On a l'impression de connaître ElkY depuis les débuts du poker en France, mais c'est parfois oublier le parcours riche d'expériences du natif de Melun. PokerListings est revenu avec lui sur la vie du champion français, depuis ses premières armes dans les jeux vidéo, son départ en Corée à l'age de 20 ans, le boom des jeux vidéo, et l'avenir.
Elky alias Bertrand Grospellier, emblématique joueur de poker français a annoncé cette semaine que sa longue collaboration avec PokerStars (plus de 11 ans) prenait fin. L'occasion de revenir sur le parcours d'un précurseur et d'un esprit brillant (NOTE : Interview initialement réalisée et publiée en avril 2015).
Revenons brièvement sur les Global Poker Masters. Quelles ont été tes impressions après cette première édition des GPM ?
Je pense que c’est une vraie réussite. Tous les joueurs ont pris du plaisir à jouer, à représenter leur équipe et leur pays. Ça a permis d’ajouter une dimension collective au poker, c’était vraiment sympa. Après, c’était la première édition donc il y avait évidemment des point à améliorer, mais globalement je crois que tout le monde était très content d’y avoir participé.
J’ai cru lire que c’est quelques accidents sportifs qui t’ont presque « forcé » à te mettre aux jeux vidéo ?
Je n’étais pas excessivement sportif à l’époque. J’ai toujours joué aux jeux vidéo, mais c’est vrai qu’une grosse chute en équitation où je me suis cassé la clavicule et un accident de moto sans permis, où j’ai détruit la moto et mon genou ont pu favoriser ça encore plus. Disons que ça rassurait ma mère que je reste à l’intérieur. (rires)"J’avais pas mal de facilités à l’école, sauf en allemand et en sports."
Tu as donc commencé très jeune ?
Oui, j’ai commencé à jouer aux jeux vidéo quand j’avais trois ans. J’ai un grand frère et une grande sœur, et mon grand frère a eu son premier ordinateur à 13 ans, un Apple je crois, et aussi une console Mattel. Comme ma sœur ne voulait pas jouer, il jouait avec moi, mais je n’avais aucune chance de gagner (rires).
Et en grandissant, tu étais plutôt SEGA ou Nintendo ?
En fait, j’étais plutôt Atari. J’ai toujours préféré jouer sur l’ordinateur qu’à la console, donc la plupart de mes souvenirs sont sur Atari et sur PC.
J’ai beaucoup joué, mais les premiers jeux qui m’ont vraiment marqué, ce sont les premiers multi-joueurs, qui ne sont pas si vieux que ça finalement : Duke Nukem 3D, Total Annihilation...
Ça a changé mon rapport aux jeux vidéo, qui prenaient une véritable dimension supplémentaire, surtout en termes de compétition. Je trouve que c’est beaucoup moins intéressant de jouer en solo, surtout à l’époque, les AI n’étaient pas exceptionnelles.
À quel âge est-ce que toi et ta famille vous êtes-vous rendu compte que tu étais « surdoué » ?
Je ne sais pas si je suis surdoué, je n’ai jamais fait de test de QI ou autre. Assez tôt sinon puisqu’on a voulu me faire sauter une classe, ce que je n’ai pas fait finalement. J’avais pas mal de facilités à l’école, sauf en allemand et en sports. (rires)
À 20 ans, tu es parti en Corée. Ça a été une décision difficile à prendre ?
Non, je n’ai pas vraiment hésité, car c’était mon objectif.
J’avais été admis en classe préparatoire, mais je n’y étais pas allé justement pour me concentrer sur les jeux vidéo. C’était mon objectif depuis un an donc quand l’opportunité s’est présentée je n’ai pas hésité.
C’était le seul moyen pour véritablement percer dans les jeux vidéo. J’étais prêt à tout tenter pour y arriver. Si ça n’avait pas marché je serais passé à autre chose, mais je voulais tenter le coup à fond.
Tu as donc quitté la France à 20 ans. Qu’est-ce que cette expérience t’a apporté au niveau humain ?
C’était vraiment très enrichissant. D’abord parce que la société coréenne est très différente de la nôtre, c’est très dépaysant, et beaucoup plus compétitif.
Je pense que cette expérience m’a fait énormément grandir, j’ai appris beaucoup de choses. J’ai eu la chance d’avoir quelques amis sur place, surtout qu’à l’époque je ne parlais pas très bien anglais et pas du tout coréen.
Je pense que j’ai beaucoup progressé là-bas sur le plan de l’esprit de compétition.
J’y ai passé six ans. C’est là-bas que j’ai commencé à jouer au poker. Puis quand j’ai signé mon contrat avec PokerStars, c’était trop compliqué de gérer les déplacements sur les EPT en Europe depuis la Corée, c’est pour ça que j’ai emménagé à Londres en 2007.
Tu as été gamer au plus haut niveau comme on le sait. Est-ce aussi exigeant que le poker ?
