Dire de Mike Sexton qu'il est l'un des meilleurs ambassadeurs du poker au monde n'est pas exagérer.
Pendant des années l'homme a rêvé que la publicité et le sponsoring des tournois de poker pouvaient œuvrer pour introduire le poker dans les mentalités, et en faire un hobby apprécié de tous au quotidien. Il a longtemps débattu de ses idées avec n'importe qui qui voulait bien l'écouter.
Aujourd'hui, le succès du World Poker Tour peut grandement être emprunt de son sceau.
Mike est connu pour être un homme à travailler dur sur ses idées, nourri par la passion pour ce qu'il fait. Dans la peau du commentateur vedette des émissions télévisées du World Poker Tour, il est également devenu "le visage du poker" auprès du grand public aux Etats-Unis.
Sexton semble d'ailleurs posséder un talent inné pour les commentaires en direct ; sans expérience antérieure à l'antenne, Mike s'est pourtant distingué en s'étant montré capable de parler du poker et de l'expliquer d'une manière telle que les non-joueurs peuvent comprendre tout en permettant aux les pros d'apprendre et d'apprécier.
Mike Sexton est aussi célèbre pour être celui à avoir lancé une phrase à propos du No-Limit Hold'em aujourd'hui dans toutes les têtes : ce jeu « prend cinq minutes à être appris, mais toute une vie pour le maîtriser. »
Mike a appris le poker à l'école des coups durs. Alors jeune livreur de journaux à l'âge de 12 ans dans son Dayton natal de l'Ohio, il se voyait régulièrement perdre son salaire hebdomadaire au profit d'un certain Danny Robison, ancien partenaire de Chip Reese, depuis vainqueur d'un bracelet des WSOP en 1995, et aujourd'hui considéré comme l'un des meilleurs joueurs de cash game en 7-card Stud.
A la fin des années 80, Mike prend le jeu de tournoi au sérieux, témoin son seul bracelet en or des World Series of Poker en 1989, à propos duquel il raconte : « C'était en Eight-or-better Stud, le jeu auquel je jouais tous les jours pour vivre à l'époque. J'ai vraiment senti avoir joué un poker parfait ce jour-là, ce qui a rendu ma victoire encore plus satisfaisante. A ce jour, ce fut le meilleur tournoi que je n'ai jamais joué. »
Après ce succès, Mike en enregistra d'autres dans des tournois majeurs de No-Limit Hold'em.
Outre une belle victoire lors des Euro Finals of Poker à Paris en 2000 (169 687 $ de gains), Sexton possède à son tableau de chasse 67 places payées dans les WSOP (en 2018), dont plusieurs très bons résultats dans le Main Event, notamment une 12ème place lors de l'édition 2000 remportée par Chris Ferguson, et une 29ème lors de l'édition 2001 remportée par Carlos Mortensen - il a également terminé 24è en 1993 et 23è en 1995.
L'un de ses plus gros gains fut dans le Tournoi des Champions de Las Vegas en 2006, remporté pour 1 million de $ face à 26 joueurs parmi lesquels de nombreuses stars (Negreanu, Matusow, Hansen, Hachem, Hellmuth). Un score depuis battu en 2012 avec sa 9ème place dans le Big One for One Drop, pour 1 109 333 $.
Après un certain nombre d'échecs proche du Graal (6è au Bay 101 en 2011, 3è à Venise en 2013), Sexton a enfin fini par remporter le titre sur "son" WPT, à Montréal en 2016.
Divers et anecdotes
* Auteur du livre "Shuffle Up and Deal"
* A fréquenté l'Ohio State au cours d'une scolarité gymnique
* Ancien professeur de danse de salon
* Commentateur télé du World Poker Tour aux Etats-Unis
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Mike Sexton : « Le poker est devenu très difficile »
(27/03/13 - par Giovanni Angioni)
Patron du World Poker Tour, Mike Sexton reste également toujours l'une des grandes figures du poker. PokerListings l'a rencontré à l'occasion du WPT Venise.
Pour commencer, quelles sont tes impressions sur ce tournoi ? Tu passes un bon moment à Venise... sous la neige ?
Oui, je me sens plutôt bien. J'aimerais bien qu'il y ait un peu plus de joueurs, mais j'imagine qu'ils arriveront demain... (Interview réalisée lors du Day 1A NDLR)
J'aime toujours venir jouer ici, c'est un endroit magnifique, et c'est toujours amusant de venir jouer en Italie.
