Thee Best Hands, Goldfingers, … les masseuses sont depuis quelques années devenues des actrices à part entière des tournois de poker. Sauf en France, où elles sont interdites d’exercer.
Les Français ne feraient-ils décidément jamais rien comme tout le monde ?
Nouvelle illustration à l’occasion de ces World Series of Poker Europe d’Enghien-les-Bains, avec l’absence remarquée des « massage girls », ces masseuses professionnelles qui oeuvrent depuis maintenant des années sur le circuit des grands tournois, afin de prodiguer des moments de relaxation bienvenus aux joueurs de poker pendant les parties.
Where the massage girls at??? @wsop #WSOPe
— Gjergj Sinishtaj (@GSinishtaj) October 15, 2013
(“Où sont les massage girls aux WSOPE ???”)
En fait, cela fait même depuis 2011 que ces masseuses n’ont plus le droit d’exercer sur le territoire. Et seulement sur le territoire.
Maeva Taranne des Goldfingers, nous résume la situation :
« Dans tous les autres pays du monde il n'y a pas de souci. C’est en fait la Police des Jeux qui a mis en place l’interdiction, car ils ne voulaient pas que les masseuses puissent voir les cartes des joueurs, notamment parce qu’il y avait eu une affaire avec un journaliste quelque temps avant. »
Cette affaire, c’est la fameuse affaire Ali Tekintamgac, joueur allemand pris en flagrant délit de triche au Partouche Poker Tour 2010, avec trois complices journalistes qui se tenaient derrière ses adversaires afin de voir leurs cartes et les lui communiquer.
"Dans tous les autres pays du monde il n'y a pas de souci"
Alors, cette réglementation, l’organisateur est tenu de s’y conformer, comme nous l’explique Lucille Denos, Directrice de tournoi pour le Groupe Barrière et co-directrice des WSOPE avec Jack Effel.
« Quand on organise des tournois dans les casinos ou dans un endroit déporté appartenant à l’organisateur comme ici au Grand Hôtel Barrière, on dépend toujours de la réglementation des jeux dans les casinos. Et pour être dans l’espace de jeu, il faut un agrément. Il n’y a que des personnes autorisées qui ont le droit d’être dans cet espace de jeu.
Il y a des métiers qui sont bien spécifiés et pour qui on peut demander un agrément. C’est pour ça qu’il y a juste une dérogation pour la presse. Les masseuses ne rentrent pas dans ce cadre, car leur présence ne se défend pas. Pour l’instant en tout cas. »
Pour la même raison, on notera que les spectateurs sont également interdits de présence dans la salle de tournoi de ces WSOPE.
Maeva regrette bien entendu cette décision :
« Il n’y a jamais eu de plainte de joueurs à ma connaissance, au contraire ils étaient tous ravis qu’il y ait des massages sur les tournois. »
"Il n'y a jamais eu d'histoire"
Que disent justement les joueurs, les premiers intéressés ?
Tous ceux que nous avons pu interroger regrettent effectivement cette décision, à commencer par Jonathan Duhamel, plutôt adepte de ces massages:
« Quand tu joues au poker pendant 12 heures de suite ou si tu as des problèmes de dos, des fois c’est bien d’avoir un massage, donc oui c’est dommage.
Que les filles puissent voir les cartes ? C’est un risque, mais si tu les protèges il n’y a personne qui ne peut les voir, ce n’est donc pas un problème.
Et puis les filles qui sont engagées sont des filles de confiance en général. »
Même avis du côté de Manuel Bevand, qui n’oublie pas d’avoir une pensée pour les masseuses elles-mêmes.
« Il n’y a qu’en France qu’on arrive à interdire les masseuses dans les tournois de poker. C’est dommage pour les joueurs mais c’est surtout dommage pour les masseuses pour qui c’est un travail plutôt rémunérateur et avec beaucoup de demande. »
Un coup dur que Maeva regrette également amèrement :
« On était enragées à l’époque, parce qu’on a quand même perdu de l’argent, des clients, des supers partenaires comme Partouche, comme Barrière, … et donc aussi les WSOP Europe à Cannes ou Enghien. »
Manuel Bevand ne comprend pas lui non plus l’argument proposé par la Police des Jeux, tout en soulevant un point très intéressant :
« La question de la sécurité puisque c’est pour ça que c’est interdit ? Il n’y a jamais eu aucun problème sur aucun circuit, jamais eu une seule histoire. »
L’affaire Tekintamgac ? Oui mais la masseuse tu ne contrôles pas à qui elle va faire un massage...
Aussi une affaire d'argent ?
Alors pourrait-il y avoir d’autres raisons ? Cela semble être le cas, comme précise Maeva :
« La Police des Jeux ne voulait pas non plus d’argent qui circule comme ça sur les tournois. »
Là aussi ManuB est loin d’être convaincu :
« Si c’est le droit du travail, c’est encore la France. On empêche les gens de travailler dans les conditions où ils peuvent gagner de l’argent aujourd’hui. »
Une alternative est bien proposée aux joueurs par la présence d’un mini-stand de massage à l’entrée de la salle du tournoi, mais celle-ci est bien loin de remplacer le massage aux tables, et pour différentes raisons nous dit Maeva :
« Le problème c’est que les joueurs ont 10-15 minutes de pause. Ils sortent de la salle pour marcher un peu, fumer leur cigarette, discuter des coups qu’ils ont gagné ou perdu, mais ils ne se font pas du tout masser.
Dans le couloir aussi ce n’est pas pareil, et en 15 minutes ils n’ont pas le temps, ce n’est pas le moment propice pour eux. »
Bilan des courses ?
« Du coup on est obligé de s’exporter à l’étranger pour travailler sur les tournois de poker, mais bon c’est dommage. »
Au final, tout le monde est donc malheureusement bel et bien perdant, et le poker (français) avec.