Qu'elles soient vendues avec ou sans ordonnance, légales ou illégales, les drogues font partie du quotidien de beaucoup de joueurs, tant sur le circuit live que sur Internet. Ceux-ci sont en effet souvent convaincus qu'elles les aident à être plus performants.
Au sommaire :
- Différentes drogues et leur influence
- Alcool, joints, Provogil : Quelles sont les drogues les plus répandues au poker ?
- Shane Schleger : « Nous sommes tous des toxicomanes »
Phil Hellmuth, détenteur de 13 bracelets WSOP, a notamment déclaré, dans une interview pour QuadJacks.com :
« Il y a une drogue dont j'ai oublié le nom mais qui ressemble au speed. Un truc vraiment fort. Beaucoup de joueurs de poker en ont pris ces dix dernières années. Presque tous ceux qui en ont pris ont gagné entre un et deux millions de dollars sur une période de 6 ou 8 mois. Ensuite, les effets de la drogues ont commencé à disparaître et un certain nombre de joueurs se sont rendu compte qu'ils étaient devenus accros. Moi j'ai fumé un peu d'herbe il y a 25 ans, mais les drogues ne sont pas vraiment mon truc. »
Bien que le Poker Brat semble loin d'être un expert des drogues, on ne peut nier l'omniprésence de celles-ci dans l'univers du poker.
C'est pourquoi nous allons aujourd'hui nous pencher sur les drogues utilisées par les joueurs de poker en live et sur Internet, du cannabis à la cocaïne en passant par les pilules "magiques" comme l'Adderall et le Provigil.
Pour chacun des éléments de la liste, nous verrons également les effets qu'ils ont sur les joueurs et comment ils ont trouvé leur place dans le poker.
Adderall (sels mixtes d'amphétamine)
La description des effets de l'Adderall en fait à première vue un véritable Graal pour les joueurs de poker, mais de plus en plus d'études récentes remettent en cause ses qualités en termes d'augmentation des performances cognitives.
L'Adderall, à base d'amphétamines, est utilisé le plus souvent pour traiter les troubles du déficit de l'attention avec hyperactivité, mais il a également la réputation de booster la concentration et les performances mentales des personnes qui ne sont pas touchées par ce trouble.
S'il ne fait aucun doute que l'Adderall vous donnera l'impression que vous êtes très performant, en réalité ses effets dépendent beaucoup de vos performances à la base.
Une étude menée par Martha J. Farah à l'Université de Pennsylvanie a démontré que l'Adderall améliorait effectivement les performances des sujets qui sous-performaient, mais qu'il affectait de manière négative les sujets qui accomplissaient déjà des performances au-dessus de la moyenne.
Si l'on ramène ça au poker, l'Adderall pourrait effectivement aider un joueur peu en forme à mieux jouer mais pourrait également desservir un joueur qui exploite déjà bien ses capacités.
Ce que l'étude de Farah a également démontré, c'est que si les effets positifs étaient largement variables, en revanche les sujets étaient tous persuadés d'être plus performants.
En résumé, l'Adderall vous permettrait d'être plus concentré et de rester éveillé, mais pas sûr qu'il vous permette de mieux jouer.
Par ailleurs, la consommation d'Adderall peut entraîner une dépendance et des effets secondaires tels que perte d'appétit, dépression et paranoïa. Peut-être pas le meilleur candidat pour que votre poker franchisse un palier, donc.
La Dexédrine est un autre médicament utilisé pour traiter le TDA et contient de la dextroamphétamine. Elle a les mêmes usages que l'Adderall.
Ritaline (méthylphénidate)
Tout comme l'Adderall, la Ritaline est à l'origine un traitement du TDA, mais est aujourd'hui très prisée chez les personnes voulant booster leurs performances cognitives.
Chez les patients souffrant de trouble du déficit de l'attention, la Ritaline permet d'atteindre un niveau normal de concentration, mais pour un consommateur lambda en bonne santé, elle permet de maintenir un niveau optimal de concentration pendant de longues heures.
Nul doute que la possibilité de rester éveillé plus longtemps en étant concentré au maximum est séduisante pour tout joueur de poker.
