Travailler dans un casino a certainement déjà titillé la majorité des joueurs d'argent ou des passionnés de cartes. Si la démarche est possible et accessible (moyennant finance), la réflexion doit être poussée jusqu'au bout afin d'éviter la voie de garage.
« Rien ne va plus, faîtes vos jeux ! » La phrase est mythique et représente à elle seule l'image du croupier. Au black jack, à la roulette ou sur les tables de poker, la présence de cet employé de casino se doit d'être aussi discrète qu'indispensable, aussi rassurante qu'intrigante.
Pourtant, le métier n'est pas opaque. Pour embrasser la profession, il faut d'abord être majeur et avoir un casier judiciaire vierge avant de contacter des entreprises qui proposent une formation longue de dix semaines sur Lyon, Paris ou Bordeaux.
Pour entrer dans la Cerus Casino Academy par exemple, il faudra débourser 4500 euros en moyenne. L'école française des Casinos de Paris présente le même catalogue d'apprentissage pour un tarif bien inférieur : 3100 euros. La formation Croupier Casino Premier dure quant à elle neuf semaines contre 3500 euros. Cette dernière met en exergue l'accréditation de la Commission paritaire nationale pour l'emploi (CPNE). C'est-à-dire la formation qualifiante.
Pour les professionnels aguerris, cette démarche présente toutefois des inconvénients majeurs.
« D'une part, c'est toujours gênant de payer autant pour une formation. De plus, les prétendants sont formés quelques semaines sur les différents jeux sans jamais être mis en configuration réelle dans un casino. Et cela les change car il y a des contraintes à gérer », regrette l'un d'entre eux.
En sus, l'erreur d'orientation professionnelle n'est pas à exclure. Beaucoup de jeunes viennent au métier de croupier par le poker. « Dans leur esprit, cela se limite à la distribution de cartes. Mais ils oublient les contraintes. Elles sont physiques ou relatives aux horaires. Jouer et être croupier sont deux choses différentes », rappelle ce formateur ligérien. Même s'il concède qu'aimer la discipline que l'on encadre est une condition importante. Mais pas indispensable :
« J'estime à 80% le taux de mes croupiers qui sont des joueurs. Cela signifie aussi que 20% ne le sont pas. Mon père et mon formateur étaient d'excellents professionnels, mais ils n'étaient pas des passionnés. Cette vision m'est inconcevable ! »
En même temps, ne pas être joueur permet-il de faire abstraction devant un gain fabuleux ou une perte conséquente ?
Renforcer ponctuellement les effectifs
Autre possibilité, devenir dealer poker occasionnel. Lors de tournois importants, l'effectif des établissements ne permet pas la gestion de tous les participants. Les casinos proposent donc une formation spécialisée sur une discipline précise. Ces croupiers « amateurs » n'auront évidemment pas le droit d'exercer le métier à proprement parler ou d'entrer dans les salles de jeux pour les cash games. Mais ils arrondiront plus qu'avantageusement leurs fins de mois...
Quant aux qualités pour être un bon croupier, elles semblent avoir évolué. Par le passé, les équipes étaient formées d'un personnel élégant doté d'une bonne mémoire, et capable de jongler avec le calcul mental. Aujourd'hui, l'accent est mis sur l'accueil et le sens commercial.
« Il y a 25 ans, les machines à sous n'existaient pas. Le métier était rigide, on ne discutait pas avec les clients. C'était Bonjour/bonsoir/au revoir ! Maintenant, il faut prendre le temps d'accueillir les clients, de leur expliquer le déroulement de la partie et de les faire jouer. Car notre public se déplace pour jouer et pas dans l'unique but de gagner de l'argent. »
Un rôle d'accompagnement
L'explosion des jeux en ligne réglementés a entraîné une modification de la prévention de
l'addiction du jeu. Les établissements communiquent sur les dangers d'une trop grande dépendance à cette activité et le rôle des croupiers a évolué en même temps comme l'explique cet autre professionnel :
« Depuis quelques années, nous avons un peu un rôle de psy ! C'est un métier responsable. Quand nous estimons qu'un client dépasse ses limites financières et sociales, nous prenons contact avec lui. Le but ? Lui expliquer sa dérive, et l'aiguiller sur une thérapie. »
Les établissements tueraient-ils la poule aux œufs d'or ? La réflexion est plus poussée. Car du croupier poker dépend la bonne tenue de l'établissement. S'il s'assure de faire jouer les clients, il garantit également la sécurité aux tables. Et celle des joueurs : « Ce n'est pas l'intérêt du casino d'avoir des personnes qui se tuent au jeu et mettent en péril leur bien-être, leur famille. Il y a quelques années, le discours aurait été différent. Mais cela a beaucoup évolué. » Dont acte.
Hugues Hippler
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