David E. Reese est né en 1951 et décédé en 2007. Il est rentré dans la légende du poker sous le nom de Chip Reese.
Dès son jeune âge, David se forge une réputation de "rounder", ces habitués écumant les parties en naviguant de l'une à l'autre.
En grandissant à Dayton dans l'Ohio, il matait d'ailleurs déjà des gamins plus grands que lui au poker, empochait leurs cartes de base-ball et rentrait en vainqueur à la maison.
Mais ses prouesses aux cartes progressent vraiment le jour où il contracte une fièvre rhumatismale au cours de l'une de ses premières années d'école élémentaire. Avec son fils forcé de rester à la maison plutôt que d'aller à l'école, la mère de Chip y resta également et en profita pour lui enseigner toutes sortes de jeux de cartes et de plateau.
Adolescent, Chip devient un habitué du tapis vert et se retrouve même souvent aux côtés de Mike Sexton, créateur du World Poker Tour. En dehors du poker, Chip joue également au football américain, en y étant particulièrement doué : il remporta d'ailleurs le championnat de l'Etat de l'Ohio, avant d'aller en finale nationale.
Sa scolarité achevée il est accepté à l'Université d'Harvard, mais opte finalement pour des études d'économie au Dartmouth College. Il continue d'y jouer au poker en se mesurant souvent à des professeurs ou membres de sa fratrie. Ceux-ci nommèrent plus tard leur salle de cartes la « David E. Reese Memorial Card Room » en son honneur.
Chip prévoyait bien d'étudier le droit à l'Université de Stanford après son diplôme, mais un voyage d'été à Las Vegas changea ses plans.
En conduisant vers l'ouest pour rallier sa nouvelle école, le jeune homme de 23 ans s'arrêta à Sin City (Vegas, la ville du pêché) pour rendre visite à un ami. Il avait 400$ en poches, qu'il perdit rapidement en jouant au black-jack. Le jour suivant il travaille avec le père de son ami pour gagner quelque argent de poche, et aller s'adonner au Seven Card Stud à basse limite. Après un été de pratique, Chip prend le départ d'une épreuve à 500$ au Sahara Casino y termine à la première place, repartant avec le prix du vainqueur de 50 000 $.
Voyage sans retour
Inutile de dire que l'homme ne quitta pas Las Vegas dans la foulée après ça. Et alors que septembre avait battu son plein, Chip s'était vu amasser une bankroll de plus de 100 000 $.
Il s'associa peu de temps après un compère de Dayton, Danny Robeson, et les deux larrons décidèrent d'aller défier les pros ensemble.
Après trois jours de jeu à la loyale contre de nombreux adversaires parfois intimidants, dont Doyle Brunson (qui devint finalement l'un de ses plus proches amis) et Johnny Moss, Chip enregistrait un profit net de 300 000 $. Ces gains lui permirent de prendre quelque libertés d'action et il commença à jouer à différents jeux tels que le Hold'em et le Razz.
Au moment où les années 70 s'achevaient, Chip était connu comme le meilleur joueur de Seven-Card Stud au monde, une réputation que Brunson approuvait lui-même. Doyle était si impressionné par les compétences de Chip qu'il lui demanda plus tard d'écrire le chapitre du Seven-Card Stud pour son best-seller poker Super/System.
Quelques années plus tard, en 1978, puis à nouveau en 1982, Chip remporta des bracelets en or des WSOP dans deux différentes épreuves de Seven-Card Stud.
Son talent à la table n'était cependant pas la seule chose sur laquelle il pouvait compter pour forger sa bankroll puisque Chip travailla comme manager de salle au Dunes Casino (aujourd'hui le Bellagio) à l'âge de 28 ans, un poste qu'il conserva pendant cinq ans.
