La différence d'impact sur le long terme entre un jeu serré et un jeu large est un sujet toujours sensible. Celui-ci est débattu depuis des années dans les salles de chat, avec des partisans des deux "camps" défendant leur point de vue avec véhémence et passion.
Le sujet gagne également en importance car les parties sont devenues bien plus larges et bien plus agressives que par le passé.
La première partie de cet article a été élaborée par Arthur S.Reber et Max Weiss, membres d'un groupe de discussion et accros du poker se réunissant régulièrement à Las Vegas pour discuter du jeu dans une grande salle et autour d'un bon repas. L'assemblée est même parfois rejointe par quelques grands noms dont les visages ornent les murs du Binion's.
Après avoir échangé des e-mails sur la relative importance de resserrer son jeu à la table, nous avons réalisé que nous approchions le problème différemment. Je joue principalement sur une seule table, Max en multi-tables. Nous avons rapidement compris que les deux contextes étaient très différents.
Un style de jeu efficace dans un cas peut facilement perdre de la valeur dans l'autre. Le jeu "LAG" (large-agressif) qui fleurit partout sur Internet peut en particulier ne pas être optimal en multi-tabling.
Nous prenons ici la défense d'un resserrement du jeu, parfois au-delà de la raison. En certaines occasions il sera à votre avantage d'abandonner des situations avec de faibles espérances de gains au bénéfice d'une meilleur efficacité de jeu, de plus faibles taux d'erreur, et d'une réduction de la variance.
Un court exemple
Prenons deux joueurs lambdas, Victor, qui joue 10% des mains, et Vicky, qui en joue 30%. Victor joue les cartes, la position, et sur son image serrée. Vicky joue elle sur son image large et ses compétences après le flop. Les deux sont des joueurs aux résultats positifs, avec des bankrolls et styles de vie similaires.
Victor manquera des opportunités, principalement celles avec une faible EV+ (valeur attendue positive), mais y gagnera en s'écartant de situations difficiles, tout en pouvant se permettre de voler et bluffer avec plus de réussite.
Vicky perdra de l'argent sur les 10% (ou plus) du bas de sa gamme de mains, quelles que soient ses compétences, mais elle sera mieux payée sur des bonnes mains et sera capable de faire plus de value bets (mises de valorisation) dans certains situations.
Au final il n'est pas déraisonnable d'imaginer les voir terminer chaque année avec la même somme d'argent.
Ok, alors vous demandez, « et donc ? »
Le fait est que nous avons présenté cet exemple en partant de l'hypothèse implicite que les deux joueurs jouaient en live. Cette relation fusionnelle au niveau des résultats changera au moment de passer au jeu en ligne multi-tables.
Vicky risque maintenant de voir que ces mains à petite valeur attendue dont le gain provient du niveau de meta-game (pour faire simple, l'image que l'on se construit et perçue par les autres joueurs), perdront de leur éclat. Lorsque vous jouez sur six tables à la fois, les choses deviennent compliquées et désordonnées.
Ces mains demandent un bon peu de réflexion, et cette réflexion se traduit physiologiquement. Elle accroit le stress, vous fait perdre pied mentalement, et par-dessus tout vous prend du temps. Et le temps, c'est l'ennemi du multi-tableur.
Victor, qui est pourtant enclin à resserrer sous la contrainte, souffre de plus en plus à chaque nouvelle table qu'il ouvre. Il peut commencer à faire des choses telles que coucher des mains qui auraient théoriquement été EV+ en raison de facteurs psychologiques.
Mise en situation pour ces deux types de joueur
Pour mieux comprendre ceci, donnons leur à chacun AJ dépareillés en position d'Under The Gun (en premier de parole), dans une partie No-Limit à 1$/2$. Cette main, pour la plupart des joueurs décents, a une espérance de gain modeste, et dans une partie live ou à une seule table en ligne nous nous attendons à leur la voir jouer tous les deux, même si différemment. Mais s'ils jouent six tables, les choses vont vraisemblablement changer.
