Le professionnel chez PokerStars, nous explique pourquoi le poker est un sport comme un autre, et la difficile situation qui se pose aujourd'hui pour les joueurs italiens comme pour leurs collègues français.
Figure de proue de toute une génération de joueurs en ligne de l'époque pré-légalisation, Dario a partagé avec nous ses idées sur le poker, ou sa relation au sport et à l'Italie. Un pays qu'il vient d'ailleurs de quitter...
Cette année, l'EPT Londres a investi les Grand Connaught Rooms. Que penses-tu de ce lieu pour le moins original ?
Je trouve cet endroit vraiment génial et beaucoup mieux que l'année dernière. C'est vraiment sympa de pouvoir sortir et de se retrouver directement en plein cœur de Londres.
Depuis combien de temps est-ce que tu joues au poker ?
10 ans.
Alors, 10 ans après avoir joué tes premières mains et ressenti tes premiers frissons, est-ce que tu as toujours la motivation pour continuer ?
Tout à fait. Le poker est et restera toujours une passion pour moi. D'autant qu'il y a toujours de nouveaux objectifs, de nouveaux défis à relever.
Comme quoi ?
Comme gagner un tournoi que je n'ai pas encore inscrit à mon palmarès.
Au final, je n'ai pas gagné grand chose : un bracelet WSOP et c'est tout. Je n'ai pas de titre sur l'EPT, pas de titre sur le WPT, ... C'est ce genre d'objectifs qui me font avancer.
Ça te fait avancer, d'accord. Mais d'où ? La plupart des très bons joueurs italiens ont depuis longtemps déserté : Mustapha Kanit et Filippo Candio à Malte, Rocco Palumbo en Slovénie, ... et toi ?
Ta question tombe très bien, je viens tout juste d'emménager à Malte.
Pourquoi ?
Disons que c'est en partie un choix de vie, et en partie parce que les impôts sont en train de tuer le poker en Italie. Autant le dire tout net : le gouvernement italien fait tout pour nous rendre la vie impossible.
Ils ne s'en rendent probablement même pas compte, mais ils sont en train de détruire le poker. Honnêtement, jouer au poker en Italie est devenu un véritable calvaire aujourd'hui.
N'importe qui voulant faire du poker son métier est quasiment contraint à l'expatriation.
Est-ce que c'est simplement à cause des taxes ?
Disons qu'en plus des taxes, le fait qu'on ne puisse jouer qu'entre Italiens est très handicapant.
Jouer sur des sites globaux permet de progresser énormément puisqu'on se confronte à des joueurs de tous horizons et d'un meilleur niveau que sur les sites exclusivement italiens.
Qu'est-ce que le gouvernement devrait faire pour convaincre un joueur comme toi de revenir au pays ?
Au point où en est, n'importe quel changement serait bon à prendre, mais je ne crois pas trop aux miracles.
Il faudrait déjà rouvrir les sites en .com, mais à mon avis c'est impossible. Je n'y compte même pas.
C'est probablement plus simple de baisser les impôts, et effectivement ça pourrait changer les choses.
Vu ton pessimisme quant à la situation présente, j'ose à peine te demander comment tu imagines le futur. Il n'y a plus de poker live en Italie et les seuls sites Internet ouverts sont réservés aux Italiens. Alors, où joue Dario Minieri ?
Je me suis construit en tant que joueur de poker en jouant en ligne, donc c'est sûrement là qu'on me trouvera le plus souvent. Mais les choses seraient beaucoup plus simples s'il y avait plus de joueurs.
C'est à dire ?
J'ai eu beaucoup de chance car quand j'ai commencé à jouer, j'ai pu me confronter à des joueurs qui font maintenant partie des meilleurs du monde. Shaun Deeb par exemple, ainsi que beaucoup d'autres.
C'est quelque chose d'essentiel dans ma carrière, d'avoir pu jouer contre énormément de très bons joueurs, une chance que n'ont pas les joueurs italiens aujourd'hui.
Alors certes, avec beaucoup de confiance et de pugnacité, il est possible de démarrer sur PokerStars.it et d'arriver à décrocher de bons résultats, mais disons qu'il faut vraiment avoir une volonté de fer.
C'est vraiment dommage, car le poker est vraiment un jeu magnifique. Je pense que le gouvernement italien ne se rend pas compte de tous les points communs qu'il y a entre le poker et les autres sports. Moi-même j'ai mis du temps à m'en rendre compte, mais aujourd'hui ça me semble de plus en plus évident.
C'est intéressant. Qu'est-ce qui te fait penser que le poker est un sport ?
Oh, il y a beaucoup de raisons pour cela. Alors bien sûr il ne s'agit pas de soulever des poids ou de taper dans une balle. Mais ce n'est pas ça qui fait l'essence d'un sport, c'est le mental.
Un exemple : est-ce que vous pensez que si Lionel Messi est si bon c'est grâce à la force de ses jambes ou à son mental ? Comme au poker, c'est le cerveau qui fait la différence.
Vue la récente « affaire finlandaise » de l'EPT Barcelone et compte tenu du fait que tu joues beaucoup online, je me dois de te demander comment tu protèges ton PC ?
Oh, il m'est arrivé beaucoup de trucs pas très nets dans ma carrière qui font que maintenant mon PC est très bien protégé et que je ne laisse personne d'autre que moi y toucher.
Qu'est-ce qui t'est arrivé ?
Je dirais simplement qu'il m'est arrivé des choses dont je n'imaginais même pas qu'elles puissent exister.
Aujourd'hui, mon ordinateur est protégé par plusieurs mots de passe et je surveille de très près qui l'approche.
Une dernière question : beaucoup de joueurs ont déclaré qu'ils n'allaient plus se rendre aux WSOP parce que cela vaut vraiment le coup de jouer online pendant les WSOP – étant donné que tous les meilleurs joueurs sont à Vegas. Est-ce que c'est quelque chose que tu pourrais faire ?
Jusqu'à preuve du contraire, c'est pas en jouant sur Internet que je pourrais avoir un bracelet, donc non.
Par ailleurs, le poker représente plus pour moi que simplement de l'argent. Et honnêtement, même si je ne jouais que pour l'argent, non, pas possible.
Oui, bien sûr, il y a moyen de gagner beaucoup d'argent online pendant les WSOP parce que tous les bons joueurs sont à Vegas, mais ça serait comme détruire un rêve.
Pour moi, le poker c'est les bracelets WSOP, l'EPT et le WPT. Donc non, je ne pourrais jamais faire ça.