Dans son allocution pour présenter les résultats du rapport sur la régulation des jeux d’argent et de hasard demandé il y a un an, le Premier président de la Cour des comptes Didier Migaud démarre fort en mettant en avant trois messages principaux.
« • Premièrement, la gouvernance de la régulation des jeux n’est pas satisfaisante, dans la mesure où elle ne repose pas sur une stratégie claire ni sur une organisation cohérente.
• Deuxièmement, les objectifs fixés par la loi du 12 mai 2010 à la politique de l’État en matière de jeux sont loin d’être atteints, notamment en matière de santé et d’ordre public.
• Troisièmement, les changements qui touchent actuellement le secteur des jeux d’argent et de hasard alimentent l’urgence d’une nouvelle approche du secteur par l’État régulateur. »
Comme disent les jeunes aujourd’hui : « ça, c’est fait ! » Voyons maintenant plus en détail ce que signifient et sous-tendent ces trois points majeurs qui émergent de ces travaux menés par les députés Régis Juanico et Jacques Myard.
Trop de ministères
Le premier point souligne « l’éclatement croissant des compétences entre plusieurs ministères » : à savoir le Ministère de l’économie (évolutions de la régulation et de la fiscalité), le Ministère de l’intérieur qui a des compétences pour les casinos et cercles de jeux, et le Ministère de l’agriculture qui lui a des compétences pour le secteur hippique… sans parler du Ministère chargé de l'industrie et du numérique qui va lui aussi pouvoir avoir un droit de regard dans ce domaine du fait des évolutions législatives récentes. Quant au Comité consultatif des jeux créé en 2010 qui devait assurer la cohérence entre les différents acteurs, il a été supprimé dans le cadre de la simplification gouvernementale, sans solution de remplacement…
La solution se trouverait donc dans la « création d’un comité interministériel comprenant le budget, l’intérieur, l’agriculture, la santé, les sports et l’économie » et dans la « création d’une autorité administrative indépendante, unique et indépendante » pour réguler l’ensemble des jeux d’argent.
Une lutte contre l'addiction pas assez efficace
Le deuxième point met en avant une réduction de l’offre illégale, grâce à une action soutenue de l’ARJEL contre les sites de jeux illégaux, même si plusieurs types de marchés illégaux sont à nouveau en cours de développement (casinos en ligne, paris liés aux compétitions de jeux vidéo).
A l’inverse dans le domaine de la santé, la Cour souligne que les actions de prévention pour « prévenir le jeu excessif ou pathologique et protéger les mineurs » ne sont pas assez efficace (depuis 2010, hausse de 10% des joueurs occasionnels entre 15 et 75 ans).
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Quant à la prévention des activités frauduleuses ou criminelles, du blanchiment des capitaux et du financement du terrorisme, l’objectif n’est que partiellement atteint.
Définir une réelle stratégie
Le troisième message de la Cour est que « l’adoption de nouvelles perspectives en matière de régulation » est « particulièrement urgente ». La loi de 2010 qui autorisait les jeux d’argent en ligne a en effet paré au plus urgent mais elle doit désormais « définir une stratégie d’ensemble se traduisant à la fois par une production normative cohérente et un mode de régulation unifié et renforcé. »
Par-là, elle conseille certainement de s’attaquer à la forte hétérogénéité des régimes fiscaux auxquels sont soumis les différents segments de jeu et semble préconiser le prélèvement sur les mises plutôt que sur le Produit Brut des Jeux (PBJ), autrement dit taxer l’activité de l’opérateur et non plus les gains du jeu…
Ce rapport de 188 pages représente une année de travail de toute une équipe qui connait bien son sujet (M. Migaud était président de la Commission des finances à l’Assemblée nationale lorsque le projet de loi sur l’ouverture à la concurrence des jeux d’argent en ligne avait été discuté). Il compile des données et des témoignages extrêmement intéressants ainsi que neuf recommandations judicieuses qui n’ont sans doute pas fini de faire couler de l’encre dans les mois à venir !
Surtout lorsque l'on sait que le partage des liquidités avec d'autres pays européens va enfin pouvoir avoir lieu.