Tu représentes tellement le poker qu'on a vraiment du mal à t'imaginer faire autre chose. Pourtant, j'ai découvert qu'il y a quelques dizaines d'années tu te destinais à quelque chose de très différent. Est-ce vrai que tu t'étais engagé dans l'armée ?
Tout à fait. C'est vrai.
Donc si les choses s'étaient passées différemment, on ne t'aurait peut-être jamais vu jouer au poker ?
Oui, certainement. Je peux même te dire que j'étais vraiment à deux doigts de faire une carrière militaire, j'aimais vraiment ça.
Quand j'étais jeune, je faisais de la gymnastique, et après l'université, je ne savais vraiment pas quoi faire. J'avais toujours eu envie de faire du parachutisme, donc j'ai rejoint l'armée pour devenir parachutiste, et j'adorais ça. Je m'éclatais.
D'accord, mais tout de même, parachute ou pas, c'était une époque un peu délicate, non ?
Oh oui, c'était pendant la guerre du Vietnam. Mais quand tu es jeune, tu ne penses pas à ce genre de trucs, tu veux juste faire quelque chose.
Avec le recul, je me rends compte que j'ai eu de la chance. La division dans laquelle je suis tombé revenais juste du Vietnam pour la deuxième fois, donc je n'ai jamais eu à y aller moi-même.
Si j'avais dû faire la guerre ou si les choses s'étaient passées différemment, j'aurais certainement eu une toute autre vie.
Et avec ce recul justement, est-ce que tu le referais ?
En fait, oui. Oui, je le referais.
J'en garde des bons souvenirs. Je pense qu'un service militaire de deux ans devrait être obligatoire. Que ce soit dans les cuisines, au ménage ou sur le terrain, tout le monde devrait servir le pays. C'est vraiment quelque chose qui me tient à cœur.
Au cours de la dernière campagne électorale américaine, tu t'es prononcé en faveur des Républicains. Mon problème, si tant est que ce soit un problème, c'est que Sheldon Adelson est l'un des soutiens financiers les plus importants du Parti Républicain et que son opinion sur le poker en ligne est pour le moins... disons "tranchée". Comment concilier cela avec tes opinions ?
Voilà comment je vois les choses : ça fait cinq ans que les Démocrates sont au pouvoir et qu'ils n'ont absolument rien fait au niveau du poker en ligne. À mon avis, aucun politicien n'a envie de se mouiller.
Ils ont peur que des groupes religieux, ou n'importe quel autre groupe, commencent à dire que « c'est pas bon pour la famille, blablabla ». Donc ils ont peur de faire quoi que ce soit.
Mais moi, ce qui m'embête, que tu sois contre les jeux d'argent ou pas, que tu sois contre le poker en ligne ou pas, là, c'est que c'est une question de liberté.
Chacun doit pouvoir faire un choix. Alors bien sûr, si on légalise les jeux sur internet, certains perdront trop d'argent et s'attireront des ennuis. Mais la réalité, c'est qu'ils peuvent déjà faire ça.
Ah bon ?
Oui. Ils peuvent aller au casino et finir sur la paille. Ils peuvent aller au champ de courses et finir sur la paille. Ils peuvent jouer au loto et finir sur la paille.
Il faut aussi que les gens assument les conséquences de leurs actions.
Et donc, quelle est la morale de l'histoire ?
Qu'ils soient contre les jeux d'argent, pas de problème. Mais dans ce cas-là, qu'on interdise le poker, mais aussi la loterie, les courses et les casinos. Tous ces trucs-là.
Décréter que tu peux jouer au poker dans un casino la journée mais pas chez toi le soir, ça n'a aucun sens. C'est n'importe quoi.
Ceci dit, la situation semble être en train d'évoluer maintenant que certains états ont légalisé le poker en ligne.
Oui, tout à fait. Je pense que d'ici un ou deux ans, une vingtaine d'états l'auront autorisé. C'est inéluctable, je pense. Juste une question de temps.
Tu es un spécialiste du "poker européen". Tu as beaucoup voyagé en Europe, et on se souvient pour certains de tes anecdotes croustillantes comme lorsque, à l'époque, tu étais allé à l'hôtel Crillion à Paris alors que tu n'avais pas un sou. À ton avis, quelles sont les différences entre la vision européenne du poker et celle des américains ?
Honnêtement, il n'y a plus vraiment de différence. Avant, les Américains étaient persuadés d'être les meilleurs joueurs du monde, en partie parce qu'on a plus ou moins « inventé » le poker. Mais c'est fini.