Par ailleurs, la Ritaline est le médicament le plus répandu de sa catégorie et est donc très facile à obtenir et assez peu cher.
Cependant, si la Ritaline n'induit pas d'addiction lorsque utilisée correctement dans le cadre d'une prescription, un usage récréatif et parfois abusif peut rendre accro.
Cocaïne
Après l'alcool et le cannabis, la cocaïne est très certainement la drogue la plus répandue dans le poker, que ce soit pendant les fêtes sur le circuit ou pour rester éveillé devant son ordinateur. Un nombre surprenant de joueurs en consomment.
Tout comme l'Adderall et la Ritaline mentionnés plus haut, la cocaïne permet de rester éveillé et concentré et donc de jouer pendant de longues heures, ce qui explique sa popularité auprès des joueurs.
Ce qui est moins séduisant en revanche, c'est son potentiel addictif, ses effets secondaires et son coût pour le moins prohibitif.
Il suffit de regarder Stu Ungar pour s'en rendre compte.
Dans sa biographie, il explique avoir commencé à prendre de la cocaïne sur conseil de ses amis joueurs de poker qui l'utilisaient pour rester en forme pendant leurs longues sessions de jeu.
Et si Ungar a effectivement été très performant à la table de poker, l'addiction à la cocaïne qu'il a développée a fini par le tuer.
En résumé, un usage modéré pourrait effectivement vous aider à court-terme, mais les risques à long-terme devrait on l'espère suffire à vous dissuader d'en utiliser.
Modiodal (modafinil)
Le modafinil est principalement utilisé dans le cadre du traitement de la narcolepsie et de l'hypersomnie idiopathique, mais beaucoup l'utilisent pour se donner un coup de fouet et rester concentrés.
D'après un documentaire qui lui était consacré sur CBS l'année dernière, le Provigil (version américaine du Modiodal) est plébiscité par les programmeurs, les grands hommes d'affaires et bien sûr les joueurs de poker.
Dans un article publié dans le New Yorker en 2012, le joueur pro Paul Phillips déclarait notamment que l'Adderall puis le Provigil l'avaient aidé à remporter des millions de dollars :
« Le principe-même du poker est d'être assis à observer longuement ton adversaire et à le faire mieux que lui. Avec le Provigil, je pouvais utiliser toutes les informations et prendre les meilleures décisions. »
Si la grande majorité des gens qui utilisent le modafinil ne ressentent pas d'effets secondaires, il y a encore beaucoup de choses que nous ne connaissons pas à propos de cette substance. En effet, aucune étude n'a encore été menée sur ses effets à long-terme.
Bêta-bloquants
On en parle moins que des précédents, mais les bêta-bloquants permettent de combattre l'anxiété et sont largement utilisés depuis qu'on les a découverts dans les années 60.
Les bêta-bloquants permettent d'atténuer les effets du stress comme l'accélération du rythme cardiaque, de la respiration et la transpiration. Assez pratique à la table de poker, donc.
Les joueurs de poker pourraient donc utiliser les bêta-bloquants pour garder leur « poker face » et contrôler leur anxiété afin d'être plus concentrés et de mieux jouer.
Attention tout de même, la liste des effets secondaires potentiels des bêta-bloquants est longue comme le bras : de la nausée à la diarrhée en passant par l'impuissance, il vaut peut-être mieux choisir une approche un peu plus saine pour arriver à gérer votre anxiété.
Alpha Brain (nootropique équilibré)
Alpha Brain est un supplément qui ne fait pas vraiment partie de la même catégorie que les « drogues » citées ci-dessus. Ce qui ne l'empêche pas d'avoir des principes actifs puissants.
Et surtout, la promotion d'Alpha Brain est assurée par les joueurs de poker Matt Vengrin et Sorel Mizzi, ce qui justifie qu'on le mentionne ici.
Chez Alpha Brain, on promet de vous aider à rester plus calme, concentré et déterminé.
Les retours des clients sont assez mitigés, mais la liste des ingrédients est impressionnante et des grands noms comme Joe Rogan conseillent de l'utiliser.
