Oubliez une seconde les millions brassés par l’industrie, l’argent, les mauvais côtés ou son occasionnelle qualification de « sport ».
Le poker est par essence un jeu.
C’est un jeu. Et un jeu incroyable, profond et extrêmement stratégique. C’est comme ça qu’on l’aime.
Le poker semble arriver à un tournant important de son histoire, entre la consolidation du secteur, l’adoption de Twitch et l’incurtion dans le monde des eSports.
Presqu’une crise d’identité alors que le fossé n’a jamais été aussi grands entre pros et amateurs.
Alors à quoi peut ressembler l’avenir du poker ?
C’est une question cruciale, et personne ne connaît évidemment la réponse, mais voilà quelques uns des points sur lesquels la plupart des spécialistes tombent d’accord :
- On a peu de chance d’assister à un boom similaire à celui des années 2000 ;
- Le Main Event des WSOP semble plafonner ;
- Une communauté consistant uniquement de grinders hardcore n’est pas viable ;
Bien qu’une nouvelle législation aux États-Unis et l’ouverture de nouveaux marchés en Amérique du Sud et en Asie puissent créer des booms locaux, le poker est globalement plutôt en train de ralentir.
Est-ce une mauvaise nouvelle ? Pas forcément.
Le poker reste plus indémodable que jamais et ce n’est pas pour rien que de grands sportifs, des stars des eSports et des acteurs en font leur hobby préféré.
Il est facile à comprendre mais difficile à maîtriser.
Et même si le nombre de joueurs diminue, ou s’ils deviennent moins assidûs, cela ne remet pas en cause l’essence du poker.
Alors comment les autres jeux le font-ils ?
Eh bien nous allons nous pencher sur différents jeux, plus ou moins sérieusement, pour voir si le poker pourrait s’en inspirer.
C’est parti !
Les échecs
Les échecs font partie des jeux les plus anciens et les plus populaires du monde. Gary Kasparov, Bobby Fischer ou, plus récemment Magnus Carlsen sont bien connus du grand public. Les échecs sont un jeu à information complète, c’est-à-dire que tous les joueurs peuvent voir toutes les pièces.
La chance ne joue aucun rôle dans les échecs, ce qui signifie qu’un Grand Maître battra un novice 100% du temps. Les nouveaux joueurs sont également souvent paralysés par la quantité d’analyses à faire.
En résumé, les échecs ne sont pas un jeu très accessible pour les novices. Et pourtant, il existe une communauté d’échecs « loisir » et c’est un jeu très populaire sur Internet.
Les échecs sont loin derrière le poker depuis longtemps en termes de prizepool, mais les choses sont en train de changer. Pour la première fois cette année, un tournoi d’échecs à 1 million de dollars a été organisé à Las Vegas, et un circuit sponsorisé par Gary Kasparov a été créé, lui aussi avec un prizepool d’1 million de dollars.
En résumé :
- Création : 6e sièce, Inde.
- Niveau de compétence : Très élevé.
- Chance : Aucune.
- Complexité : Très élevée.
- Communauté active : Plus de 605 millions de joueurs.
- Communauté professionnelle : La FIDE organise de nombreux tournois dans le monde entier.
- Côté sombre : Quelques scandales de triche, mais rien comparé au poker.
- Stars : Gary Kasparov, Magnus Carlsen, Bobby Fischer.
- Prix : Magnus Carlsen a remporté 1,6 million de dollars lors du Championnat d’échecs de la FIDE 2014.
- À retenir : Bien que les ordinateurs aient depuis longtemps battu les humains, cela n’a pas entamé la passion des joueurs. Les fans de poker ne devraient donc pas trop s’inquiéter à propos de Cepheus ou autres I.A.
Monopoly
Le Monopoly est omniprésent dans les placards des familles du monde entier.
Conçu à l’origine pour illustrer les problèmes posés par les monopoles (« monopoly » en anglais), les joueurs de Monopoly se déchirent pour tenter d’acheter des propriétés, de collecter des loyer, et ce jusqu’à la faillite de ses adversaires.
Pour beaucoup, le Monopoly a été le premier jeu de société. Ce qui est assez étrange puisqu’il est souvent considéré comme un exemple de jeu mal conçu.
