Est-il possible d'être croyant et de jouer au poker ou à d'autres jeux d'argent ?
Cette question taraude souvent les pratiquants car les tentations sont nombreuses : entre les casinos de brique-et-mortier, les cercles privés, les salles de jeux en ligne et les soirées entre amis, ce ne sont pas les occasions qui manquent.
Voici comment les principales religions envisagent la question des jeux d'argent :
La religion chrétienne
La Bible ne condamne pas expressément les jeux d'argent. Mais les représentants des différentes religions chrétiennes (catholicisme, protestantisme, évangélisme...) condamnent sans équivoque les jeux d'argent sur le terrain de la morale.
Un des premiers arguments pour s'opposer au poker peut être trouvé dans la catéchisme de l’Église Catholique (source) :
« Les jeux de hasard (jeu de cartes, etc.) ou les paris ne sont pas en eux-mêmes contraires à la justice. Ils deviennent moralement inacceptables lorsqu’ils privent la personne de ce qui lui est nécessaire pour subvenir à ses besoins et à ceux d’autrui. La passion du jeu risque de devenir un asservissement grave. Parier injustement ou tricher dans les jeux constitue une matière grave, à moins que le dommage infligé soit si léger que celui qui le subit ne puisse raisonnablement le considérer comme significatif. »
Ensuite, il faut savoir que la Bible préconise de rester éloigné de l'amour de l'argent (1 Timothée 6:10; Hébreux 13:5) et de ne pas faire de tentatives pour devenir riche rapidement (Proverbes 13:11; 23:5; Ecclésiaste 5:10).
Enfin, le jeu est aussi considéré comme pouvant conduire à la paresse, puisque vous pouvez gagner de l'argent au poker sans fournir les mêmes efforts qu'en travaillant. Or cela va à l'encontre de l'encouragement à travailler dur et diligemment (Ephésiens 4 :28).
La religion juive
Dans le judaïsme, c'est un peu la même chose que dans le christianisme : la Torah n'interdit pas formellement les jeux d'argent ou le poker, mais la pratique de ces jeux enfreint les principes édictés dans le texte sacré.
C'est en tout cas ce qui est clairement énoncé dans le Talmud (un corpus d'interprétations et de commentaires anciens et traditionnels du judaïsme sur les cinq premiers livres de la Bible). Il est notamment précisé que la parole d'un joueur vis-à-vis de la religion ne peut pas être acceptée.
En effet, non seulement un joueur est oisif (il ne produit rien pour la société) mais il accomplit des actes qui sont apparentés à du vol (l'asmahta, c'est-à-dire le pari, est considéré comme du vol). Dans le droit rabbinique, il faut qu'il n'y ait aucune ambiguïté sur les implications d'une transaction commerciale. Chacun doit savoir à quoi il s'engage : le vendeur souhaite vendre et le client désire acheter. Sinon, il n'y a pas une véritable rencontre d'intentions et le transfert de propriété n'est pas valable.
Or, dans les jeux d'argent, tous les joueurs veulent gagner. Le transfert de propriété n'est donc pas réalisé et celui qui encaisse l'argent commet un acte qui est considéré comme du vol.
Un joueur de poker occasionnel ne sera pas pour autant stigmatisé par la communauté juive. En revanche, il sera discrédité s'il devient dépendant et qu'il compromet l'équilibre de son environnement familial.
C'est d'ailleurs pour toutes ses raisons que les casinos sont toujours interdits en Israël.
La religion musulmane
Dans la sourate 5 (versets 90-91), le Coran est sans ambiguïté :
"Ô les croyants ! Le vin, le jeu de hasard, les pierres dressées, les flèches de divination ne sont qu'une abomination, œuvre du Diable. Écartez-vous en, afin que vous réussissiez."
A partir du moment où ce texte sacré considère que les jeux de hasard sont une création de Satan, il va de soi que les musulmans pratiquants n'ont pas le droit de jouer. Y compris au poker ! Car la notion de hasard n'est pas la seule à être prise en compte. A partir du moment où il y a une mise, le jeu est « haram » (interdit), au même titre que l'alcool.
Le Prophète aurait d'ailleurs comparé le joueur de « Nard Chîr » (un jeu de hasard en vogue à l'époque de la Révélation) à un infidèle qui plonge ses mains dans le sang et la chair du porc.
Comme dans les trois grandes religions monothéistes, les effets de l'addiction sont également pointés du doigt, tout comme l'immoralité des jeux d'argent. En effet, pour qu'un joueur gagne, il faut qu'il y en ait qui perdent. Or, le fait de souhaiter l'appauvrissement des autres pour s'enrichir personnellement est en contradiction avec l'idéal de l'Islam.
La religion bouddhiste
Le jeu et toutes les formes de divertissement sont contraires à l'esprit bouddhique car ils constituent une source de distraction qui empêche de se concentrer sur l'essentiel. Un joueur ne pourra pas se libérer des rapports illusoires qu'il entretient avec le monde. Peu importe qu'il y ait des enjeux d'argent, une mise, c'est plutôt l'amusement et l'incapacité à se détacher de notre monde matériel et futile.
Dans le bouddhisme, s'adonner au jeu ou prendre plaisir en regardant un spectacle est cependant considéré comme une faute légère et secondaire.