Sur le site d'Alpha Brain :
« Alpha Brain contient de l'alpha-GTC, source de choline, un précurseur à l'acétylcholine qui est un neurotransmetteur permettant d'augmenter l'acuité mentale et les capacités cognitives, de la vinpocétine, un nootropique extrait de la pervenche, bien connu et également utilisé pour ses propriétés neuroprotectrices, la Bacopa, un autre nootropique qui permet d'améliorer l'apprentissage moteur, la mémoire et de réduire l'anxiété, et de l'AC-11, un composé dérivé de la liane du Pérou, originaire de la forêt amazonienne et qui permet au corps de réparer l'ADN endommagé. »
Quant aux critiques, beaucoup concernent le prix très élevé d'Alpha Brain.
Alcool
L'alcool est de très loin la « drogue » la plus répandue dans le poker.
Des verres offerts gracieusement aux joueurs à Vegas au pack de bières que vous achetez avant d'aller jouer avec vos amis, aucune substance n'a plus d'impact sur le poker que l'alcool.
Et si vous pensez que seuls les amateurs y trempent, détrompez-vous. Il suffit pour s'en rendre compte de revoir la « fameuse » prestation de Scotty Nguyen aux WSOP 2008.
Ceci dit, si vous avez moins de mal que Scotty à vous modérer, un verre ou deux peuvent vous permettre de gérer le stress généré par le poker.
TJ Cloutier décrivait d'ailleurs Bill Smith (Champion du Monde 1985) comme le meilleur joueur du monde quand il avait un peu bu, et le plus mauvais quand il avait bu un verre de trop.
Et comme vous le savez peut-être d'expérience, l'alcool a un effet particulièrement dévastateur sur la mémoire et il est parfois très difficile de se souvenir de ce qui est arrivé lorsqu'on était alcoolisé. Ce qui peut être un peu problématique au poker si vous êtes incapables de vous baser sur votre expérience pour prendre des décisions.
En résumé, étant donné les effets négatifs tant sur le plan mental que physique de l'alcool, il est insensé de penser qu'il peut vous permettre de devenir un meilleur joueur de poker.
Ceci dit, ça ne veut pas dire que l'alcool ne peut pas vous permettre de gagner plus d'argent. Repérez le joueur qui commande le plus de Jaggerbombs et jouez contre lui.
Marijuana
S'il y a bien une drogue qui semble avoir été créée sur mesure pour les longues soirées passées à jouer au poker sur l'ordinateur au sous-sol de chez ses parents, c'est bien le cannabis.
C'est bien pour cela que le cannabis est la deuxième drogue la plus répandue dans le poker, après l'alcool.
De plus en plus de jeunes fument de l'herbe, et de plus en plus de jeunes se lancent dans le poker. Pas difficile de comprendre comment le cannabis est devenu si commun dans le poker.
Et il suffit de traverser un parking ou un couloir d'hôtel pendant les World Series of Poker à Vegas pour se rendre compte du nombre de joueurs qui jouent stones.
Les effets de la marijuana incluent :
- Une modification de la perception du temps, de l'espace, des distances, de la vue, du toucher et de l'ouïe,
- Capacités de jugement et de prise de décision altérées,
- Problèmes de coordination et augmentation du temps de réaction,
- Désorientation,
- Somnolence,
- Problèmes de mémoire et cognitifs,
- Difficultés à réfléchir et à résoudre des problèmes.
Tout comme l'alcool, l'herbe altère votre jugement, vos prises de décisions, vos capacités cognitives et votre mémoire. Difficile de croire que cela peut faire de vous un meilleur joueur.
Les consommateurs disent souvent que cela leur permet d'être plus concentrés, ce qui est évidemment une bonne chose pour un joueur de poker, mais des études ont montré que dans le cadre d'un usage chronique, les capacités de concentration sont plutôt affectées négativement.
Cependant, la marijuana peut effectivement permettre aux joueurs de réduire leur anxiété, qu'ils jouent en ligne ou en live. Mais comme pour toutes les drogues ou produits, nous ne pouvons naturellement que la déconseiller.
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Alcool, joints et Provigil : Les drogues les plus répandues dans le monde du poker
(21/10/15 - par Lorenzo Invernizzi)
La consommation de médicaments améliore t-elle les facultés intellectuelles des joueurs de poker ? Presque jamais sur le long terme, bien qu'il soit difficile de donner une réponse claire à cette question.