Maintenant, dans n'importe quel pays, il y a de très grands joueurs, des mecs intelligents qui se lancent. Ils apprennent très vite, jouent des millions de mains sur Internet, et deviennent très rapidement redoutables. Ils comprennent très vite le jeu agressif et son utilité, ils sont vraiment très malins.
À mon époque, les mecs qui se mettaient au poker étaient très différents. C'était des mecs comme Amarillo Slim ou Puggy Pearson.
Maintenant, les jeunes joueurs ont des diplômes universitaires, qui regardent le poker à la télé depuis des années et ont vu d'autres gamins s'en mettre plein les poches.
Ils potassent tous les aspects du jeu, ils apprennent vite et ils sont malins. Il y a tellement plus de bons joueurs qu'il y a dix ou quinze ans.
Tu trouves que le poker a vraiment beaucoup changé ces 20 dernières années ?
Disons que j'étais déjà sur le circuit 15 ans avant que le poker ne soit télévisé, et à cette époque-là, il y avait peut-être 20 très bons joueurs, 40 maximum.
Maintenant, il y en a des milliers, sans exagérer. C'est vraiment pas simple.
Honnêtement, si j'avais un conseil à donner à quelqu'un qui envisage de jouer au poker pour gagner sa vie, c'est qu'il a plutôt intérêt à s'assurer qu'il a le talent, l'intelligence et la bankroll pour gérer les hauts et les bas qui arrivent sur le circuit. Sinon, ce n'est pas la peine.
Donc si j'ai bien compris, le circuit poker n'est plus une vie de rêve ?
Disons que si tu veux devenir joueur de poker, surtout en tournois, il faut être vraiment très solide mentalement. Il faut gérer les victoires, les bad beats, tout ça. Même quand tu finis 4ème, tu es déçu parce que tu avais une chance de gagner. C'est vraiment difficile de gérer tout ça mentalement.
Quand tu joues des cash games et que tu voyages moins, c'est un peu différent. Tu joues toujours dans les mêmes limites, souvent avec les mêmes personnes, il y a des chances que ta bankroll augmente de manière assez régulière.
Ce qui fait la beauté des tournois de poker, c'est que tout le monde veut toucher le gros lot. Ça a vraiment un côté loto, et c'est ce que les gens aiment. Tout le monde a envie de frapper un gros coup, et je le comprends, j'étais dans cet état d'esprit pendant des années.
Mais voilà, c'est devenu très éprouvant mentalement, donc je ne suis pas sûr que je recommanderais à quiconque de se lancer, surtout avec tous ces super joueurs. Honnêtement, le circuit du poker aujourd'hui, c'est comme le PGA au golf : il faut être tellement bon pour y arriver que c'est vraiment compliqué. Je vous le dit, c'est dur.
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Mike Sexton : « Ce qui est beau dans le poker, c'est l'équilibre du talent et de la chance »
(13/04/14 - par Arthur Crowson)
Mike Sexton est sur le circuit professionnel depuis les années 70. Pourtant, il a toujours l’enthousiasme d’un joueur qui vient de gagner son premier tournoi à 5 $.
Sexton est en train de vivre la meilleure saison de sa carrière sur le WPT, à la fois en tant que joueur et en tant que commentateur.
Ce grand ambassadeur du poker a donc enfin décroché son premier titre sur le WPT à Montréal, en plus d’une table finale au LAPC et un beau parcours au Bay 101.
Ah, et avec tout ça, il a également trouvé le temps de sortir un nouveau livre, Life’s a Gamble.
PokerListings a retrouvé Mike lors du Tournament of Champions du WPT 2017 saison 15 le week-end dernier, pour évoquer notamment sa longévité, sa réussite, et le concept de ce Tournoi des Champions.
Es-tu heureux que le Tournoi des Champions, un concept que tu as créé, soit utilisé par le WPT ?
J’aime l’idée qu’il faille mériter de participer au tournoi. C’est ça qui en fait quelque chose de spécial. C’est pour ça que c’est un tournoi de haut niveau, un tournoi prestigieux auquel tous les joueurs voudraient participer. J’adore ce concept.
Estimes-tu que ce soit proche de ce qui se fait sur le PGA ?
Oui. C’est d’ailleurs pour ça que j’avais imaginé le TdC au départ. J’adorais le concept du tournoi des champions en golf, avec les joueurs ayant remporté un tournoi du PGA pendant l’année civile.