La trentaine bien entamée, il s'installa pour fonder une famille et prit du recul avec le jeu de tournoi. Ce qui ne l'aura pas empêché de continuer de perfer et de rentrer dans l'argent dans des tournois majeurs de la fin des années 80 jusqu'aux années 90. En 1991, à l'age de 40 ans, il fut honoré comme le plus jeune joueur à être introduit au Poker Hall of Fame (Phil Hellmuth battit ce record en 2006).
« Un père de famille comme personne »
Durant cette période Chip se focalisa sur le Big Game du Bellagio et sur les paris sportifs pour se verser un revenu et ainsi pouvoir entretenir sa famille. Connu pour être un adepte des handicaps au base-ball, Chip devint membre du « Computer Group » et gagna des millions en utilisant un programme informatique conçu pour « handicaper » les évènements sportifs.
Homme et père de famille dévoué, Chip était capable de tout lâcher pour passer du temps avec ses trois enfants, un trait de caractère envié par beaucoup de ses amis.
« C'était un père de famille comme personne d'autre dans le monde du poker » dit un jour Barry Greenstein. « Quelle que pouvait être la situation dans une partie, si ses enfants avaient quelque chose - une partie de base-ball, un cours de chant, quoi que ce soit - , il la quittait pour y aller. »
« Nombre d'entre nous étions probablement jaloux de lui, du fait qu'il était capable de se permettre ça, qu'il réussissait suffisamment au poker pour être capable de toujours prendre du temps en dehors pour s'impliquer avec ses enfants. »
En fait, ce sont justement ses fils qui le firent revenir dans la danse. En 2004 Chip retourna dans l'arène des tournois sur "ordre" de ses enfants, qui voulaient le voir concourir à la télé avec le reste de leurs amis.
Et pour concourir, il le fit. Entre octobre 2004 et juin 2007, Chip rentra dans l'argent de 11 tournois majeurs - dont cinq épreuves du WPT et quatre des WSOP - et glana sa plus mémorable victoire, la première place dans l'épreuve inaugurale du H.O.R.S.E. aux WSOP 2006.
Cette victoire au H.O.R.S.E. cimenta la réputation de Chip en tant que meilleur joueur du monde et le plus complet, sachant que nombre des meilleurs professionnels de poker considèrent cette épreuve de jeux mixés à 50 000 $ comme le vrai test des compétences d'un joueur.
« La plupart d'entre nous, spécialement les joueurs de l'ancienne génération comme moi, pensent que Chip est le plus grand joueur de poker de tous les temps », déclara Mike Sexton dans une interview au Las Vegas Sun en 2007.
« C'était particulièrement vrai lorsqu'il s'agissait de jouer à de multiples jeux. C'est pourquoi nous étions vraiment heureux de le voir gagner le tournoi de HORSE à 50 000 $. Cela confirmait qu'il était le meilleur des meilleurs. »
Et ce tournoi fut en effet un véritable champ de bataille avec la crème de la crème du poker. La ligne de départ de la table finale ? Doyle Brunson, Phil Ivey, Dewey Tomko, T.J. Cloutier, Patrik Antonius et David Singer, sans oublier donc Chip et son adversaire final Andy Bloch.
En dépit de cette constellation de stars, peu furent surpris de voir Chip remporter la timbale. Il s'adjugea l'épreuve après un face-à-face contre Andy dans ce qui fut la plus longue bataille de heads'up jamais jouée dans l'histoire des WSOP ; et après sept heures et 286 mains, Chip se levait pour empocher ses 1,78 millions de $ et un troisième bracelet en or.
Un homme multi-facettes
En dehors de la table de poker, Chip passait des heures à jouer gros dans des parties de golf avec ses copains du poker Doyle et Barry. Ce trio des légendes allait même y entraîner la jeune génération, celle des Daniel Negreanu, Erick Lindgren et Phil Ivey, et parfois parier des centaines de milliers de dollars sur un seul coup.
