Dans cet article nous explorons les différences entre le jeu en tournoi et en cash game, au-delà d'une simple différence de valeurs de jetons.
Investissement et retour attendu
L'une des plus grandes différences entre les tournois et les cash games (parties d'argent) est votre investissement par rapport à votre retour.
Les bad beats mis de côté, chaque joueur se voit garanti d'une durée de jeu significative dans un tournoi à bonne structure. Le gros ratio de jetons a comparé des blinds permet ainsi à chaque joueur de débuter sa partie "deep stack" (à tapis profond).
Le seul investissement monétaire fait dans un tournoi, est le buy-in (droit d'entrée) d'origine. Bad beats toujours mis à part, il vous sera garanti de voir un grand nombre de mains pour le prix de ce droit d'entrée.
Dans une partie d'argent, avec chaque jeton valant sa valeur faciale, le même investissement ne peut vous garantir autant de mains à jouer.
En définissant ainsi un montant maximum de "pertes", les tournois se trouvent très attractifs pour les joueurs les plus faibles, qui seront sans doute moins à l'aise avec la quantité d'argent qu'ils pourraient perdre en jouant en cash game. Et même pour les joueurs réguliers qui ne souhaitent pas investir une grosse somme d'argent en tant que bankroll.
C'est là l'une des raisons pour lesquelles un tournoi aura en général un niveau de jeu moyen plus faible que la plupart des parties d'argent.
Pour un buy-in de 100$ dans un grand tournoi, le vainqueur peut s'attendre à remporter jusque dans les 8000$, selon la taille du field (le nombre de participants) et la structure de paiement.
N'importe qui peut connaître une journée de veine, où tout marche comme sur des roulettes. Et sur l'une de ces journées, un joueur peut donc prétendre à aller gagner 80 fois son investissement d'origine, voire plus.
Dans une partie d'argent, vous pourrez vous estimer chanceux si au cours d'une même journée qui veut rigoler, vous repartez avec 20 fois votre investissement initial.
L'attrait de faire beaucoup d'argent et donc les tournois de poker est attractif surtout pour les "joueurs". Et plus important, pour ceux qui savent que leur niveau de jeu est plus bas que celui de la plupart des autres joueurs de la salle.
Pas la même bankroll selon lequel des deux jeux
En tant que joueur professionnel, ou de joueur qui se voudrait en être, vous devez toujours jouer dans les limites de votre bankroll. Jouer des tournois requiert un capital plus large que celui nécessaire pour jouer des parties d'argent.
Sur le court terme, les cash games ont plus de chances de fournir un rendement positif que les tournois pour un joueur professionnel. En contrepartie, la quantité d'argent réalisé sera toujours loin de la part remportée par le vainqueur d'un tournoi, pour le même montant de buy-in.
Un excellent joueur de tournoi peut espérer gagner quelque chose comme 1 tournoi sur 40 auxquels il participera (et bien sûr, plus les fields seront importants, plus ce ratio baissera).
En mettant de côté les rentrées dans l'argent annexes, le joueur peut donc s'attendre à perdre 39 buy-ins avant de connaître la victoire. Le joueur gagnera un bon peu d'argent au bout du compte, mais aura dû essuyer de significatives pertes en chemin.
Le jeu en cash game aura ses propres "swings" (variations à la hausse et à la baisse), et ses périodes de pertes, mais jamais sur une échelle aussi grande que celle du joueur de tournois.
Si vous perdez 39 caves consécutives en cash game, alors cela veut clairement dire que vous faites d'énormes erreurs à la table, ou que vous n'êtes pas fait pour le poker.
La qualité des joueurs n'est pas la même
Mais ne nous faites pas dire ce que nous n'avons pas dit, comme quoi les joueurs de tournois seraient moins compétents que les joueurs de cash games !
Ce que nous voulons dire, est qu'avec un buy-in initial du même montant, vous trouverez un plus grand ratio de joueurs faibles que de joueurs forts en tournois, a comparé des parties d'argent.
D'un autre côté, bien qu'il y aura donc sans doute plus de joueurs faibles en tournois, vous serez aussi assis à côté de joueurs encore meilleurs que ceux que vous pourrez retrouver en cash games.
Ce qui est sûr, c'est qu'avec les satellites que l'on trouve aujourd'hui partout, monsieur tout-le-monde peut aujourd'hui se permettre de venir s'asseoir dans des tournois majeurs.
Dans un tel évènement, où chacun est donc rentré pour le même buy-in, les places sont attribuées de manière aléatoire. Un tel arrangement verra donc les plus mauvais joueurs assis à côté des meilleurs. Ce qui n'aurait jamais été possible dans une partie de cash game, où le premier clampin venu n'aurait jamais pu se permettre de rentrer à la même table qu'un habitué des hautes limites.
En cash game, vous êtes généralement assis avec un groupe de joueurs de niveaux de compétence et d'expérience proches. Les joueurs qui dépassent la norme pour cette limite, en la dominant, montent généralement d'enjeux, en passant aux tables de limites supérieures.
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Après avoir plutôt abordé l'argent, la seconde partie de notre exploration des différences entre le jeu en tournoi et en cash game se focalise à présent sur le jeu.
Tournois contre cash games : Une valeur des jetons différente
A mon avis, la différence la plus importante entre le jeu en cash game et le jeu en tournois, est la valeur d'un jeton. Le jeu en partie d'argent, et la théorie, vous autorisent à être très libéral avec vos jetons.