Vicky la jouera probablement, peut-être même encore plus agressivement. Victor la couchera. Les deux y gagneront et y perdront. Les deux styles peuvent fonctionner. On retrouve d'ailleurs les deux chez les professionnels.
Cependant la psychologie favorise la voie choisie par Victor. Lorsque vous multi-tablez, vous cherchez à prendre des décisions aussi routinières que possibles. Vous rencontrerez moins de pression et serez capable de soutenir de hauts niveaux de jeu plus longtemps. En moyenne Victor sera donc capable de jouer plus solidement sur le long terme que la Vicky typique.
En suivant l'exemple de Victor, les variations seront amorties, et parce que vous faites face à moins de décisions délicates, votre taux d'erreur restera bas. Et plus ponctuellement vous souffrirez également plus rarement de l'une de ces "catastrophes en cascade", où les signaux d'alerte des autres tables comment à sonner, que les tables commencent à passer en "timing out" (temps expiré), et que les pots se mettent à être perdus par défaut.
En résumé, lorsque vous multi-tablez, il est tout à fait acceptable :
(a) d'Etre sorti du pot avec des mains marginales, particulièrement si vous n'avez pas une bonne lecture.
(b) d'Etre bluffé.
(c) de Coucher une bonne ou même très bonne main.
(d) d'Abandonner vos blinds, même face à ce qui ressemble à un vol "à poil".
Bien sûr il existe certains coups qui peuvent être joués dans ces situations, mais ils n'auront pas nécessairement une espérance de gain positive sur le long terme, pas quand les autres tables vous font faire face à des situations complexes similaires, pas quand vos adversaires vous mettent constamment la pression, pas quand vous commencez à vous sentir fatigué.
En fait, leur gain principal se retrouvera dans le meta-game, mais dans ces situations en ligne le rôle du meta-game s'affaisse.
Maintenant, notre point de vue ne sera pas forcément partagé par tous, et il n'y a pas de problème à cela. Cela fait bien longtemps que nous avons appris qu'il n'y avait pas qu'un seul moyen de jouer au poker.
Jouer serré rend les décisions plus faciles !
Le Hold'em est un jeu difficile. Comme aime à le rappeler le célèbre commentateur Mike Sexton, cela prend quelques minutes à l'apprendre, et toute une vie pour le maîtriser.
par Daniel Skolovy
Aucun adage n'a jamais été aussi vrai. Au Hold'em, la plupart des gens jouent de loin trop de mains, et les emmènent trop loin.
L'une des premières choses que vous apprenez lorsque vous décidez de devenir un joueur gagnant est de jouer serré (tight dans le jargon anglophone). Ce qui se traduit par jouer moins de mains. Pourquoi ? Parce que quand vous ne jouez que des mains de départ de qualité, cela rend votre jeu plus facile sur les rues (cartes) suivantes.
Jouer serré est absolument fondamental au moment d'apprendre à jouer un poker gagnant. Nous disons poker gagnant car tout le monde sait jouer au poker. Mais peu savent comment jouer un poker gagnant.
Votre décision initiale de continuer à jouer ou non la main en cours se fait avant le flop.
Hormis aux flop, turn et river, où vous ne devriez vous retrouver qu'une ou deux fois par orbite (tour de table), vous avez des décisions pré-flop à prendre à chaque main. Si vous jouez trop large, vous perdez de l'argent à chaque fois que vous jouez une main que vous ne devriez pas.
De ce fait, la première stratégie qu'il vous est impératif de maîtriser, est de jouer serré avant le flop.
Moins d'erreurs possibles en jouant prudemment
Avant le flop, vous ne devriez jouer que le tout meilleur des mains de départ. Soit celles qui sont déjà des monstres, AA, KK, QQ, etc, les mains à top paire, c'est à dire celles qui feront la meilleure paire au flop, avec un bon kicker, par exemple AK, AQ, KQ, etc.
Vous pouvez aussi jouer les mains spéculatives de qualité, des mains qui touchent gros au flop et remportent de gros pots, telles que T9 ou 89 assortis, les petites pocket paires, etc.