Superficiel, extrêmement long, largement dépendant de la chance, il provoque également des moments de détresse intense pour celui qui perd tout ce qu’il a accumulé pendant trois à quatre heures de jeu.
Il y a tout de même une dimension stratégique et, étonnamment, un circuit professionnel bien vivant avec un prix de 20 580 $ pour le vainqueur du Championnat du monde.
En résumé :
- Création : 1935.
- Niveau de compétence : Bas.
- Chance : Beaucoup.
- Complexité : Superficielle.
- Communauté active : 250 millions de boîtes vendues.
- Communauté professionnelle : Étonnamment active, avec le Championnat du monde de Monopoly annuel.
- Côté sombre : Ne quittez pas la Banque des yeux.
- Stars : Nicolò Falcone, Christopher Woo.
- Prix : 20 580 $ pour le vainqueur du Championnat du monde.
- À retenir : Si on voulait décrire le Monopoly en trois mots, « gestion de bankroll » correspondrait bien. Les gens ont l’air d’apprécier. Et puis si ça peut apprendre aux joueurs de poker à gérer la leur...
Magic : L’Assemblée
L’un des jeux de poker cartes les plus populaires au monde, Magic : l’Assemblée (Magic : The Gathering), a envahi les cantines du monde entier à coups de démons, de dragons et d’anges.
Il se joue de deux à de nombreux joueurs, dans de nombreux formats, le plus fréquent avec des decks de 60 cartes que les joueurs se constituent eux-mêmes.
Souvent moqué comme étant un jeu de « geeks » comme Donjons et Dragons, Magic offre en réalité un gameplay profond très stratégique, qui a encore évolué il y a quelques mois grâce à de nouvelles extensions.
Depuis maintenant presque 20 ans, Magic a prouvé qu’il résistait à l’épreuve du temps, et aujourd’hui plus de 20 millions de joueurs (en ligne et en live) y jouent, avec un circuit pro bien vivant.
La principale différence entre Magic et d’autres jeux, c’est que les pièces du jeu ont réellement de la valeur. En effet, les cartes ont divers niveaux de rareté (comme les Panini), ce qui signifie qu’un deck de haut niveau peut coûter très cher.
C’est ce qui permet au jeu de durer et d’être rentable. Ses créateurs font tout pour que le jeu reste frais et que la communauté ne se lasse pas et grandisse.
Malheureusement, cela signifie également que le jeu est assez cher, un indéniable côté négatif.
En résumé :
- Sortie : 1993.
- Niveau de compétence : Élevé.
- Chance : Oui. C’est un jeu de cartes.
- Complexité : Magic est un jeu extrêmement complexe, de nouvelles cartes sont constamment ajoutées.
- Communauté active : On estime qu’il y a plus de 20 millions de joueurs de Magic.
- Communauté professionnelle : Le circuit professionnel international propose 250 000 $ de prix chaque année.
- Côté sombre : Quelques problèmes de triche, mais d’envergure assez modeste.
- Stars : Jon Finkel, Kai Budde, Eric Froehlich.
- Prix : 50 000 $ pour le vainqueur du championnat du monde.
- À retenir : Le poker pourrait s’en inspirer pour proposer plusieurs formats. À Magic, le jeu peut changer drastiquement d’un mois à l’autre. C’est aux joueurs de s’adapter.
Les Colons de Catane
Les Colons de Catane, récemment raccourci en « Catane », est un jeu extrêmement populaire qui a quasiment révolutionné à lui seul l’industrie du jeu de société en Amérique du Nord en ouvrant la voie aux jeux de société « européens ».
Ceux-ci ont tendance à être plus portés sur la stratégie que les jeux de société traditionnels nord-américains comme le Monopoly, Risk, la bataille navale, etc.
Dans ce jeu, 3 à 4 joueurs se mettent dans la peau de colons qui tentent de bâtir une société en accumulant les ressources (briques, bois, laine, minerai).
La clé ? Les interactions entre les joueurs. Le joueur qui réussit à effectuer les meilleurs trocs avec les autres remporte en général la partie.
