La psychologie du Poker: La vraie valeur du Bluff
Vous pourriez penser que le bluff est uniquement basé sur l'équité et les cotes, mais de nombreux facteurs influencent le bluff et en sont affectés.
Aujourd'hui, nous allons examiner la psychologie derrière le bluff et les effets qu'il peut avoir sur votre jeu, votre adversaire et sur vous.
Qu'est-ce qu'un Bluff exactement?
Il s'agit d'une question assez simple avec une réponse évidente, non ? Un joueur détient une main de poker qui, du moins selon sa connaissance, n'est pas à la hauteur de la main de son adversaire. Il agit comme s'il en était ainsi et met son adversaire au défi de se coucher en augmentant les enjeux, effrayant ainsi son adversaire en lui faisant penser qu'un appel n'en vaut pas la peine. L'adversaire se couche, le joueur remporte le pot, tout va bien, main suivante.
Eh bien, techniquement, oui... mais en réalité, non.
Nous pouvons voir des bluffs tout autour de nous. Commençons dans le règne animal :
Lorsqu'une gazelle remarque l'approche d'un lion, parfois vous pouvez la voir sauter ou bondir haut dans les airs de manière répétée. Au lieu de s'enfuir, la gazelle sous-entend ainsi que, malgré l'énorme dépense d'énergie, elle pourra facilement distancer le lion. Le lion devra lui-même dépenser de grandes quantités d'énergie pour rattraper la gazelle et l’immobiliser. Il préfère donc une gazelle plus faible pour augmenter ses chances de succès, car tout échec pourrait signifier qu'il n'aurait plus assez d'énergie pour la prochaine tentative. Le bluff de la gazelle est donc deux fois plus efficace :
Il dit à l'adversaire:
- "Tu ne vas pas me rattraper, ne gaspille pas ton énergie."
Mais il lui dit aussi:
- "Ne t'avise pas de m'embêter à l'avenir ! Tu auras de moins en moins d'énergie à mesure que le temps passe, alors tu ferais mieux de t'en prendre à autre chose."
Donc, une note importante à laquelle nous reviendrons est que la gazelle conditionne également le lion dans une certaine mesure, au-delà de la situation actuelle.
Mais un point très intéressant est que la pratique du "stotting" consomme en réalité de grandes quantités d'énergie : sauter haut dans les airs gaspille énormément d'énergie.
Pourquoi ne peuvent-ils pas simplement piétiner ?
La réponse simple est que c'est trop facile.
Tout le monde peut piétiner. Un paresseux peut gratter le sol et faire du bruit, quelque chose qu'ils essaient vraiment quand ils font face à des prédateurs, malgré le fait qu'ils aient rationnellement peu de chances de succès dans un combat. En fait, le simple fait de piétiner pourrait plutôt être perçu comme un signe de faiblesse s'il est considéré comme un facteur isolé. Une gazelle qui se contente de piétiner, tandis que d'autres font du "stotting", est considérée comme la cible la plus faible et donc comme la proie ayant la plus grande chance d'être capturée.
La conclusion ici est que le bluff doit être - ou du moins avoir l'apparence - d'un risque très mineur, compte tenu des ressources disponibles, tout en étant en réalité un risque plus important avec une récompense conséquente.
En revenant à la notion de conditionnement de la gazelle : les enjeux ici sont en réalité plus élevés qu'ils ne le paraissent. Il y a une forte probabilité que le lion finisse par s'attaquer à une gazelle pratiquant le "stotting". Si la gazelle parvient à s'échapper, le lion établira probablement un lien avec ce comportement, ce qui réduira la probabilité que ce même lion s'attaque à des gazelles pratiquant le "stotting" à l'avenir.
Si toutefois, le lion parvient à attraper la gazelle, ou pire, à la capturer facilement, le bluff deviendra évident, et l'échec de la gazelle diminuera inévitablement l'efficacité du bluff à l'avenir.
L'efficacité des Bluffs varie en fonction de l'expérience
Si vous êtes intéressé par la manière de bluffer en fonction de la situation, nous avons déjà des articles à ce sujet. Ici, nous allons nous concentrer sur les effets réels et l'efficacité en fonction de votre adversaire. Comme je le mentionne dans ma série de Psychologie du Poker, l'esprit humain ne bascule pas automatiquement en mode poker simplement parce que vous vous concentrez sur le jeu. Les règles générales de la psychologie humaine s'appliquent toujours, et vous devez en être conscient.
Les effets du bluff sont mieux observés chez les joueurs moins expérimentés. On pourrait faire valoir qu'il existe deux types de nouveaux joueurs :
- Le joueur prudent et craintif
et
- Le joueur agressif et trop confiant.
