Vous vous êtes déjà demandé comment les grands joueurs de poker savent parfaitement quand lâcher les chevaux ou se retirer de la course ?
Souvent, tout se joue sur un tell qu’ils ont découvert après plusieurs heures passées à table.
C’est précisément pour cela que nous lançons notre nouvelle série d’articles, dans laquelle les meilleurs joueurs professionnels expliquent comment ils arrivent à découvrir ces tells et comment ceux-ci les aident au moment de prendre les grandes décisions.
Dans ce premier épisode, c’est le grand vainqueur du Main Event des WSOP 2003, Chris Moneymaker, qui revient avec nous sur l’un de ses meilleurs instincts.
Alors comment tout cela s’est-il passé ?
Meilleure performance en tournoi ?
En 2011, Chris Moneymaker est allé très loin dans le Main Event du PCA, terminant finalement 11e sur 1 560 joueurs.
Lors du Jour 4, Moneymaker est resté de longues heures à la même table, aux côtés du finaliste, Chris « Imdanuts » Oliver.
Oliver jouait « 80 % de ses mains » de manière extrêmement agressive, mais Moneymaker a réussi à le dominer une grande partie de la journée.
C’est au début du Jour 4 que Moneymaker a remarqué l’un des tells d’Oliver. Et après avoir contré plusieurs bluffs, une main incroyable est arrivée.
« Je fais attention aux détails »
Chris Moneymaker : « Le truc, c’est qu’à la télé on ne voit pas tout. Oliver dominait la table. Il jouait pratiquement toutes les mains.
Il relançait continuellement. Je me souviens qu’une fois il avait surrelancé 5 fois avec 4-8... et qu’il avait gagné.
J’ai vite compris que c’était sur lui que je devais me concentrer.
Il avait un petit tic quand il regardait ses cartes alors que ce n’était pas son tour. J’ai vu que son comportement changeait selon ce qu’il se passait à table. Il changeait aussi quand le flop sortait, selon les cartes qu’il avait.
Il misait différemment aussi. C’était des changements très subtils, la façon dont il plaçait les jetons, sa respiration... Comme si son aura changeait.
Quand je vois un joueur comme Chris jouer autant de mains, je fais attention à la fréquence à laquelle il regarde ses carte, je fais attention à son regard, je fais attention aux détails.
Là, il y avait un lien entre les regards qu’il jetait à ses cartes et le flop. »
« Je regarde souvent les gens plus que le poker »
« Trouver un tell, c’est tout un processus. Ce n’est pas un seul élément. C’est de la recherche.
Je repère d’abord le joueur le plus actif à table, ou celui qui semble être très agité. Ensuite j’essaye de voir s’ils ont des habitudes particulières dans la manière dont ils manipulent leurs cartes. S’ils ont une manie, je vais faire encore plus attention, pour détecter les changements.
Un exemple typique : un joueur passe son temps à regarder ses cartes pendant 3 secondes, mais lorsqu’il a de très bonnes cartes, il ne les regarde que très brièvement, une seule fois.
Chacun son truc. Certains n’arrêtent pas de regarder leurs cartes quand ils ont une bonne main. Ou ils font semblant de les vérifier, alors qu’ils savent très bien ce qu’ils ont. Si j’ai la chance de voir la main ensuite, je fais le lien.
Je regarde souvent les gens plus que le poker. »
« C’est comme ça que je gagne des jetons »
« Un autre exemple : le protège-carte. Beaucoup de joueurs aiment les utiliser, et ils le font presque machinalement à chaque main.
Mais trois heures plus tard, ils se relâchent, l’utilisent moins, et lorsqu’ils regardent leurs cartes tu sais tout de suite qu’ils veulent se coucher, avant même que ce soit leur tour.
Certains gardent leurs cartes près d’eux, d’autres les éloignent... Il y a toujours des indices, que je réutilise ensuite.
Honnêtement, je fais plus attention à ça qu’à beaucoup d’autres choses.
C’est presque une seconde nature désormais. Chacun a ses manières particulières, et elles ont tous une raison d’être.
Au début d’un tournoi, les joueurs font très attention à ne rien laisser transparaître, mais la carapace se craquèle rapidement. On commence à voir quelques signes, quelques gestes dont on est même pas conscient.
Quand je travaille avec des joueurs, je leur dis quels tells j’ai remarqués. Et souvent ils sont abasourdis.
Aujourd’hui, beaucoup de joueurs n’accordent aucune importance aux tells. Surtout les joueurs qui viennent du poker en ligne, ils ne voient pas ça comme une bonne source d’informations.
Je ne suis pas du tout d’accord. Parfois je me trompe et j’ai l’air d’un idiot, mais la plupart du temps c’est comme ça que je gagne des jetons. »
Voir aussi nos autres interviews de Chris Moneymaker
Comment gérer la top paire contre Chris Oliver
Dans la main en question, Chris Oliver relance avec 7♥ 5♥ UTG et Moneymaker suit avec Q♦ J♠ en grosse blinde. Voilà le flop : 5♠ 7♦ J♣.
« Avant le flop, je savais qu’il avait une main sans intérêt, mais qui pouvait bien tourner. Je pensais que sa main n’était pas très forte, mais pas non plus complètement à jeter.
Quand le flop est sorti, il a fait quelque chose qui m’a mis la puce à l’oreille. J’ai senti que quelque chose avait changé.
Il a fait une mise assez modeste au flop. Je suis, parce que je ne peux pas me coucher avec cette main. Je n’étais pas très à l’aise, mais on était déjà assez loin dans le tournoi, donc je voulais voir la prochaine carte. Il pouvait avoir J-5 ou J-7.
D’autres joueurs auraient forcément une paire de 5 ou de 7, mais un joueurs comme Chris... les possibilités sont beaucoup plus larges.
Je savais qu’il avait touché quelque chose au flop, je devais deviner si c’était meilleur que ce que j’avais ou pas.
Au turn, la mise était deux fois plus importante. Je savais qu’à la river on dépasserait les 500 000. Et que j’allais devoir payer.
Je n’étais pas sûr qu’il ait de quoi me battre, mais je savais que c’était possible. À tel point que j’ai décidé qu’il y avait de meilleures façons de prendre ses jetons.
Notre table a été séparée plus tard et je n’ai pas rejoué contre lui. J’ai perdu contre Galen Hall parce que j’ai mal interprété un tell, et j’ai suivi sur la pire des mains.
J’ai eu 11 décisions à prendre dans ce tournoi. J’ai pris 10 fois la bonne, et une fois la mauvaise. Elle m’a coûté le tournoi. »