En plus du golf, Doyle et Chip ont également fait équipe dans de multiples projets professionnels, investissant dans le pétrole, les courses de chevaux, et la télé, entre autres. Mais selon Brunson, aucune de leurs tentatives pour faire de l'argent en dehors des tables de poker ne connut autant de succès.
« On a connu le Titanic. On a connu l'Arche de Noé. » s'amusait Brunson répondant au Las Vegas Sun en 2007. « Nous étions deux des pires blaireaux de ce monde lorsqu'il s'agissait de business, mais nous avions tous les deux le poker pour nous retourner et nous refaire derrière. »
Chip s'était également impliqué avec passion dans la Ligue Professionnelle de Poker, une compétition de poker sur invitation et faite pour la télé qui avait pour but de réunir 64 joueurs pros s'affrontant par équipes de huit. La Ligue organisa même un projet vénitien en octobre 2006 mais celui-ci ne vit jamais le jour. Le passage de l' Unlawful Internet Gambling Enforcement Act (acte de loi sur l'illégalité des jeux d'argent sur Internet) aux Etats-Unis rendit la tâche difficile à la PPL, plus du tout assurée de récolter les fonds nécessaires et des revenus de la publicité. La ligue fut ainsi dissoute, à la grande consternation de Chip.
Mais Chip persévéra dans l'effort. Et il continua de dominer les tables de cash game, damant le pion à quiconque osant s'y aventurer.
Ses pairs étaient également continuellement impressionnés par ses bonnes manières de gentleman, sa générosité sans limite, et par le fait qu'il n'allait jamais en tilt. Il était tout simplement l'un des joueurs de poker les plus respectés de son vivant.
Mais le 4 décembre 2007, le monde du poker se réveilla avec le choc de sa disparition prématurée. A seulement 56 ans, la légende du poker s'en était allée dans son sommeil, alors qu'ils se plaignait depuis quelque temps de problèmes pulmonaires.
Les joueurs de poker du monde entier exprimèrent leur émoi et leur tristesse, avant de se rendre en grand nombre à ses funérailles qui se tinrent le 7 décembre 2007 à Las Vegas. Daniel Negreanu, Doyle Brunson et Bobby Baldwin furent quelques-uns des pros présents. Brunson et Baldwin y auront délivré de sincères éloges et partagé quelques souvenirs et anecdotes amusantes.
Loi des séries
La semaine suivante, le commissaire des WSOP Jeffrey Pollack annonça que les futurs vainqueurs du H.O.R.S.E. à 50 000 $ recevraient désormais le « David 'Chip' Reese Award » en honneur et en mémoire des accomplissements de Chip au poker, et de ses attributs professionnels et personnels qui le rendirent si populaire parmi ses pairs.
Légende de son temps, Chip a laissé derrière lui un héritage qui sera porté dans le futur par ceux qui l'ont aimé, et qui ont aimé jouer contre lui. Son souvenir restera celui d'un joueur gracieux au talent dévastateur, qui incarna les meilleurs aspects du poker, et comme celui d'un dévoué père de famille dont les efforts pour équilibrer ses relations personnelles et professionnelles ont toujours inspiré le respect et l'admiration en dehors du tapis vert.
Chip a laissé derrière lui son fils Casey, sa fille Taylor, et sa belle-fille Britney. A sa mort il était récemment divorcé d'avec sa femme.
Casey a rejoint son père en 2009 soit quelques 16 mois plus tard, ayant succombé à une overdose médicamenteuse à l'âge de 20 ans.
Divers et anecdotes
* Connu pour son grand contrôle émotionnel et sa générosité à la table
* N'a jamais été chapeauté par une salle de poker ou organisation
* Doyle Brunson et lui étaient les meilleurs amis
* Fut le plus jeune joueur à rejoindre le Poker Hall of Fame* Diplômé du Dartmouth College
* La salle de cartes de sa fratrie à Dartmouth porte son nom
* Considéré comme feu le meilleur joueur de cash game de high-stakes au monde par nombre de ses pairs