Le joueur prudent et craintif
Ce joueur est généralement assez facile à identifier : il essaie d'éviter de prendre de gros risques, se couche fréquemment à mesure que les enjeux augmentent et perd généralement de l'argent sur de nombreuses petites mises. Ce comportement découle souvent d'une insécurité générale sur ce qu'il fait et d'une pression auto-infligée pour bien jouer, ce qui a paradoxalement l'effet inverse.
Bluffer contre ce joueur est une bonne idée la plupart du temps, car il manque souvent de confiance en lui pour faire un gros appel, craignant qu'un tel appel puisse lui coûter une grande partie de sa pile. Si vous arrivez à le surclasser ne serait-ce qu'une fois, en lui montrant une main forte, il ne fera probablement jamais ou rarement de gros paris contre vous. Tant que votre ratio de victoires/défaites de mains montrées est suffisamment bon (au moins 50-60 %), il ne fera probablement pas de jeu puissant contre vous, car il ressentira votre domination.
Le joueur agressif et trop confiant
Le contraire est vrai pour le nouveau joueur agressif. Non seulement il ne manque pas de confiance, mais il peut aussi être à la recherche de sensations fortes dans le jeu et peut avoir vu suffisamment de grandes parties de poker à la télévision pour penser qu'il peut simplement appeler les bluffs et gagner gros. Dans cette situation, vous devez "affirmer votre domination" en premier.
Ce sont de jeunes lions inexpérimentés, et ils doivent d'abord comprendre le concept d'échec. À moins que les enjeux ne soient suffisamment élevés, ils appelleront presque tout ce que vous leur lancerez.
Bluffer tôt dans le jeu contre eux est généralement une mauvaise idée. Une fois que vous avez montré plusieurs mains solides et que vous les avez battus plusieurs fois, peut-être les avez-vous fait racheter une troisième ou quatrième fois dans une partie en cash, c'est à ce moment-là qu'ils pourraient commencer à vous respecter.
Le joueur plus avancé
"Eh bien, c'est bien, mais mon but n'est pas vraiment d'écraser les débutants toute la journée. Comment faire face à des joueurs plus expérimentés ?"
Il est important de comprendre la base. Tout le monde a dû commencer quelque part. La différence entre un joueur qui commence tout juste et un joueur plus avancé est simplement l'expérience. Cela signifie que les mêmes principes s'appliquent, même plus loin dans le jeu. Un joueur prudent plus avancé a vu de nombreux bluffs et en a dévoilé quelques-uns. Il peut maintenant estimer la valeur de sa main et peut généralement faire une supposition éclairée sur ce que vous pourriez avoir et combien cela pourrait valoir. Un joueur agressif plus avancé a appris de nombreuses de ses erreurs à ce stade et ne suivra pas aveuglément tous vos bluffs.
Cependant, les tendances restent les mêmes.
En cas de doute, les joueurs ont tendance à pencher vers leur nature, et il est plus probable qu'ils prennent leur décision en conséquence.
Cela signifie que les deux informations principales dont vous avez besoin avant de bluffer contre un joueur sont :
- Quelle est leur nature ?
- Dans quelle mesure sont-ils avancés ?
Plus un joueur est avancé, moins sa nature d'origine est un facteur. En fait, plus un joueur est bon, moins sa nature a d'importance. Les professionnels ne tiendront pas du tout compte de leurs émotions ou de leurs impulsions, et ils prendront leur décision uniquement en fonction des chances de succès, de l'équité et de leur adversaire.
Alors, pourquoi est-ce important ?
Outre le fait que vous ne jouerez généralement pas uniquement contre des professionnels, le fait demeure que votre adversaire sera toujours influencé par la différence perçue de force entre lui et vous.
La principale différence réside dans le fait qu'ils s'adapteront plus rapidement au cours d'une partie et seront moins susceptibles de laisser leurs anciennes expériences influencer la situation actuelle. D'une part, cela signifie que leur préjugé n'est pas aussi fort, de sorte que vous n'avez pas réellement un avantage ou un désavantage dès le départ. D'autre part, cela vous donne la possibilité de pencher la balance dans un sens ou dans l'autre. Cela signifie que vous ne devriez pas bluffer tant que vous n'aurez pas établi votre domination, sauf si vous avez de très bonnes raisons de le faire. Même si votre bluff tôt dans le jeu a une bonne équité en théorie, vous négligez son coût pour le reste de la partie : si ce premier bluff échoue, vous aurez une image plus faible. Même si vous pouvez peut-être l'utiliser à votre avantage en jouant plus serré et en "prétendant bluffer" au fur et à mesure que la partie avance, il est indiscutablement préférable d'avoir une image plus forte, car cela ouvre plus de possibilités de jeux rentables.
