Vanessa Rousso est une survivante. Tout au long de ces neuf dernières années, la Franco-Américaine a prouvé qu’elle avait de quoi durer dans le poker, tout en ayant l’une des carrières les plus atypiques du circuit.
Depuis son arrivée dans le monde du poker en 2005, Rousso est en effet la seule personne du circuit à avoir été sponsorisée par GoDaddy, à avoir participé à l’édition “maillots de bain” du magazine Sports Illustrated et à avoir défendu le poker en ligne devant le Congrès américain, le tout en gagnant des millions de dollars en parallèle.
Elle est aussi l’un des plus anciens membres de la team PokerStars pro (qui a enregistré de nombreux départs ces dernières semaines) et l’une des figures emblématiques du circuit mondial.
Cependant, tout n’a toujours pas été rose pour Rousso, notamment cette année puisqu’elle a perdu son ex-mari, Chad Brown, décédé d’un cancer. Comme d’autres joueurs de poker, Rousso s’est exprimée lors de la cérémonie.
“Ces six derniers mois ont été très difficiles,” explique Rousso. “Je n’ai pas beaucoup joué au poker.”
Neuf ans de poker professionnel, c’est éprouvant
Et il n’y a pas que la mort de Brown qui a tenu Rousso loin des tables de poker.
“Je fais cela professionnellement depuis neuf ans maintenant, on en arrive au point où ça devient un véritable boulot. Ça devient une espèce de routine, tu te lèves le matin en te disant que tu n’as pas vraiment envie d’aller au boulot mais qu’il faut bien le faire.”
Après une longue pause, Rousso s’est donc rendue en Australie pour les WSOP Asia-Pacific et envisage de se rendre à Montréal, en Afrique du Sud et à Vegas pour disputer de grands tournois.
“J’ai les crocs. Je vais beaucoup jouer dans les cinq mois qui viennent.”
Et si Rousso a parfois du mal à entretenir sa passion pour le poker, cela ne dure jamais longtemps.
“Au fond, j’aime toujours autant le poker et je reste une compétitrice, mais ce sont les périodes entre les grands tournois qui sont difficiles à gérer. Mais c’est le principe quand on est un joueur de tournois.”
“Les succès de Selbst, Obrestad ou Coren sont loin d’être des accidents”
Rousso a inspiré toute une génération de jeunes joueuses lorsqu’elle a terminé 7ème du WPT World Championship en plein boum du poker en 2006.
Aujourd’hui, elle fait partie des nombreuses joueuses ayant fait leurs preuves en tournois, aux côtés de Vanessa Selbst, Annette Obrestad, Liv Boeree et beaucoup d’autres.
Pour Rousso, il n’y a même plus de débats à avoir concernant les joueuses de poker :
“C’est marrant, on me parle toujours de ça, mais je ne comprends pas vraiment pourquoi. C’est quelque chose de très ancré. C’est comme si on me demandait pourquoi on voit le tricot comme une activité féminine, c’est juste une histoire de tradition.
Les hommes se sont mis au poker bien avant les femmes, donc on aura toujours du mal à rattraper ce retard en termes de représentation. Par contre, les joueuses comme Vanessa, Annette ou Victoria ont montré que les joueuses n’ont rien à prouver. Leurs performances ne sont pas des accidents.”
Le poker peut vous abîmer sur le long terme
S’il y a bien quelque chose qui a changé dans la vie de Rousso ces dernières années, c’est qu’elle est arrivée à trouver un véritable équilibre, notamment en se découvrant une véritable passion pour le rôle de DJ.
“Cela me permet d’utiliser l’hémisphère droit de mon cerveau et m’aide à ne pas avoir l’impression que le poker occupe toute ma vie.
J’essaye aussi de passer beaucoup de temps avec mes amis et ma famille. L’objectif c’est que les aléas du poker ne m’affectent pas trop.”
Il faut dire qu’être DJ est un changement bienvenu dans sa vie de joueuse de poker.
“Le poker est un jeu à somme nulle, ma victoire est forcément la défaite de quelqu’un d’autre. Avec le temps, ça peut peser. Ce n’est pas toujours très gratifiant de se rendre compte que tout ce qu’on fait, on le fait aux dépens de quelqu’un d’autre. A long terme, ça peut vous abîmer.”
Des sentiments que la musique l’aide à apaiser :
“A l’inverse, dans la musique, mon succès apporte de la joie aux gens. Si je fais un super set, tout le monde danse. Il n’y pas de meilleur sentiment que cela. Ca compense un peu le côté avilissant du poker. C’est à ça que me sert la musique.”
S’adapter à un poker en perpétuelle évolution
Malgré une relation parfois conflictuelle au poker, Rousso semblait heureuse d’effectuer son retour à la table de poker à l’occasion des WSOP APAC, n’hésitant pas à plaisanter avec les autres joueurs et assumant son statut de “vétérante”.
Combien de temps continuera-t-elle à jouer au poker ? Personne ne le sait, mais ce qui est sûr c'est qu'elle n’envisage pas d’arrêter prochainement.