Toutes les autres mains devraient être évitées comme la peste ; pas seulement parce qu'elles affichent une espérance de gain négative (voir, l'EV expliquée), mais aussi parce qu'elles sont très difficiles à jouer après le flop.
Une main telle que K-5 assortis peut sembler bonne, avec un roi et assortie, mais les apparences sont trompeuses. Il s'agit en fait d'une main très faible.
Lorsque le 5 fera paire, le 5 sera très rarement la top paire du flop. Lorsque c'est le roi qui "pairera", il n'aura qu'un kicker 5, et se retrouvera souvent battu à l'abattage.
C'est la nature de cette main et des similaires : elles font du poker un jeu de devinettes. Vous ne pouvez jamais être sûr d'où vous vous situez. Elles ne vous laissent en plus aucune possibilité de faire une quinte.
Vous pourriez penser que tout ceci est digne d'être passé outre en raison de la capacité de la main à faire une couleur. Eh bien non. Etre assortie n'y ajoute que 2% de probabilités globales de gain.
D'une manière générale, si vous envisagez de coucher une main dépareillée, vous devriez probablement la coucher même si elle est assortie.
Les couleurs ne viennent pas assez souvent pour compenser les pertes d'une main de départ pauvre.
Alors arrêtez de limper avec des mains faibles juste parce qu'elles sont assorties.
Faites le parallèle avec une main telles qu'AK. Lorsque AK touche le flop, vous obtenez la top paire avec le meilleur kicker. Vous ne serez jamais surpassé à l'abattage (dans le cas d'une main adverse similaire bien sûr). Vous pouvez jouer cette main en confiance - vous savez où vous en êtes dans la main. La nécessité de chercher à deviner et à savoir est minimisée.
C'est pourquoi jouer de très bonnes mains de départ rend les tours suivants plus faciles. Lorsque vous touchez, vous savez où vous vous situez. Vous avez une main de qualité qui peut aller voir le showdown.
Lisez également : Comment jouer les mains marginales hautes
L'espérance positive est votre première alliée
Si vous ne jouez que les mains qui affichent une espérance positive pré-flop, le reste de votre jeu sera en place. Vos bonnes mains pré-flop feront de bonnes mains post-flop, et vos décisions sur les cartes suivantes deviendront de plus en plus faciles au fur et à mesure que vous éliminerez de plus en plus de mains poubelles de votre éventail pré-flop.
Un exemple extrême de jeu serré serait que vous décidiez de ne seulement jouer que les as, les rois et les dames, et coucher tout le reste. Cela rendrait votre jeu au flop et plus loin très facile. Il n'y aurait pour ainsi dire aucune question de chercher à jouer aux devinettes.
Avec une overpair, vous miseriez, sinon vous ralentiriez. Les décisions marginales seraient absentes. Tout ne serait que blanc ou noir.
Ce style, bien sûr, est hautement exploitable, et ne serait jamais profitable ; il s'agit simplement d'un exemple sur comment le jeu serré rend les décisions plus faciles sur les tours suivants.
Nous ne conseillerons jamais de ne jouer que les as et les rois, mais cela serait toujours une meilleure stratégie que de jouer toutes les mains. Naturellement, la meilleure stratégie est quelque part entre les deux.
Couchez vos mains faibles, mais jouez vos mains fortes de manière agressive.
Pour finir, nous vous laissons sur cette réflexion : à chaque fois que vous faites une erreur à une table de No-Limit Hold'em, vous courez le risque de vous ruiner. Et en tant que débutant, amateur, et étudiant permanent du jeu, que vous en fassiez plusieurs fois dans une session est garanti.
Plus vous jouez de mains marginales, plus vos décisions seront difficiles à prendre, et plus vous ferez d'erreurs. Et par voie de conséquence, plus vous ferez d'erreurs, plus vous allez souvent vous retrouver déstacker (vous faire prendre votre tapis).
Alors ne vous lancez qu'avec des mains de premier ordre, et rendez-vous ainsi la vie plus facile.
Merci