Je voulais faire la même chose dans le poker, c’est pour ça que j’ai imaginé le tournoi des champions dans les années 90. Il fallait avoir gagné un tournoi pendant l’année civile, avec un buy-in de 200 $ minimum et au moins 40 autres joueurs.
Je trouvais que c’était une super idée. C’était top. Et ça a bien marché, donc je n’étais pas le seul à le penser.
C’était avant l’arrivée de la télévision, des sponsors, donc je n’ai pas gagné d’argent là-dessus, mais je pense que ça a fait du bien au monde du poker et que ça m’a permis de décrocher mon poste chez PartyPoker et sur le WPT.
C’est vraiment quelque chose qui me tient à cœur. J’ai gagné le TdC des WSOP en 2006, et maintenant je peux compléter mon palmarès en gagnant ici, même si je vais devoir attendre l’année prochaine. J’ai envie d’y participer chaque année.
Peux-tu nous parler un peu de l’année incroyable que tu es en train de vivre en termes de résultats ?
C’est génial. Tout le monde me demande ce que j’ai changé. Mais la vérité, c’est que je n’ai pas changé grand-chose. Peut-être que j’arrive à piquer plus de pots qu’avant.
Mais au final, j’ai surtout l’impression que le vent a tourné cette année. Quand j’ai gagné à Montréal, tout a joué en ma faveur.
C’était le destin, c’est tout. C’était enfin à mon tour de gagner. Je ne sais pas quoi dire de plus.
Après ça, j’ai terminé 4e du LAPC et j’ai fait un beau parcours au Bay 101. Je passe une belle année.
J’ai les cartes avec moi, je suis juste dans une bonne passe.
Tu fais partie de l’aventure du World Poker Tour depuis le début. Quels sont tes meilleurs souvenirs sur le circuit ?
Mon meilleur souvenir, c’est de voir à quel point le poker a explosé dès que nous avons créé ce circuit. C’est grâce au WPT que le poker a décollé non seulement aux États-Unis, mais dans le monde entier. C’était vraiment une période passionnante.
Et puis c’est incroyable d’être toujours là pour voir les grands joueurs gagner. J’ai assisté à toutes les tables finales du WPT télévisé pour voir toute cette excitation, cette joie et ces moments qui changent toute une vie.
Mon moment préféré, c’est probablement quand Doyle Brunson a remporté le Legends of Poker lors de la 2e saison, après avoir été le premier champion du monde à remporter un titre sur le World Poker Tour.
C’est sympa de voir à quel point le poker s’est mondialisé ces dernières années. Il faut rendre hommage à Adam Pliska et aux dirigeants du WPT pour ça. Désormais, nous sommes définitivement la marque n° 1 dans le monde.
C’est incroyable. Avant, le poker c’était les États-Unis. Plus maintenant. Maintenant c’est le monde entier.
Il y a des grands joueurs dans tous les pays du monde. C’est un phénomène incroyable.
Estimes-tu que le WPT a réussi à garder une ligne de conduite dans un secteur où tout change très vite ?
Je crois que c’est grâce à la marque. Nous avons été les premiers à mettre du poker à la TV. Nous avons une réputation auprès des joueurs. Et notre longévité fait que nous avons un statut à part.
Nos tournois fonctionnent bien et nous entretenons de bonnes relations avec les casinos. Les gens veulent être associés à la marque « WPT ».
Et c’est génial, c’est probablement pour ça qu’on tient depuis si longtemps.
Nous venons d’être rachetés par Ourgame, une entreprise chinoise, et ils nous laissent une énorme marge de manœuvre. Le WPT va se tourner vers le gaming social - c’est là qu’il y a de l’argent.
Le poker télévisé, si tu gagnes assez pour payer les salaires, organiser le circuit et les tournois et faire un profit minimum, c’est déjà très bien.
C’est loin d’être une mine d’or. Quand le World Poker Tour a été lancé, tout le monde s’est pris de passion pour le poker, mais au final, ce n’est pas le WPT qui a réalisé des profits.
Ce sont les sites internet qui faisaient leur promotion grâce au WPT qui s’en sont mis plein les poches. À ce moment-là, de par notre statut, on ne pouvait pas se lancer dans le poker en ligne.
C’était dommage. Si on en avait eu la possibilité, aucun de ces autres sites n’aurait fait le poids.
Le « WPT Online » aurait écrasé toute concurrence, et personne n’aurait rien pu faire.
