Apprenez comment mieux maîtriser un jeu et notamment le poker grâce la pratique délibérée. Avec en maîtres-mots motivation, plaisir et travail.
Mon fils est un génie des maths.
Moi, je détestais ça. Il faut croire que parfois les chiens font bien des chats.
Quand j’en parle avec lui, il est toujours sûr d’avoir une très bonne note. Alors est-il tout simplement doué, ou a-t-il dû y travailler ?
Voilà ce qu’il en dit :
« Je revois les choses que je ne comprends pas. Le reste, ça va tout seul. »
C’est là que j’ai compris pourquoi je n’ai jamais réussi à devenir joueur de poker professionnel.
La règle des 10 000 heures
Malcolm Gladwell a popularisé la fameuse « règle des 10 000 heures » dans son livre Outliers.
L'idée, c’est que pour arriver à « maîtriser » un domaine (sport, langue...), il faut y passer 10 000 heures.
Quand j’interviewe des joueurs de poker professionnels, je termine toujours l’entretien en leur demandant sur quoi ils passeraient 10 000 heures s’ils avaient le choix.
Quand j’ai rencontré Anton Wigg, ancien vainqueur sur l’EPT, il m’a expliqué que les recherches qui ont amené Gladwell à cette conclusion ont été menées par un psychologue suédois : Anders Ericsson.
J’ai donc fait quelques recherches de mon côté. Et c’est là que j’ai compris.
La réponse, c’est la pratique délibérée.
La pratique délibérée : pas n’importe quelle pratique
D’après mon fils, s’il n’arrive pas à n’avoir que des 20 en maths, c’est à cause de son prof.
À une époque, il adorait les maths. Et maintenant ?
« Je n’aime plus autant ça. » Qu’est-ce qui a changé ?
« On a un nouveau prof », m’a-t-il répondu.
Il adorait son ancien prof : il expliquait les choses clairement, prenait son temps et permettait aux élèves de poser des questions.
Son prof actuel, en revanche, va trop vite, n’explique pas bien et fait que les élèves se sentent idiots lorsqu’ils posent des questions. Mon fils vient donc de découvrir ce qui empêche beaucoup de gens de profiter de la pratique délibérée.
Fut un temps, on était persuadé que le talent était inné, inscrit dans nos gènes.
Dans un article de 1993 intitulé « Le rôle de la pratique délibérée dans l’acquisition de performances expertes », Ericsson et ses collègues sont arrivés à la conclusion que tout ça, c’est n’importe quoi.
Alors évidemment, pour jouer en NBA, il faut avoir une certaine prédisposition. Mais en dehors des paramètres purement physiques, comme la taille, tout le reste (même les capacités cognitives) peut être amélioré par la pratique.
Mais pas n’importe quelle pratique. Il faut que ce soit de la pratique délibérée, et c’est là que rentre en ligne de compte le problème du prof de maths de mon fils.
Le mentor
Quand mon fils m’a parlé de ses problèmes avec son prof, j’ai proposé de lui prendre un prof particulier. Il a refusé. Je pense qu’il a eu tort.
À l’école, le prof doit enseigner à une classe entière. Une classe dont chaque élément réagit à différentes méthodes d’enseignement, a différentes faiblesses et forces, etc.
Quand j’ai commencé le poker, j’en suis tombé fou amoureux. Je voulais être le meilleur, parce que je voulais gagner.
Je me suis inscrit sur les meilleurs sites, j’ai vite atteint un palier. D’une certaine manière, je pense même que cela a freiné mes progrès, parce que c’était trop compliqué.
Ensuite, je me suis trouvé un mentor. C’est la meilleure décision que j’aie prise. Après avoir testé plusieurs coachs, j’ai choisi Alan Jackson de BlueFire Poker.
Son style, très analytique, était parfait pour moi. Il suivait toutes mes performances, en live et en ligne, et il me préparait des programmes de développement sur mesure.
Dans toutes ces méthodes, le principe était de progresser sur les faiblesses qui m’empêchaient d’avancer.
Dans ses études, Ericsson a découvert que ceux qui tirent le plus profit de la pratique délibérée travaillent sur leurs faiblesses de base, mais qu’il faut un mentor pour les identifier en début de processus.
Et c’est seulement lorsque l’expert en développement a atteint un certain niveau qu’il devient capable d’identifier lui-même ses faiblesses et de les corriger sans aide.
Si mon fils avait un excellent professeur particulier, celui-ci lui créerait un plan sur mesure afin de transformer ses faiblesses en forces. Et c’est ce principe qui forme la base de la pratique délibérée.
La pratique délibérée et le poker
J’étais nul en maths à l’école, parce que je n’y appliquais ni motivation, ni détermination. Je trouvais ça chiant, ennuyeux et trop difficile.
Et tant qu’un sujet ne me paraissait pas amusant, je refusais de faire des efforts pour progresser. J’ai eu tout juste la moyenne en maths. Au talent, comme on dit.
Le poker est un peu différent : on peut se dire que quelqu’un qui joue au poker est au moins un aficionado, sinon un passionné. C’est déjà un obstacle en moins, car pour devenir un expert, il faut apprécier le domaine en question.
C’est pour cela que beaucoup de gens estiment que plus vous jouez au poker, plus vous progressez. Et certes, ça aide. Mais c’est loin d’être aussi efficace que la pratique délibérée.
Se trouver un mentor permet d’accélérer considérablement le processus d’apprentissage. Et si vous choisissez le bon mentor, il identifiera vos faiblesses bien avant vous.
Ils peuvent vous créer un plan d’entraînement sur mesure. Si vous choisissez de jouer constamment, vous ne serez pas en mesure de vous concentrer délibérément sur vos faiblesses.