Il y a pas mal de qualités similaires qu’il faut avoir dans les deux domaines. Surtout avec Starcraft en l’occurrence, parce que c’est un jeu d’information incomplète, c’est-à-dire que tu n’as pas toutes les données en main. C’est ce qui crée la dimension psychologique et stratégique. Il faut savoir analyser les données en ta possession pour pouvoir trouver ce qui manque et prévoir les coups de ton adversaire.
Je pense aussi qu’à très haut niveau, il y a des points communs entre toutes les disciplines : psychologie, force mentale, savoir gérer la pression...
Dans les jeux vidéo, il faut être particulièrement rapide au niveau de la coordination clavier-souris. Ça m’a beaucoup aidé au poker pour jouer sur Internet ou pour mon record du monde, mais ce n’est pas un prérequis en soi.
La préparation physique y rentre-t-elle aussi en ligne de compte ?
Je pense que dans les jeux vidéo, ils commencent à s’y mettre un peu, mais ce n’est pas encore aussi présent qu’au poker. À mon époque, c’était vraiment très rare. Les jeux vidéo peuvent être assez physiques et l’action intense, mais l’effort est généralement bien plus court qu’au poker. Les finales de Starcraft durent 4 heures maximum, mais ce n’est pas du jeu en continu. Une partie dure entre un quart d’heure et 20 minutes.
Après, je pense que la professionnalisation arrive dans tous les domaines, alors qu’à mon époque c’était encore très amateur. Je ne sais pas trop comment ça se passe aujourd’hui, mais à l’époque les équipes coréennes étaient par exemple beaucoup plus professionnalisées. Certains vivaient même dans des centres d’entraînement avec un coach, un cuisinier...
Combien gagnent les meilleurs joueurs professionnels de jeux vidéo ?
Je sais que l’année dernière, lors du plus grand tournoi de jeux vidéo, sur DotA 2, la meilleure équipe a remporté 5 millions de dollars. Le prizepool total était de 13 millions.
Deux ou trois millions venaient des sponsors et de l’organisation, le reste a été obtenu grâce à des tickets vendus au cours du tournoi pour voir la finale en direct notamment. Ils ont vendu quelque chose comme 2 millions de tickets.
Comment expliques-tu justement que les festivals de jeux vidéo aient autant de succès, surtout en Corée par exemple, où on voit parfois des stades pleins à craquer ?
C’est culturel. Les jeux vidéo sont très vite devenus un des hobbies principaux des Coréens et ça a créé un effet boule de neige, notamment avec Starcraft.
Je pense que c’est quelque chose qui va se développer dans les autres pays, on voit bien qu’il y a de plus en plus de joueurs. La Corée était aussi très en avance au niveau de l’accès à Internet et de la connectivité, mais maintenant le reste du monde a rattrapé son retard, on peut le voir avec le streaming, Twitch, etc. Tout le monde a accès aux jeux vidéo.
C’est aussi en Corée qu’il y a eu la première chaîne télévisée entièrement consacrée aux jeux vidéo.
A propos que deviens Guillaume Patry, ton ancien colocataire Québécois qui a été véritablement l’un des premiers pros de jeux vidéo ?
Il est toujours en Corée justement. Il anime maintenant deux émissions TV très populaires, des talk-show, et il fait aussi des publicités.
Il a aussi joué au poker pendant un moment.Boxer a lui aussi effectué la transition de Starcraft aux tables de poker.
On a un peu l’impression qu’après le boom et une grosse croissance, le poker est aujourd'hui plutôt en stagnation, voire en déclin. C’est le cas selon toi ? Est-ce que les jeux vidéo ont plus d’avenir que le poker ?
C’est difficile à dire. Peut-être, dans le sens où la question des régulations ne se pose pas. C’est le plus gros problème du poker et le plus gros challenge auquel il est confronté actuellement.
Les jeux vidéo n’ont pas ce problème, ni celui de la limite d’âge. C’est plus universel en quelque sorte.
À ton avis, que faudrait-il pour que les jeux vidéo connaissent un boum tel que celui du poker dans le reste du monde ?
Je pense que c’est possible et que c’est même en cours. La différence, c’est que c’est plus progressif qu’un véritable boum. Il ne faut pas oublier que les jeux vidéo sont encore très récents et ne touchent qu’une partie des générations.
Les nouvelles générations ont connu les jeux vidéo toute leur vie, ça fait vraiment partie de leur culture.
Ça se fera naturellement, d’autant que les avancées technologiques sont constantes et les jeux de plus en plus réaliste et impressionnants.
Quel est ton meilleur souvenir dans les jeux vidéo ?
Je pense que c’est ma deuxième place aux World Cyber Games en 2001. Là aussi c’était une compétition où je représentais la France, puisque c’est un peu l’équivalent des Jeux Olympiques des jeux vidéo. J’avais perdu contre Boxer, le meilleur joueur de Starcraft à l’époque.
Il y avait mille personnes les yeux rivés sur nous. Même si j’ai déjà joué dans des stades de 20 000 personnes, là c’était très impressionnant. Et puis c’est quelque chose qui a vraiment boosté ma carrière."