La longue liste des joueurs qui ont fait usage de substances stupéfiantes comprend, entre autres, Mike Matusow dit « The Mouth », Stu Ungar, Greg Merson et Dan Bilzerian (même si ce dernier est le joueur de poker le moins revendiqué).
Dans tous les cas, leur réussite au tapis vert est davantage liée à leurs capacités personnelles qu'aux super-pouvoirs donnés par des décoctions diverses.
Cependant, analysons plus en détails l'effet de ces drogues, qui vont de l'amphétamine aux « joints ».
Adderall
L'Adderall est un médicament qui contient de l'amphétamine et qui est administré aux adultes et aux enfants souffrants d'ADHS (troubles de l'attention et hyperactivité). Mais certaines personnes l'utilisent de façon inappropriée pour améliorer leurs performances intellectuelles.
Le but est notamment de profiter de pensées convergentes (elles sont complémentaires aux pensées divergentes et elles permettent d'affronter les situations et les problèmes pour lesquels il y a une seule et unique solution).
Certaines études, comme celles du chercheur de l'Université de Pennsylvanie Martha J. Farah, s'interrogent cependant sur son efficacité réelle. D'après Farah, les seules améliorations des performances intellectuelles concernent les sujets qui présentent des carences en termes de pensées convergentes. La prise de médicaments serait alors contre-productive pour les personnes qui ont des capacités supérieures à la moyenne sans avoir besoin de consommer cette drogue.
Il reste également à déterminer si ce médicament à un effet néfaste sur les pensées divergentes et créatives. La dexerine et le Ritalin, utilisés chez les patients avec ADHS, peuvent avoir les mêmes effets que l'Adderall.
Viagra pour le cerveau ?
Le Modafinil, utilisé dans le traitement des troubles du sommeil et de la narcolepsie chez les personnes qui travaillent la nuit, est consommé à tort pour maintenir la concentration durant les longues sessions autour du tapis vert.
Dans une interview au New-Yorker datant de 2012, le joueur de poker professionnel Paul Philips a révélé que grâce à l'Adderall et au Provigil (le nom commercial du Modafinil), il a réussi à gagner des millions de dollars.
Selon un rapport d'un service de la CBS, on a assisté ces derniers temps à un pic de ventes de ce médicament à des professionnels qui veulent être toujours au top. Pour cette raison, le Provigil a été rebaptisé « Viagra du cerveau » (mais encore une fois on ne connaît pas les effets secondaires sur le long terme).
Cocaïne
Après l'alcool et la marijuana, la cocaïne est la troisième drogue la plus courante dans le monde du poker.
Elle est utilisée pour rester vigilant et mentalement actif sur une longue période, mais elle a bien sûr des effets secondaires graves (voir Stu Ungar).
Bêta-bloquants
Utilisés pour réduire l'anxiété, les bêta-bloquants entraînent une myriade d'effets secondaires, notamment des nausées, de la diarrhée et des troubles de l'érection.
Compléments alimentaires
Même s'ils peuvent améliorer les performances intellectuelles, les compléments alimentaires ne peuvent pas être mis dans la catégorie des médicaments. Le complément Alpha Brain, par exemple, est revendiqué par des joueurs professionnels comme Matt Vengrin et Sorel Mizzi.
Mais même dans le monde des compléments, il suffit de faire un tour rapide sur Internet pour se rendre compte du nombre de produits étranges qui sont commercialisés.
L'un d'entre eux est « Poker fuel ». Il offre « une large gamme de vitamines essentielles, comprimés et suppléments » dédiés aux joueurs professionnels et aux simples amateurs de poker. La liste des produits comprend les lignes « Relax », « Alert », « All-In » et « Endurance ».
La ration K du joueur de poker
Les « Instant meal » (une sorte de boisson homogénéisée au goût fraise, vanille, chocolat et banane) sont pour les gens qui ne veulent pas s'éloigner de la table de jeu ou de leur ordinateur, même pour manger. Pour avoir votre propre « ration K », il suffit d'ajouter du lait à la préparation et de secouer le tout.
