Et si pour une fois, on abordait les jeux d’argent sous un angle totalement différent ? Pourquoi ne pas valoriser ses bons côtés au lieu de stigmatiser uniquement ses côtés négatifs, voire néfastes ?
Finie la traditionnelle approche basée sur le bâton, celle qui diabolise l’addiction aux jeux d’argent et cherche à détourner de la « descente aux Enfers » en décortiquant le comportement et le psychisme des joueurs à risque. Place à l’approche type carotte, qui analyse le jeu responsable des joueurs positifs pour y dénicher les comportements dont il faudrait s’inspirer pour jouer en toute sérénité.
Cette nouvelle vision des jeux d’argent est due à l’équipe de recherche de Mark Griffiths et Richard Wood. Grâce à leur étude: Understanding Positive Play: An Exploration of Playing Experiences and Responsible Gambling Practices, on appréhende mieux les comportements, attitudes et motivations de joueurs classiques qui ne présentent aucun risque face aux jeux d’argent.
Intéressons-nous à cette étude et à ses conclusions, pour mieux comprendre cette notion de joueur positif et de jeu responsable, et surtout tenter de comprendre pourquoi ces notions vont devenir rapidement incontournables.
En effet, cette analyse marque une avancée dans la lutte contre l’addiction aux jeux d’argent et annonce une nouvelle approche, peut-être bien plus efficace...
Le concept de joueur positif
Commençons donc par (re)préciser quelques notions.
Éliminons d’emblée le non-joueur qui n’a aucun souci comportemental lié aux jeux d’argent. Éliminons également le groupe des joueurs excessifs qui regroupe deux catégories : le joueur à risque, dont le comportement de jeu va entraîner un certain nombre de conséquences négatives, aussi bien financières, que familiales, professionnelles, sociales et/ou psychologiques et le joueur pathologique, qui rencontre de sévères difficultés à contrôler son comportement de jeu, car celui-ci devient une préoccupation constante qui envahit son quotidien et débouche souvent sur des troubles émotionnels graves.
Cette étude s’intéresse au joueur normal qui n’a pas de problème avec les jeux d’argent, même s’il joue souvent et/ou régulièrement. C’est justement parce qu’il arrive à toujours jouer de manière récréative que ce nom et cette notion de joueur positif se sont imposés. Ce joueur a un comportement, des attitudes et des motivations différentes (de celles d’un joueur à risque ou excessif) face au jeu, car « il pratique un jeu responsable associé à des expériences positives ».
Les résultats de l'étude
Le Jeu Responsable (JR) englobe des pratiques et des règles conçues pour prévenir et réduire les éventuels dangers associés aux jeux d’argent (gambling) ; ces règles et pratiques se basent souvent sur des actions destinées à promouvoir la protection et la prise de conscience du joueur et sur l’accès à une aide ou à un traitement efficace. Il s’agit dans la plupart des cas de simple bon sens mais dont les joueurs à risque semblent curieusement dépourvus.
Cette étude menée sur 2 semaines fin 2014, a analysé les réponses de 1797 volontaires du Royaume-Uni, tous amateurs de loto (ils ne sont donc pas du tout représentatifs de la population britannique), répartis comme suit : 51,4 % d’hommes et 49,6 % de femmes, âgé(e)s de 17 à 88 ans (âge moyen 47 ans).
L’étude a permis d’identifier 209 joueurs comme potentiellement à problème (grâce au questionnaire LIE/BET). L’objectif était de partager les expériences de jeu positif et les stratégies utilisées pour que le gambling reste ludique et sans problème.
Ces amateurs de loto jouent aussi régulièrement à d’autres jeux d’argent : cartes à gratter (65,5 %), paris sportifs (32,7 %), jeux électroniques (28,5 %), bingo (20,8 %), jeux de cartes type casinos (14,9 %) et autres jeux de table de casino (13,5 %). Ces jeux sont pratiqués le plus souvent via Internet (65,5 %) et dans les magasins locaux (37,4 %), contre seulement 1,3 % dans un vrai casino. La possibilité de remporter un gros lot ou un prix modeste motive respectivement 96 % et 91,4 % des joueurs positifs. Ils sont 95,5 % à ne consacrer qu’une faible proportion de leurs loisirs aux jeux d’argent.
Sur Internet, la majorité des joueurs affirme avoir utilisé une ou plusieurs stratégies pour ne pas dépenser trop/plus que prévu, la plus courante étant de se fixer une limite de dépense avant de commencer à jouer (90,2 %), suivie par la détermination du montant acceptable des pertes (66 %) et la limitation du temps de jeu (52,8 %).
