Vous rencontrerez souvent des tyrans au poker, et vous vous demandez sans doute comment ne pas vous laisser marcher sur les pieds et finir par les avoir. Dans cette deuxième partie de notre article, le pro allemand Dominik Nitsche nous donne ses conseils.
Dominik Nitsche a remporté trois bracelets aux World Series of Poker (WSOP), s’est imposé sur le World Poker Tour (WPT) et est ambassadeur pour 888poker.
Et il est encore tout jeune
Dans la première partie de cet article, je vous ai aidés à comprendre comment j’étais parvenu à gérer les « brutes » ou tyrans dans les parties entre amateurs.
Et pour les parties plus relevées alors ?
J’ai justement demandé à Nitsche comment il arrivait à gérer les hyènes du circuit élite, et voilà ce qu’il m’a confié.
Il n’y a pas de tyrans
D’après Nitsche, on ne devrait pas penser en termes de « capitaine de table » ou de « brute ».
« Tous les bons joueurs savent que le poker se joue une main après l’autre », explique Nitsche. « L’objectif est de toujours prendre la meilleure décision possible. »
Les « brutes » qu’on retrouve dans le poker marchent à l’agressivité : ils misent et relancent très fréquemment. Pour Nitsche, cette manière de jouer n’est ni bonne ni mauvaise.
"Tout ce qui compte est de jouer chaque main de manière optimale."
Mais le terme brute n’est pas approprié. Tout ce qui importe, c’est que chaque main soit jouée de manière optimale.
Le poker n'est pas une question d’ego
Le poker permet de repousser vos limites psychologiques. Dans la première partie, je vous racontais comment mon père m’avait appris à répondre à l’agressivité par l’agressivité.
Ce mode de pensée est basé sur l’ego. Pour réussir dans le poker, l’ego est notre ennemi. Comme l’explique Nitsche :
« Voyez les choses comme ça : est-ce que le joueur qui relance avec 73s en position intermédiaire joue de manière rentable ?
Peut-être que les joueurs derrière lui jouent trop serré.
Est-ce qu’il a raison de faire un 3-bet avec 92s au bouton ?
Probablement que non, mais il faut quand même penser à ajuster votre stratégie. Le poker, ce n’est pas une question d’ego. »
Mais si ce n’est pas de l’ego, c’est quoi ?
Le poker c'est des maths
« Le poker, c’est prendre la bonne décision mathématique », explique Nitsche. « Quand quelqu’un joue trop large et agressif, on peut l’exploiter.
Il faut adapter sa stratégie pour exploiter les faiblesses. C’est la même chose s’il joue trop serré. »
Réfléchissez à la personnalité de ces brutes : ils ont besoin d’en faire trop, de toujours s’imposer. Alors évidemment, au premier abord on n’a pas l’impression que cela soit facilement exploitable, mais Nitsche explique très clairement pourquoi c’est en réalité le cas.
Les brutes sont en réalité les joueurs les plus faciles à exploiter.
Si vous jouez chaque main de manière mathématiquement correcte et, si cela génère une image de brute, ce n’est que parce que vous avez adapté votre stratégie aux actions des autres joueurs.
À une table de bons joueurs, si l’on enchaîne les bons coups, on peut rapidement paraître être une « brute ». Mais grâce à ce que vient de nous expliquer Nitsche, on peut aussi penser que les autres joueurs nous voient comme trop large.
Si l’on sait s’adapter, alors nous pourrons utiliser ces connaissances à notre avantage.
Mais comment exploiter la brute ?
Trouver une cible, viser, tirer
Chaque joueur de poker a sa faiblesse. Les professionnels comme Nitsche arrivent à compenser ces faiblesses en les connaissant bien. C’est le David contre Goliath du 21e siècle.
Il ne s’agit plus de trouver le bon caillou, mais de savoir où viser.
« Personnellement, je trouve que c’est facile de jouer contre des joueurs trop agressifs. Il n’y a même pas besoin de beaucoup changer votre manière de jouer.
Il suffit d’avoir une bonne sélection de mains de départ, et le reste va tout seul. C’est un bon moyen de contrer un amateur de 3-bets. »
Il suffit de savoir où viser.
« Je ne pense pas qu’il faille resserrer votre gamme d’ouverture juste parce qu’un seul joueur fait beaucoup de 3-bets. Continuez plutôt à jouer les gros connecteurs assortis, les mains Broadway non assorties et les paires.
Si votre adversaire est toujours aussi foufou, envisagez de faire des 4-bets si les stacks sont en dessous de 50 BB avec un as assorti ou une paire.
Sinon, n’hésitez pas à leur tendre un piège avant le flop si vous avez des as : suivez leur 3-bet. S’ils font beaucoup de 3-bets, ils se coucheront souvent en cas de 4-bet, alors faites attention.
Vous pouvez aussi lancer un 4-bet pour bluffer, mais personnellement je crois que se coucher ou suivre sont de meilleures options, sauf si les stacks sont en dessous de 50 BB.
Si vous êtes loin dans le tournoi, se coucher après un 4-bet n’est pas aussi catastrophique que vous le pensez. »
Voilà. Facile.
Si vous arrivez à oublier votre ego, à faire que la partie ne se transforme pas en une guéguerre testostéronée et à continuer à jouer votre poker de manière intelligente, alors il n’y a pas de quoi s’inquiéter d’un joueur qui semble « dominer » la table.
Il y a moins de brutes que ce que vous croyez
Il y a moins de brutes que ce que vous croyez. Comme le dit Nitsche :
« Aujourd’hui, les joueurs gèrent mieux l’agressivité, donc malheureusement on voit beaucoup moins souvent ce genre de joueurs.
Ou alors ils ne tiennent pas longtemps. À une table complète, impossible d’écraser tout le monde. Sauf si tous les joueurs jouent beaucoup trop serré ! »
Savoir quand pousser la chaise
Vous avez remarqué l’utilisation de « malheureusement » ? Les joueurs du calibre de Nitsche adorent jouer contre des brutes. Réfléchissez-y.
Ne soyez pas une brute. À la place, concentrez-vous pour jouer chaque main de manière optimale, en vous concentrant sur l’aspect mathématique.
Et si vous vous retrouvez face à un tyran, ce qui sera rare, n’hésitez pas à vous coucher.
Oubliez votre ego. Jouez correctement. Votre boulot, c’est d’être patient, de leur tendre la corde et de savoir quand pousser la chaise.