Principalement destiné à un public amateur, il y a tout de même une importante dimension stratégique.
En résumé :
- Sortie : 1995.
- Facilité d’apprentissage : Facile.
- Chance : Modérément.
- Profondeur : Réside principalement dans la capacité à lire les autres joueurs.
- Communauté active : 20 millions de joueurs (estimation).
- Communauté professionnelle : Pas vraiment. Il existe tout de même un championnat.
- Côté sombre : Quasi 100% propre.
- Stars : Vos amis et votre famille.
- Prix : Quelqu’un a remporté une croisière pour deux aux Championnats du monde.
- À retenir : Les jeux n’ont pas forcément besoin de prix énormes ou de stars pour devenir très populaires et faire vivre une communauté amateur active.
Dota 2
Dota 2 a beaucoup fait parler de lui ces deux dernières années pour avoir offert les plus gros prizepools de l’histoire des jeux vidéo (eSports).
Il s’agit d’un « MOBA » (pour "Multi-player Online Battle Arena"), et Dota 2 voit s’affronter deux équipes de cinq joueurs tentant de prendre le contrôle du QG de l’autre.
La définition de DOTA est assez floue, puisqu’il demande à la fois des réflexes extrêmement vifs et des réactions très rapides, ce qui pousse certaines personnes à le qualifier de sport (d’où le terme « eSports »).
Dota 2, et les eSports en général, ont l’avantage sur les jeux traditionnels de proposer un visuel plus attractif pour les spectateurs.
Son apprentissage difficile, cependant, a tendance à dissuader les joueurs les moins « sérieux ».
Globalement, les eSports sont en plein boom. Grâce à l’International, le plus gros prizepool de Dota 2 a atteint les 18 millions de dollars en 2015.
Et Dota 2 n’est pas le seul MOBA à faire parler de lui. League of Legends était le pionnier, et on estime que les MOBA concernent plus de 27 millions de joueurs. Dota 2 tire son épingle du jeu grâce au tournoi « The International » sponsorisé par Valve.
En résumé :
- Sortie : 2013.
- Facilité d’apprentissage : Très difficile (à moins d’être un gamer chevronné).
- Chance : Infime.
- Profondeur : Plus de 110 personnages pour complexifier le jeu.
- Communauté active : Plus de 10 millions de joueurs actifs.
- Communauté professionnelle : De nombreux tournois organisés chaque année.
- Côté sombre : Les MOBA sont assez transparents, ce qui rend la triche difficile.
- Stars : Evil Geniuses, Vici Gaming, Team Liquid (qu'ElkY a récemment rejoint).
- Prix : Conséquents. Le premier prix de l’International était de 18 millions de dollars en 2015.
- À retenir : Le jeu en équipe à Dota 2 et dans les MOBA en général les rend très attractifs pour les fans de sports. Le poker n’est certes pas un sport d’équipe, mais c’est un format qui peut avoir du potentiel, comme la Global Poker League réussira peut-être à le montrer.
Backgammon
Difficile de passer à côté du backgammon si vous évoluez un tant soit peu dans le milieu du poker.
Grande passion de Gus Hansen, le backgammon est l’un des plus anciens jeux de société au monde.
Similaire au poker, le backgammon combine stratégie et chance (puisque des dés sont nécessaires). Autre parallèle avec le poker, beaucoup considèrent le backgammon assez ennuyeux lorsqu’il n’y a pas de mises.
Les toutes premières World Series of Backgammon ont été organisées à Las Vegas trois ans avant les World Series of Poker, sans rencontrer le même succès.
Le backgammon a été révolutionné il y a une centaine d’années avec l’introduction des deux dés, qui ont permis d’introduire un élément de hasard.
À l’image des échecs, le backgammon a été « résolu » dans une certaine mesure, ce qui pousse certains à douter de sa capacité à véritablement exploser.
Il faut également savoir que le backgammon, contrairement à de nombreux autres jeux de cette liste, dispose d’une communauté privée active très importante. Gus Hansen, par exemple, a fait l’impasse sur un certain nombre de tournois de No-Limit Hold’em à cause de très bonnes parties de backgammon privées.