Les joueurs postmodernes
Ceux qui consomment ce breuvage vont être étonnés d'apprendre qu'ils sont une version post-moderne de John Montagu, comte de Sandwich (1718-1792), l'inventeur des sandwiches. La légende raconte que le comte se faisait préparer des sandwiches pour éviter d'avoir à s'arrêter quand il jouait aux cartes.
Alcool et marketing
L'alcool peut être considéré comme une drogue, avec les mêmes effets lorsque sa consommation devient pathologique. Beaucoup de casinos, y compris ceux de Las Vegas, offrent gratuitement une grande variété de boissons alcoolisées pour fidéliser leur clientèle.
Un chiffre à boire
Mais qui obtient trop à boire peut vite devenir gênant, comme Scotty Nguyen en 2008 lors de la table finale du tournoi de H.O.R.S.E. à 50.000$ des World Series of Poker.
Le joueur américain a apporté une bouteille à la table de jeu puis a commencé à insulter ses adversaires. Pour prouver qu'il était invincible, il montrait même au public et aux joueurs les cartes qu'il avait en main.
Scotty a quand même réussi à obtenir la première place. Il s'est ensuite excusé sur Internet pour son comportement gênant.
Il vaut mieux boire avec modération
Bill Smith, champion du monde en 85, est quant à lui décrit par TJ Cloutier comme le meilleur joueur quand il est un peu « gai » et le pire quand il est ivre.
Pas de joints quand on joue
Juste après l'alcool, la marijuana est la deuxième drogue préféré des joueurs de poker. Comme le vin et la bière, la « maria » contribue à réduire l'anxiété. Mais comme vous pouvez l'imaginer, sa consommation aboutit à un ralentissement des fonctions cognitives.
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Shane Schleger : « Nous sommes tous des toxicomanes »
Shane Schleger s'éloigne peu à peu du monde du poker, mais est revenu sur le devant de la scène à l’occasion d’un article controversé publié dans le magazine Slate, à propos des drogues.
par Artur Crowson - interview publiée en mai 2014
Dans un article intitulé “15 ans passés à fumer du crack”, Schleger fait son coming-out de toxicomane et décrit en détail son vécu en tant que tel.
L’article a fait l’effet d’un véritable électrochoc pour tous les gens ayant une vision stéréotypée des toxicomanes, et il s'agit là sans doute d'un récit auquel de nombreux addicts se sont identifiés.
Schleger présente également un podcast, Dope Stories, au côté de Pauly “Dr Pauly” McGuire (connu grâce à Taopoker), qu’ils décrivent comme “une discussion posée à propos des drogues”.
Le poker est un sujet récurrent du podcast : tout récemment l’ancien champion du monde Greg Merson est venu y parler de son passif avec les drogues.
Nous avons rencontré Schleger pour évoquer avec lui ses projets et bien sûr parler un peu poker.
Comment se passe ta reconversion, de joueur de poker à journaliste/podcasteur ?
C’est super intéressant et je m’éclate, mais c’est aussi un peu flippant ! Un peu comme quand je me suis lancé dans le poker et que je pensais avoir un bon potentiel, mais que je ne savais pas si j’arriverais à décrocher de bons résultats.
Les gens ont l’air de beaucoup apprécier Dope Stories. Ca doit te faire plaisir, non ?
C’est très encourageant. On vient de ce lancer dans un projet qui n’en est encore qu’à ses balbutiements, c’est important pour nous d’avoir un retour : c’est ce qui nous permet d’avancer. On peut encore une fois établir un parallèle avec le poker : pour l’instant, nous sommes en train de grinder pour essayer de progresser. La partie véritablement satisfaisante arrive plus tard, quand tu t’es confronté à plus de joueurs et que tu as obtenu de vrais résultats.
La question que tout le monde s’est posée en entendant ton histoire, c’est de savoir si oui ou non tu as déjà joué au poker, en ligne ou live, alors que tu étais sous l'emprise du crack. Tu as expliqué dans le podcast que ce n’était jamais arrivé, les deux n’allant pas bien ensemble. Penses-tu qu’au contraire, certaines drogues peuvent permettre de mieux jouer au poker (Adderall, etc.) ?