À long terme, penses-tu que c’était une bonne chose pour le WPT étant donné ce qui est arrivé aux sites de poker pendant les 5 dernières années ?
Ils ont eu des problèmes, oui. Mais ils ont aussi gagné des milliards de dollars. Alors est-ce que ces problèmes pèsent si lourd que ça ?
Aux États-Unis, on est encore très limités en termes de poker en ligne. Il n’y a que le Nevada, le New Jersey et le Delaware.
Je trouve ça vraiment dommage d’avoir tué le poker en ligne aux États-Unis. C’est complètement idiot.
Ça n’a rien à voir avec le poker, et pourtant j’aime le poker, mais c’est une question de liberté individuelle. Les gens doivent pouvoir choisir ce qu’ils font en privé, tant que cela ne fait de mal à personne.
Comment peut-on dire à quelqu’un, qui travaille dur toute la semaine, qu’ils n’ont même pas le droit de se détendre en participant à un petit tournoi à 20 $ ? Pas très américain tout ça... Quand on sait qu’on se targue d’être le pays de la liberté.
Ça me rend fou. À côté de ça, on a le droit de boire et de fumer.
En tant qu’ambassadeur du poker depuis toujours, est-ce difficile pour toi de voir le jeu présenté sous un aspect négatif ?
C’est souvent par manque de compréhension, je pense.
Quand je gagnais ma vie en jouant au poker en Caroline du Nord dans les années 70, à la moindre soirée où tu allais on te demandait ce que tu faisais dans la vie. Je leur disais que je jouais au poker.
Je n’en ai jamais eu honte. Même dans une région aussi traditionnelle. Jamais de honte.
Mais les gens me posaient des questions. Ils me demandaient pourquoi j’avais choisi ça. « Vous gagnez votre vie grâce aux jeux d’argent ? - Non, je joue au poker. »
Ils ne comprenaient pas vraiment.
Je leur expliquais. Je leur disais que si on choisissait 6 personnes au hasard et que je jouais contre elles trois fois par semaine pendant un an, mes chances de ne pas les écraser étaient infimes.
Avec le temps, le meilleur joueur s’impose. Le temps révèle le talent. C’est ça qui est beau dans le poker : c’est l’équilibre parfait du talent et de la chance.
Tu décris le poker comme la discipline mentale la plus difficile. Est-ce que tu peux nous expliquer pourquoi ?
J’y crois de tout mon cœur. Quand tu es joueur professionnel, surtout de tournois, et que tu fais le circuit, tu dois être plus fort que n’importe qui mentalement.
Tu peux jouer au poker aussi bien que tu veux, tu peux te faire sortir.
Ça arrive tout le temps. Si tu ne peux pas gérer cet aspect-là, tu ne peux pas tenir sur le circuit.
Même quand tu arrives en table finale, ce qui est déjà rare, à partir du moment où tu ne gagnes pas, tu n’es pas heureux.
On est heureux que quand on gagne, et c’est tellement rare. Il faut être capable de faire face à ça psychologiquement et mentalement, sinon autant passer à autre chose.
Il faut être solide. Il n’y a pas beaucoup de professions où on va au travail le matin et on revient avec moins d’argent que le matin en partant.
Bon évidemment, les pros ne s’arrêtent pas à une seule partie ou une seule session. Il faut voir les choses sur le long terme, au moins un an.
Comment arrives-tu à garder une telle passion après tant d’années ?
J’aime le poker. J’aime ses défis. C’est un apprentissage constant. Même si tu crois tout connaître du poker, tu apprendras forcément des choses en regardant jouer les autres. Cela ne peut que t’apporter quelque chose.
Tu enregistres toutes ces informations. Mais si tu crois tout savoir, tu ne peux que régresser.
Il suffit de regarder les résultats de ces dernières années pour voir que les jeunes prennent le pouvoir. Ce sont eux qui bossent, qui apprennent. Avec les simulations numériques et tout ça.
Ils ont dépassé les anciens. Aujourd’hui, les joueurs les plus connus sont toujours ceux qui ont remporté des titres sur le WPT lors des premières saisons.
Pourtant, les jeunes jouent mieux.
C’est la réalité. Ces gars sont arrivés au bon moment, ils se sont fait un nom. Mais les joueurs qui arrivent maintenant sont meilleurs.
Comme chez les golfeurs ou les tennismen.
C’est le cycle de la vie. Manifestement, il faut tout faire pour rester au niveau, sinon tu es décroché.