Tout seul à viser la lucarne
Imaginons pour l’exemple que vous avez un gros problème pour gérer vos blinds. Alors certes, vous pouvez choisir de faire une session de huit heures en vous concentrant dessus. Mais beaucoup trop d’autres éléments entrent en compte.
Vous ne pourrez jamais être assez concentré. Ce n’est pas de la pratique délibérée.
En revanche, un bon mentor pourrait vous préparer une série de scénarios centrés sur les blindes, en faisant abstraction du reste. Vous pourriez alors travailler dur sur ces situations, jusqu’à ce que ce ne soit plus une faiblesse.
Et si les gens ont du mal à incorporer la pratique délibérée à leur routine, c’est parce que c’est ennuyeux. Le poker, par contre, c’est sympa. Passer des heures sur les blindes peut être chiant.
David Beckham est l’une de mes idoles. Je m’en fiche de son look, de son couple et même de ses performances. Ce qui suscite mon admiration, ce sont les heures qu’il a passées, seul sur le terrain, à tirer des coups francs en pleine lucarne.
Le football, c’est sympa. Par contre, passer des heures à tirer des coups francs, sans relâche, c’est chiant.
Et c’est précisément pour cela que surmonter un obstacle de manière délibérée et constante est une pierre angulaire de la pratique délibérée.
Le long terme
Nous vivons dans un monde qui ne vit que par la gratification immédiate, sauf que la pratique délibérée s’inscrit dans le long terme. Et ça, c’est parfait pour le poker.
Tous les joueurs de poker savent que n’importe qui peut gagner à court terme, mais que c’est à long terme qu’on mesure les grands joueurs.
Et trop attendre de gratification immédiate ne peut que saboter votre pratique délibérée. Il faut trouver le juste milieu entre la pratique délibérée et le burn-out.
Heureusement, un bon mentor en est conscient.
C’est pour ça qu’au lieu de vous faire faire des tâches répétitives pendant des heures, il créera un programme sur mesure pour éviter la perte d’intérêt et le burn-out. L’important est surtout de s’habituer à sortir de sa zone de confort pour découvrir des concepts qui nous sont étrangers.
S’asseoir et jouer, c’est plus familier, plus confortable. Vous pouvez vous persuader que vous progressez en regardant des vidéos sur RunItOnce jusqu’à tomber de sommeil, mais cela ne suffit pas à faire de vous un meilleur compétiteur.
Le « talent » ne peut pas suffire. Encore une fois c’est la pratique délibérée qui fait la différence.
Sans mesure, pas de gestion
Avoir des objectifs bien définis est un élément important du processus de pratique délibérée. Et là encore, c’est à votre mentor de vous aider à le faire.
Vous devez aussi avoir des méthodes de mesure de ces objectifs. Sans mesure, il n’y a pas de gestion possible.
Ce matin, j’ai dit à mon fils de préparer son petit-déjeuner tout seul. C’était la première fois qu’il faisait des œufs brouillés. J’étais plongé dans la rédaction de cet article, et il est arrivé paniqué, du jaune d’œuf plein les doigts.
« J’en ai cassé un », me dit-il. « Eh bien nettoie », j’ai répondu.
« Mais je ne peux pas. »
On casse tous quelques œufs dans la pratique délibérée. Chaque échec est une leçon, c’est pour cela qu’il est important de les identifier.
J’ai demandé à mon fils de me montrer ce qu’il s’était passé. Il avait cassé la coque contre le plan de travail. Je lui ai suggéré de le faire contre le bord du récipient, qui est plus fin, en lui expliquant que cela rendrait un accident moins probable.
Il a appris, il ne le refera plus. Même s’il cassera peut-être quelques autres œufs en essayant de nouvelles méthodes.
Choisir un jeu et le maîtriser
Les joueurs de poker aiment souvent se moquer de Phil Hellmuth parce qu’il manque d’expérience en cash game de Texas Hold’em No-Limit et en mixed games.
Sauf qu’il y a remporté 11 bracelets, un format de compétition qu’il maîtrise manifestement très bien.
Avec le temps, Hellmuth a cédé aux pressions en se lançant dans les mixed games. Deux de ses trois derniers bracelets des WSOP ont été remportés en Razz.
« J’ai l’impression d’être le meilleur joueur de Razz du monde », explique Hellmuth.
Et bien que ce ne soit probablement pas la réalité, s’il y consacrait autant de temps qu’au Hold’em, il pourrait bien le devenir.
Le poker compte des milliers de variantes (voir notamment sur notre page principale des règles du poker). Choisissez-en une. Maîtrisez-la. Passez à une autre.
« C’est ma vie », a un jour déclaré Hellmuth aux caméras d’ESPN après une main qui s’était mal passée aux WSOP.
Hellmuth est motivé par son envie d’être le meilleur joueur du monde, et c’est encore une fois essentiel dans la pratique délibérée. Il faut être motivé. Sinon vous ne pourrez jamais fournir les efforts suffisants.
Une réflexion nécessaire
Je ne suis jamais devenu un grand joueur de poker. Je manquais de pratique délibérée. J’étais nul en maths.
La conséquence : trop de décisions basées sur mon soi-disant instinct. Je n’avais ni la motivation ni le courage pour créer un programme spécifique pour progresser.
C’est comme ça que j’ai compris que le poker ne serait jamais qu’un loisir pour moi. Si je voulais aller plus loin, je sais ce que j’aurais à faire. Ne faites pas la même erreur.
Mettez-vous en œuvre la pratique délibérée ? Avez-vous un mentor ? Est-ce un objectif à long terme, ou bien préférez-vous la joie instantanée du jeu ?
Voilà de quoi réfléchir un peu...