Le gambling movie est un sous-genre du cinéma hongkongais, qui surfe sur l'engouement des chinois pour le jeu de société et de hasard aux cartes, aux dés ou au Mah-jong. (par Bastian Meiresonne)
Hong Kong - et, par extension, la Chine - a depuis toujours entretenu des liens très étroits avec le jeu de société, mais également d'argent. Il n'est donc pas étonnant de voir cette pratique récupérée par un cinéma dit "populaire".
A l'instar de son compère américain, le cinéma hongkongais aborde le jeu de hasard à ses débuts comme un pêché (avec le sexe et l'abus de drogue) à l'origine de tous les maux de la société et notamment de l'éclatement de la cellule familiale. On y voit des hommes perdre leur salaire ou des épouses négliger leur vie de famille.
La comédie Games Gamblers Play de Michael Hui (l'un des comiques parmi les plus charismatiques de tous les temps, au même titre qu'un Louis de Funès en France et dont on a pu découvrir quelques épisodes de sa célèbre série des Mister Boo au cinéma et à la télévision française durant les années 1980 / 1990) va quelque peu changer la donne en 1974. Le célèbre réalisateur y interprète le rôle d'un arnaqueur de jeu retors et pingre, mais qui va irrémédiablement être la victime de ses propres combines sur le principe de l'arroseur arrosé.
Dans un registre plus sérieux, en 1976 King Gambler de Cheng Kang raconte comment un jeune arnaqueur de jeu venge la mort de son maître pour rétablir la réputation de la dynastie Sha, célèbre pour dépouiller des riches hommes d'affaires et redistribuer les gains aux pauvres. Des parties de cartes endiablées et les premières touches "fantastiques" (une pincée de magie noire et des "cartes explosives" utilisées au cours d'un final dantesque) vont ainsi jeter les bases d'un genre brillamment perpétué par le fils même du réalisateur, Wong Jing. Ce dernier est surtout
Chow-Yun Fat, aussi à l'aise cartes que pistolet en mains.
connu pour être un faiseur touche-à-tout prolifique en ayant tourné plus d'une centaine de films en trente ans. Il donnera également les lettres de noblesse au gambling movie avec les titres cultes Challenge of the gamesters et Winner takes all respectivement réalisés en 1981 et 1982 et - surtout la franchise des God of gamblers avec l'inénarrable Chow Yun-fat (Le syndicat du crime 1-2-3), dont le premier épisode est jadis sorti en France en cassette vidéo sous le titre Les dieux du jeu (1989).
Cette dernière franchise va servir de modèle aux centaines d'ersatz à se tourner sur une trame quasiment identique avec un pauvre quidam, qui se découvre un don extraordinaire pour gagner aux jeux (de cartes), mais qui va perdre ses pouvoirs et moyens (souvent pour littéralement retomber en enfance) juste avant l'ULTIME affrontement avec le super vilain de service. Au fur et à mesure des films, les scénaristes surenchérissent dans le grand n'importe quoi en inventant des challengers de plus en plus loufoques et disposant bien souvent de pouvoirs magiques pour influer sur le jeu de leurs adversaires.
L'engouement pour le genre est tel, que les plus grandes stars du cinéma hongkongais (Chow Yun-Fat, Stephen Chow, Andy Lau, Nick Cheung, ...) ont tous fait au moins une apparition dans un gambling movie au cours de leur carrière et que certains des réalisateurs parmi les plus célèbres - comme Johnnie To et son Fat Choi Spirit en 2002 - se sont frottés au genre.
Malgré un fort déclin de la production depuis son "âge d'or" du début / milieu des années 1990, il y a toujours plusieurs films de ce genre à sortir tous les ans, comme, par exemple, les récents Poker King (2009), Kung Fu Mahjong 1-3 (2005-2007), House of Mahjong (2007) ou Bet to basic (2006)...
Bastian Meiresonne
Kubik Vidéo
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