Est-ce que c’est comparable avec tes souvenirs de poker ?
C’est différent, mais comparable. Les deux sont aussi importants pour moi en tout cas.
Sinon tu es donc aussi devenu accro à Hearthstone…
Ça fait un petit moment que je n’ai pas joué, mais c’est vrai que c’est assez sympa. J’aime bien le principe du jeu, les parties sont très rapides et le concept est très simple à apprendre.
Il y a pas mal de variance aussi. Même si tu es beaucoup moins bon qu’un autre joueur, tu dois facilement pouvoir gagner 20% du temps. Ça rend le jeu plus populaire. Et c’est plutôt sympa quand tu ne fais pas partie des meilleurs joueurs. (rires)
Tu as gardé des attaches en France ?
Une grande partie de ma famille est encore dans la région nancéienne, j’ai aussi pas mal d’amis dans le coin et en région parisienne.
Est-ce que ta famille t’a toujours soutenu dans cette voie ?
Pour le poker, la transition a été facile, vu que justement j’avais déjà abandonné mes études pour les jeux vidéo.
Mais c’est vrai que j’ai eu énormément de chance parce que ma famille m’a toujours soutenu. Ils ont compris que c’était vraiment ce que je voulais faire.
Si tu pouvais changer quelque chose dans ton parcours, qu’est-ce que tu ferais différemment ?
Rien ne me vient à l’esprit. J’essaye vraiment de ne pas avoir de regrets, je ne vois pas comment isoler un événement en particulier sachant toutes les implications que cela pourrait avoir aujourd’hui.
Si tu n’avais pas fait carrière dans les jeux vidéo ni le poker, que ferais-tu aujourd’hui ?
Je serais peut-être chimiste. La physique-chimie, c’est ce qui me plaisait le plus. C’est ce que j’allais faire en prépa et je pense que j’aurais pu continuer dans cette voie.
Ou peut-être vétérinaire.
On se souvient de ton record du monde de Sit-and-go en simultané, ou dans un autre genre de ton saut à l’élastique d'une tour de 230 mètres alors que tu avais peur du vide. Est-ce qu’il te reste des défis (physiques ou cérébraux) à relever ?
J’aimerais courir un marathon. Peut-être d’ici la fin de l’année.
Pour le cérébral c’est plus difficile à formuler, mais j’essaye de m’améliorer constamment. En ce moment, j’apprends le japonais, même si ce n’est vraiment un « défi ». Pour moi, l’essentiel c’est de toujours progresser.
Tu n’as jamais été attiré par les échecs ?
J’ai joué un petit peu, c’est un jeu très intéressant mais c’était un peu lent pour moi, et on met trop de temps à atteindre un bon niveau. Le retard sur des joueurs qui jouent depuis qu’ils sont jeunes est aussi impossible à combler.
Où te vois-tu d’ici dix ou vingt ans ?
Je n’ai jamais vraiment trop pensé à si long terme, j’essaye de profiter au maximum du moment présent. J’ai commencé à jouer au poker il y a 11 ans, et je n’aurais jamais pensé que ça durerait aussi longtemps, ni même que je serais pro. Je ne pensais pas non plus être pro de jeux vidéo au tout début car je ne savais pas que c’était possible.
Je préfère ne pas faire de projets à trop long terme, les choses changent tellement vite. Je préfère m’adapter aux événements.
Toi qui voyages beaucoup, quel est ton pays préféré ? La Corée j’imagine ?
Non, je crois que je préfère le Japon maintenant. Je pense que c’est vraiment un pays complètement différent de tout. Comme j’ai pu y aller en vacances et pu y passer un peu de temps, ce pays a vraiment pris une dimension particulière pour moi.
A quels niveaux ?
C’est la culture la plus unique au monde. Le respect et l’honneur sont très importants pour eux, ils essayent de faire de leur mieux en permanence. Et puis c’est un mélange intéressant de tradition et de modernité.
Tu fais partie des « champions de la paix », tu peux nous en parler un peu ?
Peace & Sports est une organisation parrainée par le Prince Albert de Monaco qui promeut la paix dans les zones difficiles à travers le sport. Par exemple, on a récemment organisé des événements en faveur du Timor oriental. J’y suis allé pour voir comment on pouvait améliorer les conditions de vie des jeunes, dans un pays où la grande majorité de la population a moins de 16 ans et où il n’y a pas assez d’écoles pour les accueillir.
On organise beaucoup de tournois de charité pour récolter des fonds, et je suis heureux d’y prêter mon image. Il y a aussi beaucoup de sportifs connus : Christian Karembeu, Tatiana Golovin, ...
Je trouve que c’est important d’être impliqué dans ce type de projet.
j ai mal note le reportage car je voulais mettre 5 etoiles et j ai fait une erreur dans la manip excellent reportage qui donne une image de l homme tres interessante et meconnue .
chapeau monsieur ELKY!!!!!!