Que celui-ci vous le demande un jour ou non : Voudriez-vous que votre enfant devienne joueur de poker pro ? Comment réagir ? 6 professionnels du jeu répondent à cette question et donnent leur opinion.
La nouvelle de la paternité de Tony G a lancé de nombreuses discussions sur l’image et les valeurs que nous transmettons à nos enfants par cette profession.
Alors, est-ce que la petite Tauras Guoga suivra les pas de son père pour devenir joueuse de poker ? Ou deviendra-t-elle la prochaine présidente lituanienne ?
D’après une étude récente sur Facebook menée auprès de 5,6 millions de paires parent-enfant dans des pays anglophones, les données montrent que la petite G a plus de chances de suivre le chemin de son père et de choisir une profession similaire.
Bien que ni le poker ni la politique ne soit des choix fréquents, l’étude a tout de même montré que vous aviez cinq fois plus de chance de faire carrière dans l’armée si votre père était lui-même militaire. Et si votre mère est une infirmière, vous avez quatre fois plus de chance de choisir une profession médicale.
L’hérédité des stars ?
L’influence que nous avons sur nos enfants est indéniable. Ce sont nos valeurs et nos croyances qui forment la base de leur éducation et de leur personnalité, dès leurs plus jeunes années.
Ces principes, nous les oublions pendant 30 ans, jusqu’à ce qu’un thérapeute nous force à les déterrer.
Mais dans un monde où un septuagénaire sans aucune expérience en politique et avec des principes moraux douteux peut devenir président du pays le plus puissant du monde, tout est possible.
Est-ce que les joueurs de poker du futur naîtront des gènes des stars d’aujourd’hui ?
Alors que pensent les stars de la possibilité que leurs enfants deviennent le prochain Phil Ivey ?
Toujours la même réponse
J’ai demandé leur avis à six joueurs de poker professionnels. Je leur ai demandé s’ils voulaient que leurs enfants suivent leur exemple.
La réponse a été assez unanime : non. Pas de surprise. J’ai souvent posé cette question en interview, et la réponse est toujours la même.
Mais pourquoi cela ?
Et surtout faut-il prendre cette unanimité au pied de la lettre ?
1. Le casino
Si les joueurs de poker sont assez réticents à ce que leurs enfants deviennent eux-mêmes joueurs, c’est en partie à cause du temps passé dans les casinos.
Mike Gorodinsky, ancien joueur de l’année des World Series of Poker (WSOP) nous l’a expliqué :
« J’essaierais de dissuader mes enfants de faire du poker leur profession. Le poker est un monde très égoïste et demande de passer beaucoup de temps dans les casinos, des endroits peu recommandables. »
Et si ce que dit Jim Rohn est vrai, vous deviendrez la moyenne des cinq personnes avec qui vous passez le plus de temps. Donc Mike n’a pas tort.
Il est difficile de séparer le poker professionnel des autres jeux d’argent, surtout quand tout est fait pour rendre fous vos récepteurs de la dopamine.
Les jeux d’argent ne sont pas mauvais en tant que tels, mais tout au casino est fait pour perdre le contrôle.
2. Le poker est égoïste
Mike a également qualifié le poker de discipline « égoïste », et c’est effectivement une raison fréquemment invoquée par les joueurs de poker.
Le poker tend pourtant à contribuer à la société. Raising for Effective Giving (REG) en est un excellent exemple.
Mais effectivement, si vous voulez un métier qui ait un impact direct sur le monde, le poker n’est pas au niveau.
3. Le poker est un piège
Vainqueur d’un bracelet aux WSOP, Andrew Barber a réussi à faire du poker un vecteur de son altruisme. Il donne en effet un pourcentage de ses gains à des causes humanitaires. Mais voudrait-il que ses enfants suivent son exemple ?
« Je n’encouragerai jamais mes enfants à devenir joueurs professionnels, mais je leur apprendrai à jouer. Le poker m’a beaucoup appris, mais beaucoup de joueurs se retrouvent "coincés" et ça les empêche d’avancer. »
Tu finis tes études, tu veux prendre ton indépendance. Gagner un peu d’argent. Un pote te parle d’un boulot dans un cabinet de comptable.
Tu prends le poste en te disant que tu trouveras mieux, que tu trouveras ta vocation. Et puis 40 ans plus tard, tu bois un coup au bar et quand on te demande ce que tu fais dans la vie, tu réponds « comptable ».