Les enjeux comptent – Beaucoup
Notre gazelle parie littéralement sa propre vie sur le succès de son bluff. J'espère vraiment que vos enjeux ne seront jamais aussi élevés.
Cependant, nous avons tous vécu ce moment où vos amis disent : "Essayons de jouer au poker, juste pour le plaisir." Vous vous asseyez tous, distribuez des jetons et en 10 à 20 mains, le jeu est terminé parce que tout le monde se contente de faire tapis et de parier sur des coups de chance. Vos chances d'être appelé sont presque de 100 %.
Comparez cela à une partie avec vos amis où chacun a misé 10 € et où vous jouez en format tournoi. Vous êtes 10 joueurs, vous avez donc la possibilité de gagner 90 €. Peut-être qu'il y a un ami qui joue un peu plus imprudemment et demande un rachat, mais en général, les joueurs pèsent soigneusement leurs décisions, car il y a un prix notable en jeu. C'est à ce moment-là que le bluff commence à avoir du sens, car perdre la moitié de votre pile sur un risque élevé signifie que vous avez de fortes chances de perdre la somme en jeu.
Examinons un véritable tournoi de poker. Vous avez payé 200 € pour le droit d'entrée, et la dotation se situe entre 5 000 € et 20 000 €. Envisageriez-vous même de risquer la moitié de votre pile sur un jeu médiocre ?
Cependant, les choses changent à nouveau à mesure que les enjeux augmentent. Supposons que vous soyez à la télévision. Le monde entier vous regarde, alors que vous avez une paire de valets. Vous jouez contre Daniel Negreanu et il vous met tapis. Vous savez qu'il y a de bonnes chances qu'il bluffe. Si vous suivez et échouez, vous ne manquerez pas seulement environ 1 million de dollars, mais vous passerez également pour un imbécile à la télévision, aux yeux de tous. Mais si vous suivez et gagnez, vous serez un héros. Vous serez celui qui a su déjouer la tentative d'un maître, et votre nom figurera sur les sites de poker en ligne et sur Reddit.
Avec de tels enjeux, nous en revenons à la personnalité du joueur. Est-ce encore une question d'argent ? Dans quelle mesure la perspective de la célébrité compte-t-elle pour vous ? Est-ce que cette chance en vaut la peine malgré le risque de perdre ?
Bien sûr, peu d'entre nous auront probablement cette chance.
Mais si nous prenons du recul, que cela peut-il nous dire sur les joueurs ?
L'Ego compte
En tenant compte de ce scénario, revenons à notre tournoi entre amis. Peut-être que vous n'êtes pas Daniel Negreanu, mais peut-être êtes-vous le leader à la table. Votre ami perd face à vous depuis quelques heures maintenant, et vous avez la majorité des jetons. Vous êtes en tête-à-tête avec l'un de vos amis, les autres se sont couchés, et vous le mettez tapis. Les chances de gagner peuvent ne pas changer, et sa place dans le tournoi est peut-être en jeu. S'il perd, il est éliminé et perd la possibilité de gagner de l'argent. Mais s'il gagne, vos amis applaudiront et se souviendront de l'appel improbable qu'il a fait pour battre le grand méchant loup à la table. Ils s'en souviendront peut-être pour le reste de la nuit, mais lui s'en souviendra beaucoup plus longtemps. Cela influence les probabilités dans son esprit. La perspective d'une "douce victoire", ne serait-ce que pour une main, peut suffire à le convaincre et à le pousser à prendre un risque défavorable.
Cela peut aller dans les deux sens.
Ce qu'il faut retenir de cette excursion dans la psychologie du poker, c'est ceci :
Il y a plus de facteurs en jeu que les seules cotes. Même les meilleurs joueurs peuvent prendre des décisions qui semblent quelque peu irrationnelles, car chacun a ses propres motivations et antécédents.
En même temps, c'est également le cas pour vous. Si vous vous trouvez à vouloir suivre ou vous coucher, assurez-vous de le faire pour de bonnes raisons, et non par peur, frustration ou sous l'influence de votre ego.
Garder ces éléments à l'esprit vous aidera à décrypter votre adversaire, tout en espérant que cela vous permettra de maîtriser vos propres sentiments "irrationnels". Donc, lorsque vous envisagez de bluffer, assurez-vous de prendre en compte TOUS les facteurs.
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