De nombreux concepts de cash game sont formulés selon l'hypothèse que vous avez la possibilité et la volonté de recaver (racheter des jetons). Prenez les cotes implicites comme exemple :
En cash game, il peut être très rentable de mettre de l'argent dans un pot même en jouant une main avec une probabilité de gagner très faible. Si vous avez 15% de chances de remporter la main, mais de bonnes chances d'avoir des centaines de fois un retour sur investissement lorsque vous toucherez, il peut alors d'agir du bon move à faire.
La plupart du temps vous allez manquer et perdre le pot. En tournoi, ne pas avoir la possibilité de re-remplir votre stack, rend cette décision très mauvaise. Chaque jeton représente une part de votre vie dans le tournoi. Moins vous avez de jetons, moins vous avez de chances de survie (et de marge de manœuvre).
Des styles de jeu différents entre tournois et parties d'argent
Pour ces raisons évoquées, réussir en tournoi va vous demander d'être plus conservateur avec vos jetons que vous ne le seriez en cash game. Ceci étant, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit, que je prêche pour un style serré-faible.
La pression constante de la montée des blindes fait de ce "style" de jeu une garantie de vous retrouver mangé par les blindes à un moment ou un autre. Le style standard "serré-agressif" reste le style roi en tournois.
Pour mettre cela en perspective, si vous étiez capable de voler les blindes une fois à chaque orbite (chaque tour de table), sans jamais jouer aucune autre main, le heads-up vous serait alors garanti. Comme vous pouvez le voir de cet exemple, le concept de perdre moins pour gagner plus est bien plus valable dans un tournoi que dans une partie d'argent.
Les Coin Flips ne sont pas les mêmes
Certains me traitent de "nit" (ultra-serré) pour ça, mais ok, j'accepte. Vous ne devriez presque jamais rechercher les coin-flips en cash game. La principale raison pour laquelle nous jouons au poker et pas à la roulette, est qu'il nous permet de mettre notre argent en jeu seulement lorsque les cotes sont en notre faveur.
Les parties d'argent se déroulent durant une période de temps indéfinie. Vous pourrez toujours trouver une meilleure opportunité pour mettre votre argent, que de le faire dans un coin-flip.
La seule fois où je fermerai les yeux sur le fait de prendre les coin-flips, est lorsque vous utilisez ça pour créer une image et manipuler la table.
Si les autres joueurs de la table pensent que vous allez prendre tous les coin-flips dès qu'ils se présentent, ils seront moins enclins à essayer de faire de gros moves pré-flop contre vous.
Dans un tournoi, vous serez forcé de prendre de multiples coin-flips sur la route qui mène jusqu'à la table finale. Le style de jeu "standard" dans un tournoi est d'ajuster votre agressivité et les requis de mains selon le ratio de votre stack par rapport à la somme totale des blindes (et bien sûr à d'autres facteurs).
Dans ce scénario, vous pouvez vous permettre d'être super-serré dans les premiers niveaux d'un tournoi, et espérer toucher de grosses mains. Si ces mains ne viennent pas à vous, vous serez à la longue forcé de trouver une main pour tout envoyer pré-flop.
Comme de nombreux autres joueurs seront dans le même bateau, vous trouverez généralement quelqu'un qui envisagera de suivre.
Quelques top joueurs de tournois aiment jouer "backwards" (à l'envers). Le style de Michael Mizrachi est d'essayer de prendre les coin-flips dans les premiers niveaux d'un tournoi. S'il perd le flip, il finit simplement au même point que s'il avait perdu le flip dans les derniers niveaux.
S'il le ou les gagne en revanche, il peut se retrouver dans une situation où il aura assez de jetons pour ne pas être dans une situation de "push or fold" (tout envoyer ou se coucher) en même temps que la majorité des autres joueurs.
Si vous pouvez vous permettre d'être serré lorsque le plus gros du field restant est en mode survie, vous pouvez alors attendre les bons moments pour attraper les joueurs et prendre leur stack.
Il n'y a pas de "bonne" façon de jouer un tournoi. Les professionnels ont pu prouver que les styles "standard" et "backward" peuvent tous deux grandement réussir.
La spécificité du jeu à la bulle en tournoi
Le dernière différence entre les deux types de jeu qui nous ont intéressé dans cette série d'articles, est le jeu à la bulle. Pour rappel, la bulle d'un tournoi est le moment où il ne manque plus qu'une personne à être éliminée (ou quelques-unes dans un très grand tournoi) avant que les joueurs restant ne rentrent dans les places payées.
Dans un tournoi suffisamment important pour que la majorité des joueurs aient peur d'être sorti avant l'argent, la dynamique du tournoi change complètement à ce stade, et tout de suite après que la bulle ait éclaté.
Il est ainsi courant de voir la majorité du field se murer en roc à la bulle. Quasiment aucun joueur n'ira jouer un coin-flip à ce stade, à moins qu'il ne se retrouve en posture d'être éliminé s'il ne le prend pas.
Pour cette raison, c'est le moment où les pros chevronnés iront étoffer leur propre tapis. Si personne n'envisage de suivre de grosses mises à la table, vous devriez en effet être capable de voler de nombreuses blindes à chaque tour de table jusqu'à ce que la bulle éclate.
Pour finir, la chose la plus importante à se souvenir est que le poker est censé être amusant. C'est un jeu, et vous devriez passer du bon temps à y jouer.
Et en temps que débutant, vous éprouvez sans doute bien plus de plaisir dans les tournois que dans les parties d'argent.