On devient nos professions, et c’est encore plus vrai dans le poker.
Mais le reste du monde ne voit pas le poker comme une carrière. Il est difficile d’obtenir un crédit, quasi impossible d’acheter ou de louer une maison. Et c’est encore plus dur d’essayer de se faire un CV « solide ». Le poker, c’est un piège.
Et puis la communauté du poker est vraiment très spéciale. Si tu décides d’arrêter de jouer, tu ne vas plus voyager autant pour voir tes amis. C’est difficile.
Et ne parlons même pas de l’ego. Les joueurs de poker ont tendance à être un peu trop pourvus en termes d’ego et c’est pour cela qu’ils ont souvent du mal à ravaler leur fierté, à arrêter le poker et à trouver quelque chose de plus constructif à faire.
4. Le poker demande beaucoup de temps
Ancien joueur de l’année du World Poker Tour (WPT), Anthony Zinno n’aimerait pas non plus que ses enfants deviennent joueurs de poker professionnels. Pour lui, c’est surtout un problème de temps.
« Je n’encouragerai pas mes futurs enfants à devenir joueurs professionnels. Je pense que je jouerai avec eux, mais je n’ai pas l’intention de promouvoir le poker comme une source de revenus fiable.
C’est beaucoup trop exigeant en termes de temps, d’énergie et d’investissement pour arriver à un bon équilibre de vie. »
Ce que dit Zinno est intéressant. Si les gens jouent au poker, c’est surtout pour gagner de l’argent. Mais l’argent n’est pas ce qu’il y a de plus précieux dans la vie : c’est le temps.
Si vous passez 12 heures par jour à jouer au poker, est-ce vraiment la meilleure manière d’utiliser votre temps ? Que pourriez-vous faire d’autre à la place ?
5. Le poker est dur
Voici ce que le multiple vainqueur de bracelets WSOP Dominik Nitsche pense de la question :
« Je ne pense pas que j’encouragerai mon fils à devenir joueur professionnel. Ne serait-ce qu’aujourd’hui, il est déjà trop tard pour se lancer dans le poker et devenir vraiment riche, gagner plus de 500 000 $/an en EV.
Le poker n’est plus la mine d’or qu’il était. Je suis sûr qu’il y a de meilleurs moyens de devenir riche désormais.
Mais bon, les choses peuvent évoluer et si le poker est toujours assez simple quand mes enfants auront l’âge d’y jouer, peut-être que je changerai d’avis. Mais à mon avis, il y a peu de chances que ça arrive. »
Revenons-en à Gorodinsky :
« C’est vrai, ce qu’on dit du poker : c’est une manière très difficile de se faire de l’argent facile. »
Je ne suis pas d’accord avec Nitsche et Gorodinsky. Je suis comme Donald Trump, je crois qu’on peut réussir dans n’importe quoi.
Et pour moi le poker est finalement assez facile à maîtriser. Avec toutes les professions difficiles, stressantes qui existent, comment les comparer au poker ?
Votre enfant a le même horizon que vous
Si tous les joueurs interrogés conseillent à Bébé G de ne pas se lancer dans le poker professionnel, ils veulent tous que leurs enfants sachent jouer pour profiter des bons côtés du poker.
Gorodinsky lui-même a expliqué qu’il encouragerait ses enfants à jouer au poker et à d’autres jeux pour qu’ils apprécient la théorie du jeu, la compétition et la psychologie.
Zinno, lui, pense qu’enseigner le poker à ses enfants est bon « pour leur cerveau ». Barber a admis que le poker lui a beaucoup appris. Nitsche aussi, d’ailleurs, lorsqu’il a évoqué toutes les compétences acquises grâce au poker.
William Martin, auteur du livre The Parent’s Tao Te Ching, un livre à succès sur l’éducation, estime qu’il est très difficile de faire que ses enfants aient un horizon plus large que le sien. Je suis d’accord.
Je fais de mon mieux pour changer ma manière de fonctionner, ancrée en moi par mes parents et les normes sociétales. J’essaye de faire en sorte que mes choix professionnels peuvent guider mes enfants.
Du coup, je me pose la question :
Pourquoi les joueurs de poker choisissent-ils de passer la majorité de leur temps assis pour un jeu auquel ils ne voudraient pas que leurs enfants jouent, alors que c’est justement ce qui, statistiquement, les rend d’autant plus susceptibles de le faire ?
Et vous qu’en pensez-vous ?
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