Permettre de jouer plus, oui certainement. Permettre de jouer mieux en revanche, c’est difficile à dire. Personnellement, je n’ai jamais entendu d’argument permettant de dire que le cannabis permettrait de mieux jouer au poker, ce qui n’empêche pas qu'il y a beaucoup de joueurs qui aiment en consommer pour jouer. Certains diront sûrement que cela leur permet de mieux gérer l’aspect émotionnel du poker, notamment au niveau du tilt, ou tout simplement qu’ils s’amusent plus, mais je ne suis pas sûr que ça contribue positivement à leur jeu, non.
Quant à l’Adderall, d’après ce que j’en sais il s’agit d’une version médicale de la méthamphétamine, donc j’imagine que les bons côtés du speed (vivacité, sensation de créativité débordante) sont transférables au poker. Par contre je ne peux pas dire que j’aie vraiment testé.
La drogue est omniprésente dans le monde du poker, le cannabis en tête. Cependant, il y a plein d’autres milieux (sports extrêmes, finance, show-business, etc.) où les drogues sont très répandues, voire acceptées. Penses-tu que le poker soit plus propice aux drogues que d’autres voies ?
C’est une question compliquée. Je pense que le poker est assez représentatif de la nature humaine, c’est juste que nous sommes plus ouverts que d’autres sur nos addictions. Peut-être que les gens qui jouent au poker se soucient peu du regard des autres par nature.
De toutes façons, tout est une question de point de vue. En écrivant cet article, je me suis rendu compte que beaucoup de gens qui évoluent en dehors du monde du poker considèrent encore le poker et les jeux d’argent comme une manière par essence malhonnête et dépravée de gagner sa vie. Alors que personnellement, je ne trouve pas que notre métier soit très différent d’autres professions basées sur l’investissement, la gestion et la prise de risques qui sont acceptées dans notre société.
De la même façon, la société estime raisonnable de boire deux tasses de café par jour ou un ou deux verres de vin pendant le repas, mais pas de fumer un joint avec la tasse de café ou de se faire une ligne de coke après le repas. Au final, tout ça n’a pas grand chose à voir avec la toxicité de la chose, c’est plutôt une question de perception.
Les gens ont un peu tendance à fantasmer sur “la bonne époque”, mais il est très réaliste de dire que les drogues/l’alcool/les excès faisaient alors partie intégrante du poker. Penses-tu que ton parti pris de parler ouvertement de la drogue est perçu différemment selon la substance et l’époque ?
Mon idée n’est pas de “défendre” la consommation de drogues, même si je pense que vous aurez compris qu’il est difficile de dissocier le poker des drogues. Ce que je veux, c’est pouvoir discuter de manière ouverte et objective de la consommation de drogues et aller plus loin que les poncifs habituels qui occultent énormément de choses. Je pense que c’est le meilleur moyen d’arriver à résoudre nos problèmes comportementaux.
Il est évident que le poker est un milieu propices aux excès, et pas seulement au niveau des drogues : nourriture, sexe, jeux... Ce n’est pas nous rendre service sur le long terme que d’ignorer cette réalité.
Haralabob a récemment déclaré sur Twitter qu’il avait été l’un de tes backers et qu’il venait juste d’apprendre que tu consommais du crack. Bien que tu n’aies jamais joué après avoir consommé, ne penses-tu pas que ce soit un peu malhonnête que tes backers n’aient pas été au courant ?
J’en ai discuté en privé avec Bob après ces tweets, je lui ai expliqué que sachant qu’il me trouvait déjà idiot de fumer des cigarettes, je ne voyais pas comment aborder le sujet plus délicat de cette drogue très stigmatisée.
En ce qui concerne Bob en particulier, il faut savoir qu’à l’époque où nous travaillions ensemble les drogues dures n’étaient que très peu présentes dans ma vie. Lui en parler serait revenu à évoquer une activité illégale à laquelle je m’adonnais entre une et quatre fois par an et que j’estimais n’avoir quasiment aucun impact sur mes capacités intellectuelles. Je ne pense pas lui avoir caché d’autres aspects de mon vécu avec les drogues, donc j’espère vraiment ne pas l’avoir trahi. Mais c’est vrai que sachant qu’il s’est senti trahi a posteriori, si je pouvais revenir en arrière, je le lui dirais. J’ai au minimum menti par omission.