En résumé, les jeux d'argent sont condamnés par toutes les religions. Si vous voulez jouer au poker sans contrarier votre foi, il faudra donc vous contenter de miser des allumettes et ne pas fréquenter trop souvent les tables de jeux...
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Jason Mercier, ou comment concilier Religion et Poker
(13/01/14 - par Arthur Crowson)
Jason Mercier a retrouvé la foi l'an dernier. En évoquant pour la première fois le fait d'être chrétien, il aura retrouvé une certaine paix intérieure en s'ouvrant de nouvelles perspectives pour sa vie de joueur de poker professionnel.
Jason Mercier est un OVNI.
A 27 ans, Mercier est toujours l'une des terreurs du circuit, avec plus de 10 millions remportés en tournois depuis le début de sa carrière en 2008.
Et il est également chrétien.
Et s’il y a bien quelque chose dont on entend assez rarement parler dans le monde des high stakes et même du poker tout court, c’est la religion. Alors que les histoires d’alcool, de drogues et autres sont très fréquentes.
Au mois d’octobre, Mercier a décidé d’évoquer sa foi sur son blog dans un billet intitulé “Who am I?” (Qui suis-je ?) : www.jasonmercier.com/whoami.
Dans celui-ci, Mercier avoue en toute honnêteté que pendant des années il a eu peur de ce que les gens pourraient penser de lui s’il avouait être chrétien.
“Toute ma vie j’ai eu du mal à gérer ma foi” nous a-t-il confié entre deux mains lors du PokerStars Caribbean Adventure. “Je suis content d’être arrivé à partager cette partie de moi.”
Mercier, rockstar du poker après sa victoire à San Remo
Jason Mercier en 2008.
Mercier est depuis longtemps déjà une grande source d’inspiration pour les fans de poker. Après des années à jouer en ligne, il s’est finalement révélé sur le circuit live en remportant une énorme victoire lors de l’EPT San Remo en 2008 pour 1,3 millions de dollars.
Après cette victoire, Mercier a enchaîné sur une série exceptionnelle, avec notamment deux bracelets WSOP et une foule de tournois high rollers, ce qui lui a permis d’attirer l’attention de PokerStars, équipe qu’il rejoint alors.
Mais voilà, Mercier ne voulait pas s’arrêter là. C’est pourquoi l’année dernière, il a voulu remettre de l’ordre dans sa vie et redonner à sa foi l’importance qu’il voulait. Il ne regrette pas d’avoir partagé cela avec le public :
“J’ai eu beaucoup de retours très positifs sur Facebook et sur Twitter, des gens qui me soutiennent, qui me disent être fiers de moi.
J’ai aussi reçu des messages de gars qui ne sont même pas forcément des amis proches mais qui me soutiennent et me disent qu’eux aussi croient en Dieu. C’est sympa de voir que je ne suis pas le seul.”
Cependant, tous les retours n’ont pas été aussi positifs. Sur Twitter notamment, certains l’ont accusé d’être un prêcheur.
“Honnêtement, je ne vois pas ce qui a pu leur faire dire ça dans mon billet. Je voulais juste partager mon expérience.”
« Les gens s’imaginent que c’est comme jouer à la roulette »
Les distractions ne manquent pas sur le circuit, et d’après Mercier, les jeunes joueurs ont souvent du mal à rester concentrés.
“Dans le monde du poker, on est en contact avec des choses que l’Eglise n’approuve pas vraiment, comme les jeux d’argent ou les clubs de strip-tease” explique-t-il.
“On peut vraiment parler de tentations. Pour ma part, j’essaye d’éviter ce genre de choses.”
Mercier a également eu du mal à faire comprendre à sa famille et à ses amis, qui partagent sa foi, son choix de carrière.
“Quand tu dis aux gens que tu gagnes ta vie en jouant au poker, ils s’imaginent que c’est comme jouer à la roulette. Moi, j’essaye de leur expliquer ce que je fais en comparant avec les meilleurs joueurs de golf ou de tennis du monde. Tu voyages sur le circuit en jouant contre les autres meilleurs joueurs du monde. Sauf qu’au poker, les tournois sont ouverts à tout le monde. C’est d’ailleurs ce qui fait son charme.
C’est difficile à expliquer, mais le poker est très différent du blackjack par exemple, et les gens ont du mal à comprendre cela.”
Même ses parents ont eu du mal à accepter que Jason se lance dans le poker :
“Quand je me suis lancé dans le poker, ils étaient vraiment très inquiets. Ils voyaient cela comme un jeu d’argent très addictif. Pour moi, c’était un véritable défi de leur prouver que je pouvais en vivre.”
Malgré tout, Mercier estime que le poker télévisé a permis de faire évoluer la manière dont les gens le perçoivent ces dix dernières années.
Et si Mercier a déjà remporté plus d’argent que beaucoup n’en gagneront dans toute leur vie, il ne compte pas s’arrêter là. L'Américain dit avoir retrouvé une volonté et une concentration optimales depuis qu’il a remis de l’ordre dans sa vie et il a de grands projets pour 2014.
“J’ai hâte de participer à tous ces tournois” conclut-il avec le sourire.