Et pour conclure, le backgammon est également beaucoup plus populaire en Europe qu’en Amérique du Nord.
En résumé :
- Sortie : Il y a 5 000 ans.
- Facilité d’apprentissage : Intermédiaire.
- Chance : Moyenne.
- Profondeur : Pas aussi complexe que les échecs, mais toutefois assez profond.
- Communauté active : Plus de 100 millions de personnes jouent au backgammon, mais les joueurs assidus sont assez peu nombreux.
- Communauté professionnelle : De nombreux tournois, comme les Championnats du monde.
- Côté sombre : Dés pipés, mais c’est de moins en moins fréquent ces dernières années.
- Stars : Tim Holland, Gus Hansen.
- Prix : Le backgammon jouit d’une importante scène de parties privées en cash games.
- À retenir : Le backgammon n’a jamais eu le « glamour » du poker mais cela n’a jamais découragé les passionnés.
Hearthstone
Hearthstone est un jeu certes récent, mais dont la popularité est fulgurante.
Il s’agit d’un jeu de cartes en ligne dans lequel deux joueurs se constituent un deck de plusieurs centaines de cartes avant de s’affronter en heads-up.
Les liens de parentés avec les jeux vidéo et le poker en ligne sont évidents, et de nombreux joueurs professionnels de poker comme Daniel Negreanu et Bertrand « ElkY » Grospellier tressent les louanges de Hearthstone.
Contrairement au poker, il n’y a ni bluff, ni mises.
Cependant, Hearthstone est une bonne passerelle pour les joueurs qui n’ont pas forcément l’habitude des jeux vidéo, car il ne demande pas la coordination main-œil ou la réactivité des jeux vidéo traditionnels.
Hearthstone est également un très bon client pour le streaming sur Twitch.tv car il est assez lent pour permettre aux joueurs de parler à leur followers.
En deux ans d’existence, le jeu a su fidéliser une communauté de plus de 40 millions de joueurs.
En résumé :
- Sortie : 2014.
- Facilité d’apprentissage : Facile à intermédiaire.
- Chance : Moyenne.
- Profondeur : Hearthstone est assez facile à appréhender, mais il y a une dimension stratégique non négligeable.
- Communauté active : Extrêmement active avec plus de 40 millions de joueurs, de nombreux sites internet et forums dédiés au jeu.
- Communauté professionnelle : Étonnamment active, de nombreuses équipes et une présence importante sur Twitch.tv.
- Côté sombre : Les bots sont un problème, mais l'éditeur Blizzard les a quasiment éradiqués.
- Stars : TrumpSC, Reynad, FireBat, Amaz...
- Argent : Le Championnat du monde a un prizepool de 1 million de dollars.
- À retenir : Hearthstone est probablement le jeu le plus abordable pour les novices de toute cette liste. Le poker pourrait s’en inspirer pour mieux accompagner les nouveaux joueurs.
Twister
Un temps décrié pour son côté tendancieux, Twister est l’un des premiers jeux à utiliser les humains comme des « pions », au point de devenir un véritable phénomène dans les années 60.
Jeu « physique », Twister se joue en général à 2 ou 3 joueurs. Les joueurs doivent se contorsionner jusqu’à ce qu’un des joueurs n’arrive pas à atteindre le point donné et s’écroule ou renonce.
Twister n’est pas du tout professionnel et la plupart des gens s’en lassent assez rapidement. Malgré cela, Milton Bradley en produit toujours des millions de boîtes chaque année.
Il n’y a aucune scène professionnelle, pas d’argent ni de mise (mais on imagine que quelques parieurs invétérés ne sont pas vraiment d’accord).
Twister reste l’un des jeux les plus populaires du monde.
En résumé :
- Sortie : 1967.
- Facilité d’apprentissage : Simple.
- Chance : Aucune.
- Profondeur : Superficielle.
- Communauté active : Plus de 60 millions de personnes ont déjà joué à Twister.
- Communauté professionnelle : Non existante.
- Côté sombre : À vous de voir.
- Stars : ??? Un professeur de yoga peut-être ?
- Argent : Pas vraiment.
- À retenir : Ne vous prenez pas trop au sérieux.