Dans les établissements de jeu en dur, la stratégie la plus populaire est d’emporter une somme donnée en liquide (46,1%) puis de ne pas emporter sa CB (34,8 %). Il est intéressant de noter que pour ces joueurs positifs, le respect des limites fixées n’est ni plus facile ni plus difficile sur Internet que dans des établissements en dur.
Par ailleurs, ces joueurs positifs peuvent encore être séparés en deux groupes, les Casual Dreamers (Rêveurs désinvoltes) et les Responsible Thrill Seekers (Amateurs de sensations fortes responsables).Les premiers correspondent à 63 % des participants, d’âge moyen 49 ans, pour qui une expérience de jeu plaisante passe par un gros gain, mais sont moins enclins à diversifier leurs types de jeux ou à appliquer une stratégie de JR. Les seconds regroupent 28 % des participants, d’âge moyen 41 ans, jouant plus fréquemment que les précédents et recherchant relaxation, excitation, amusement, socialisation, lutte contre un état dépressif ou une contrariété. Ils sont plus enclins à appliquer des stratégies de JR pour limiter les pertes.
Quelles sont les composantes du jeu positif ?
Cette étude permet de commencer à définir le Jeu Responsable à partir des pratiques mises en œuvre spontanément par ses adeptes (il est intéressant de noter qu’à peine 40 % des joueurs interrogés connaissaient le terme Jeu Responsable).
Les grandes différences entre joueurs positifs et joueurs à risque qui ressortent de cette étude sont donc :
1) Les raisons invoquées pour jouer : les premier se focalisent sur les loisirs (jouer pour le fun, s’amuser et/ou tenter la chance pour éventuellement gagner) alors que les joueurs à problème cherchent à fuir un état d’esprit négatif (énervement, état dépressif, ennui ou contrariété).
2) Les coûts du gambling : alors que les premiers n’évoquent aucun problème financier ou relationnel, la seconde catégorie avoue avoir eu à faire face à une perte financière importante et à des difficultés relationnelles et émotionnelles personnelles.
3) Le contrôle : les joueurs normaux sont capables de résister aux pulsions de jeu, contrairement à la seconde catégorie. De même, seuls les joueurs positifs semblent capables d’abstinence, d’avoir recours à de l’aide ou d’entamer une autre activité ludique pour garder un contrôle total sur leurs actes.
Les bienfaits du jeu responsable
Les spécialistes du domaine en ont donc conclu que le Jeu Responsable :
1) Encourage les joueurs à avoir un niveau de jeu qui n’a pas d’impact sur leur vie quotidienne. Pour cela, il faut donc que les joueurs comprennent les jeux qu’ils pratiquent et la nature de leur comportement ludique.
Cela est possible grâce à des informations sur la façon dont les problèmes peuvent survenir et prendre de l’ampleur, mais aussi grâce à un feedback sur leur propre manière de jouer. Il faut donc que les joueurs aient accès à des outils qui leur permettent de prendre des décisions en connaissance de cause (quand jouer, quand s’arrêter, combien miser) et de respecter leurs objectifs.
Bien qu’Internet soit souvent vu comme une cause du développement de l’addiction aux jeux d’argent, cette étude tend à prouver le contraire. En effet, grâce aux outils de gestion de jeu mis à la disposition des amateurs sur les différents sites, le Net occupe une grande place (sinon la plus grande) dans le développement du jeu responsable ; ceci grâce à la mise à disposition d’informations détaillées et de services d’aide, de tests d’auto-diagnostic, de suivi du comportement et de feedback, de prévisions de dépenses, de limitations des durées de jeu, de messages d’alerte ou encore de vidéos pédagogiques.
2) Aide les joueurs, quels qu’ils soient, à éviter des expériences de jeu déplaisantes, grâce aux outils d’aide à la compréhension mentionnés plus haut. Car les expériences déplaisantes, même si elles ne signent pas forcément l’apparition d’un problème d’addiction, sont toujours accompagnées de conséquences négatives immédiates, comme par exemple une grosse perte financière ponctuelle ou le réflexe de vouloir se refaire...
Conclusion
La recherche sur le Jeu Responsable est donc importante pour plusieurs raisons, car le JR concerne TOUS les joueurs, pas seulement ceux à risque.
La diffusion de messages sur le jeu positif est aussi importante que celle de messages cherchant à détourner/dégoûter les joueurs de leur activité favorite, et certainement mieux assimilée par notre inconscient !
Le Jeu Responsable aide à mieux appréhender ce qu’est un jeu sain, pour pouvoir continuer à se faire plaisir tout en agissant en amont au lieu de punir, plutôt que de chercher uniquement à soigner le jeu problématique une fois qu’il est installé.
Enfin le Jeu Responsable l'ARJ détaille des stratégie concrètes de joueurs positifs, facilement applicables aux jeux d’argent... Et pourquoi pas à la vie quotidienne pour devenir un citoyen/consommateur positif ?