Vanessa espère d'ailleurs une légalisation prochaine du poker en ligne aux Etats-Unis qui pourrait, selon elle, provoquer une renaissance équivalente au boum des années 2000.
“Je ne sais pas si ça sera le cas, mais je l’espère.”
Au final, la seule constante dans le poker, c’est le changement perpétuel, quelque chose qui ne semble pas gêner Rousso :
“Les joueurs qui survivent sont ceux qui savent s’adapter, c’est quelque chose que j’apprécie énormément.”
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Vanessa Rousso : « Big Brother était encore plus difficile que les WSOP »
(par Arthur Crowson - interview publiée en décembre 2016)
Vanessa Rousso est une joueuse. Qu’il s’agisse de poker, d’échecs... ou de téléréalité.
Son expérience dans Big Brother reste fraîche dans son esprit, même plus d’un an après, lorsqu'elle s'était vue offrir la possibilité de participer à l’émission de CBS Big Brother.
La Franco-Américaine s’en était en tout cas sortie honorablement, puisqu’elle avait terminé 3è, à une place du prix.
Nous avons pu revenir sur cette aventure avec elle, pour en savoir plus sur cette expérience de télé-réalité, un genre d'émission que l'on retrouve naturellement en France aussi sur nos écrans, notamment à travers l'adaptation française de Big Brother : Loft Story.
Big Brother ? Une expérience « incroyable »
« C’est vraiment le truc le plus terrifiant que j’aie jamais fait.
Psychologiquement, émotionnellement et physiquement... Je n’ai jamais rien vécu d’aussi difficile. À tous les niveaux. »
On pourrait penser que de par sa longueur, l’émission pourrait effectivement s’apparenter aux longues heures passées aux tables des WSOP, mais Rousso n’est pas tout à fait de cet avis :
« Aux WSOP, une fois ta journée terminée, tu es tranquille.
Big Brother, c’est 24 heures sur 24. Aucun contact avec tes proches. Pas de soutien émotionnel. C’est vraiment difficile, et pas juste mentalement. Pour moi, Big Brother était encore plus difficile que les WSOP. »
Mais malgré les difficultés, Rousso en garde le souvenir d’une expérience incroyable.
« Participer à Big Brother, c’était une chance unique pour une spécialiste de la théorie du jeu, une joueuse et une professionnelle comme moi », estime-t-elle.
« C’était vraiment une chance immense de pouvoir participer à un jeu en continu pendant près de 4 mois. Je me suis vraiment beaucoup amusée. »
Utiliser le poker pour prendre l’avantage
Ce n’est pas la première fois que les chemins du poker et de la téléréalité se croisent : Jean-Robert Bellande, Garret Adelstein et Anna Khait ont notamment participé à Survivor et Maria Ho et Tiffany Michelle ont formé une équipe dans The Amazing Race.
Rousso n’a pas dévoilé sa profession de joueuse de poker pendant Big Brother, mais elle estime que cela lui a bel et bien donné un avantage.
« Pour moi, n’importe quel joueur de poker qui participe à Big Brother a un avantage sur les autres : nous avons l’habitude de réfléchir en termes stratégiques systématiquement.
Une personne lambda ne se retrouve pas dans ces situations aussi souvent qu’un joueur de poker. »
Rousso est passée tout proche de toucher le gros lot dans l’émission, mais cela n’a pas l’air de l’avoir traumatisée.
« Je dirais que si quelqu'un devait échouer à une marche de l'argent, j'étais la mieux préparée car ça fait partie de la vie d’un joueur de poker.
Je l’ai donc bien pris. Peut-être qu’il y a quelques années, j’aurais eu plus de mal à gérer cela.
Mais maintenant j’ai compris qu’il y a une part de risque dans tous les jeux, comme au poker et dans Big Brother, alors tant que vous êtes satisfait de la manière dont vous avez joué et des décisions que vous avec prises, il ne faut pas que le résultat ait un impact sur votre satisfaction. Il ne faut se baser que sur les décisions. Et là je suis très contente de ce que j’ai fait. »
Une isolation difficile
Il y a quand même un aspect du jeu auquel Rousso n’était pas préparée.
« Je ne pensais pas que ce serait aussi difficile d’être coupée de mes proches.
J’estime être assez solide, et je ne me rendais pas compte à quel point je dépends de mes proches. Me retrouver sans eux était extrêmement difficile. Là-bas, tu es seul avec toi-même.
Personne n’est de ton côté, c’est l’essence du jeu.
C’était très difficile pour moi, j’ai l’habitude d’être très entourée. Cela m’a permis de me rendre compte que je dépendais trop de mes proches, donc j’ai pu en tirer une leçon intéressante. Je suis devenue plus forte. »
Malgré tous ces défis, Rousso n’hésiterait pas à renouveler l’expérience.
« Si j’avais la chance de faire Big Brother ou Survivor ou même Amazing Race, même si ce n’est pas aussi stratégique, je le ferais », affirme-t-elle.
« C’était vraiment amusant, mais comme je n’ai pas gagné, je dois remettre ça ! »