Par contre en ce qui concerne l’année dernière, où j’admets volontiers que je fumais trop de cocaïne, je pense que mon backer de l’époque a une vision globale de mon comportement et ne porte pas de jugement sur les décisions que j’ai prises dans ma vie personnelle. Je pense qu’il serait d’accord avec moi quand je dis que je n’ai pas l’impression que ma consommation excessive ait affecté mes performances au poker.
Tu as parlé d’un juste milieu entre la dépendance totale et l’abstinence. C’est un sujet relativement tabou, ou du moins difficile à aborder sans tomber dans les poncifs sur l’addiction. A ton avis, qu’est-ce qu’il manque aux gens pour envisager une consommation modérée de drogues ?
Peut-être que nous sommes tous des toxicomanes, chacun à notre niveau. C’est pour ça que j’aime bien faire des parallèles entre le café, l’herbe, la crytstal meth ou l’Adderall. Notre manière de penser est très très marquée par des stigmates très forts qui empêchent de faire avancer le débat. Comme le prouvent d’ailleurs certaines réactions à mon article, selon lesquelles je défendrais la consommation de crack. Il est vraiment difficile de s’exprimer dans la nuance dans un domaine comme la consommation de drogues, dont les gens ont tendance à avoir une vision encore très manichéenne.
Les réactions à ton article sur Slate ont effectivement été assez fortes, et souvent très tranchées, comme tu l’as dit dans ton podcast. Est-ce que tu as lu tous les commentaires ? Est-ce que certains t’ont particulièrement marqué ou ont abordé des aspects du problème que tu n’avais peut-être pas envisagés ?
Je ne pensais pas que des commentaires allaient être aussi hostiles ou que ma personnalité toute entière serait évaluée à la lumière des stigmates associés à la consommation de crack, quand mon intention était au contraire de faire que les gens remettent en cause ces stigmates en s’appuyant sur mon vécu.
Je pense que beaucoup de gens évoluant dans le monde du poker ont plus facilement saisi les nuances de mon propos, probablement parce que notre profession elle-même a été beaucoup stigmatisée.
Dans le poker, les gens aiment en faire des tonnes et balancer des tas de noms et d’accusations diverses quand ce genre d’histoires sort. Est-ce que cela a été le cas pour toi ou les réactions ont-elles été plus positives parmi ton cercle de proches ?
Globalement, j’ai l’impression que les joueurs de poker ont été plutôt ouverts et compréhensifs. Je pense qu’il y a plusieurs raisons à cela, notamment la stigmatisation à laquelle beaucoup ont dû faire face dans le cadre du poker.
Les cures de désintoxication et les programmes du type Narcotiques Anonymes sont les réponses quasi systématiques lorsqu’on parle d’addictions. Penses-tu qu’ils constituent une solution ? Ou bien la vie d’un joueur de poker (par exemple) est-elle trop compliquée pour que cela soit si simple ?
Tout ce qui peut permettre de mener une vie plus saine a un intérêt. Comme je l’ai dit dans l’article, je pense que beaucoup de ce qu’on entend dans ce genre de structures est très intéressant. Ce que je conteste, c’est la notion qu’elles sont seulement utiles aux gens qui ont touché le fond et qui doivent à tout prix atteindre l’abstinence totale. Personnellement, je ne me vois pas du tout participer à ce genre de programmes, pourtant je pense avoir des choses à dire en ce qui concerne les addictions et leur traitement.
Est-ce que tu te vois continuer à jouer au poker dans le futur ? Es-tu satisfait de ce que tu as accompli ?
J’espère que le poker restera toujours un de mes hobbys ! Je voudrais garder un haut niveau et continuer à jouer de temps en temps. Je veux revenir à ce qui faisait du poker un jeu et pas du “travail”. L’idéal serait d’intégrer le poker à ma vie plutôt que d’adapter ma vie à une carrière de joueur de poker à plein temps.
RITALINE : ” un usage récréatif et parfois abusif peut rendre accro.” j’en utilise c’est bien pour perf mais c’est pas PEUT rendre accro mais c’est REND (très très) accro pire que la cocaine (je connais les deux….).