les gens peuvent s'associer contre un joueur pour nuire à sa réputation pour des raisons personnelles. Et ils peuvent certainement utiliser la puissance des réseaux sociaux pour diffuser des allégations mensongères pour les rendre crédibles. De plus, la plupart des joueurs de poker ne plongent pas profondément lorsqu'ils lisent sur des tricheurs présumés, mais se précipitent pour en discuter et lyncher verbalement les accusés sans vérifier les faits.
Problème #2 : Manque de communication entre les opérateurs en ligne et en direct
Être opérateur de poker est une entreprise dans une industrie hautement compétitive entourée d'un environnement juridique en constante évolution. La réputation ici est l'une des devises les plus précieuses utilisées pour "acheter" des clients et étendre votre entreprise. Un système de sécurité valide qui peut identifier et interdire rapidement les tricheurs. C’est l'un des piliers de cette réputation. Mais si un site de poker en ligne ou une salle de casino gagne la réputation d'être un lieu avec des tricheurs où le système de sécurité ne peut pas les trouver rapidement — surtout, s'ils sont nombreux ou opèrent depuis longtemps — cela peut être catastrophique pour les affaires.
C'est l'une des principales raisons pour lesquelles les opérateurs en ligne travaillent dur pour éviter les fuites sur les fraudes qu'ils trouvent et les bannissent du jeu.
L'autre raison est la protection contre l'attraction de nouveaux tricheurs et le renforcement des tricheurs actuels. Lorsque les opérateurs admettent publiquement avoir été trompés et décrivent comment ils ont été trompés, ils éduquent non seulement les tricheurs déjà actifs sur ce qu'il ne faut pas faire, mais informent également indirectement d'autres joueurs malhonnêtes sur les points faibles du logiciel ou de la sécurité.
C'est un bon moment pour demander : "Mais pourquoi ne peuvent-ils pas informer en privé les opérateurs en direct et leur envoyer des preuves pour interdire les fraudes ?". Je pense qu'il y a trois raisons. Deux d'entre elles sont liées — la concurrence et le manque de confiance. Les opérateurs en ligne ne peuvent pas être sûrs que les opérateurs en direct n'utiliseront pas ces informations sensibles contre eux dans le cadre de la bataille pour le marché. La troisième raison est les problèmes juridiques liés au partage d'informations personnelles. Aucun opérateur, y compris un non réglementé, n'a le droit de rendre publiques les informations personnelles de quelqu'un, même lorsqu'il s'agit de tricherie. Cela peut entraîner des poursuites de la part de la personne concernée et également nuire grandement à la réputation de l'opérateur aux yeux des clients.
Problème #3 : Pas de règles et de sanctions universelles
La communauté du poker n'a pas de code de loi global pour tous les opérateurs, sites et plateformes. Les salles de poker en ligne ne peuvent même pas unifier les règles pour les trackers, donc nous ne pouvons pas nous attendre à ce qu'ils le fassent pour des questions plus compliquées. Bien sûr, ils ont quelques règles communes dans les régions où le poker en ligne est réglementé par la loi, mais aucun pays ou division administrative au monde ne se donne la peine de réglementer de si petites parties de l'industrie.
Et n'oubliez pas les sites de poker non réglementés qui fonctionnent littéralement sans aucune responsabilité devant la loi. Beaucoup d'entre eux ne veulent pas fonctionner aussi équitablement que les opérateurs réglementés essaient de le faire en raison du profit ou d'autres motifs.
La même chose est vraie pour les opérateurs en direct, les détenteurs de marques et les sites. Leurs règlements diffèrent de nombreuses façons en fonction de la loi locale, des traditions, des objectifs marketing et des spécifications des entreprises. Ils ne peuvent littéralement pas se dire quoi faire avec de nombreuses choses, y compris les fraudes. Il est donc tout à fait logique que les joueurs et d'autres parties de l'industrie, sauf les autorités, ne puissent pas le faire non plus. Comme l'explique Matt Savage sur X :
"La PokerTDA ou tout autre groupe où le joueur ne peut pas dire à un casino d'interdire un autre joueur, qu'il puisse ou non jouer sur leur propriété."
Y a-t-il quelque chose que la communauté du poker puisse faire ?
Comme l'a déclaré l'ambassadeur de 888poker, Aaron Barone, sur X à propos des interdictions pour les tricheurs :
"C'est certainement une pente glissante, mais combien de temps allons-nous fermer les yeux sur la tricherie dans notre industrie ? Malheureusement, la réponse à cette question dépend uniquement des opérateurs et pour paraphraser l'une des célèbres citations de Michael Jordan : 'Les tricheurs paient aussi le rake'."
J'ose ne pas être d'accord avec Aaron sur le fait de dépendre uniquement des opérateurs en ce qui concerne les tricheurs. Nous tous, en tant que communauté, avons aussi de l'influence. Nous ne pouvons pas bannir les gens bien sûr, mais nous pouvons rendre l'environnement de chaque fraudeur indésirable en les exposant et en nous en souvenant.
Cela inclut trois étapes :
- Tout d'abord, nous devons informer le site de poker de la tricherie suspectée et attendre une confirmation.
- Deuxièmement, après avoir reçu la confirmation, nous devons partager les faits — pas les émotions ou les interprétations — sur le cas de tricherie ou autre comportement frauduleux sur différentes plateformes. Cela doit être fait avec des mots prudents pour éviter la diffamation et le harcèlement, et seulement avec des preuves.
- Troisièmement, nous devons coopérer avec les sites de poker, les influenceurs, les chaînes YouTube et d'autres sources pour informer les autres membres de la communauté du tricheur.
Je crois que la communauté du poker a beaucoup de pouvoir internes pour s'auto-réguler. Bien sûr, nous ne pouvons pas éradiquer tous les tricheurs, mais nous pouvons certainement leur envoyer un message clair : nous vous voyons, nous vous connaissons, nous n'apprécions pas vos actions.
