(rendez-vous en fin d'article pour les liens vers tous nos articles pratiques à propos des cotes)
En 2007-2008, la crise économique nous a tous touchés.
Je travaillais dans une entreprise de chemins de fer. Mon boulot, c’était le transport de l’acier. Peu de gens avaient assez d’argent pour une nouvelle voiture.
Alors les effectifs se sont réduits. Mes trains se sont allégés. On l’a vu venir. Toute l’équipe de gestion a été mutée.
On nous a envoyés à l’université de Cranfield pour passer des tests. L’entreprise voulait récompenser les meilleurs avec des postes. Le meilleur des mondes... Et les autres seraient évidemment licenciés.
Quelques semaines après les tests, le directeur général me convoquait.
« Nous avons un problème avec vos scores en maths », m’a-t-il dit, l’air inquiet.
« Ah », ai-je répondu, tout aussi inquiet.
« Vous vous êtes complètement planté. »
Je ne peux pas dire que j’étais aussi surpris que lui. J’avais toujours fait un blocage sur les maths. Leur complexité m’énervait. J’étais un écrivain, un créateur, un rêveur. Les maths n’étaient pas pour moi.
« Mais vous êtes responsable de millions de livres et votre performance est impeccable. Comment y arrivez-vous ? »
« J’utilise une calculatrice. Et quand c’est trop compliqué, je demande à quelqu’un de plus intelligent que moi de m’aider. »
Oublier l’angoisse des maths
Il m’a fait repasser les tests. J’ai réussi, difficilement. Mais j’aurais pu perdre mon boulot, juste à cause d’un blocage.
Des années plus tard, j’ai démissionné pour devenir joueur de poker professionnel. Mais ma compréhension limitée des mathématiques m’empêchait de progresser. Je savais que j’avais besoin d’analyser mon jeu pour progresser.
J’ai pris un coach, et il me demandait pourquoi j’avais pris certaines décisions à certains moments. Je n’avais jamais de réponses satisfaisantes.
À cause de mes difficultés, je ne pouvais gérer l’équité et les cotes de pot qu’avec l’intuition. C’était du hasard. Pile ou face.
Je savais que pour gagner sur le long terme, je devais comprendre comment prendre les bonnes décisions mathématiques quand l’intuition ne suffisait pas.
Mais il y avait un problème. Je regardais bien les cotes de pot et les tableaux d’équité. Je prenais le temps de les mémoriser. Mais je ne retenais rien. Bloqué, encore une fois.
Je sentais l’anxiété monter à chaque fois que je me penchais sur les maths. Les mots sur la page se transformaient en une bouillie anxiogène. Mon esprit rejetait les maths.
Je ne suis jamais devenu joueur de poker professionnel, et ma faiblesse en maths est l’une des raisons à cela.
En cas de blocage mental, il est important d’en comprendre la cause profonde.
Pour moi, cela datait de l’école primaire. J’étais beaucoup trop intimidé pour demander à mon prof de maths d’expliquer les concepts que je ne comprenais pas.
Je voulais avoir l’air cool. Je ne voulais pas qu’on pense que j’étais idiot. Quand j’étais adolescent, être accepté était plus important que comprendre les angles droits. Mon incapacité à comprendre les maths n’était rien de plus qu’une histoire que j’avais créée moi-même pendant mon enfance, puis qui s’était transformée en croyance et en conviction.
Si l’on avait appris les maths à l’école en jouant au poker, peut-être que les choses se seraient passées différemment. Mais ce n’était pas le cas. On apprenait à l’ancienne.
Aujourd’hui, je n’ai plus peur d’avoir l’air idiot ou de demander de l’aide.
« Comprendre les cotes du pot me donne un avantage »
Ma discussion avec le Directeur général m’avait appris quelque chose. Je lui avais en effet dit que je me reposais sur d’autres, plus intelligents que moi, pour comprendre les maths.
C’est quelque chose que je peux faire au poker. Je suis en contact avec les meilleurs joueurs du monde. Alors j’en ai contacté quelques-uns pour leur demander leur avis.
Roberto Romanello est le meilleur joueur gallois en tournois, avec plus de 3,3 millions de dollars de gains en tournois. Il s’est aussi illustré sur le World Poker Tour (WPT) et l’European Poker Tour (EPT) et fait partie des joueurs les plus intuitifs du circuit.
« Les cotes du pot sont cruciales au poker », m’a-t-il dit. « Les comprendre a été très important dans ma carrière. »
« Je vois beaucoup de joueurs faire la même erreur : lorsqu’ils sont short-stack, ils pensent qu’ils peuvent sacrifier une partie de leur tapis en disant qu’ils étaient engagés dans le pot.
C’est toujours un tournant dans leur tournoi, parce que s’ils perdent cette main, la suite du tournoi s’annonce très compliquée. Dans ces circonstances, il est bien plus important de protéger son stack en attendant une excellente opportunité de le doubler au bon moment. »
« Je pense que ma connaissance et ma compréhension des cotes du pot me donnent un avantage quand je suis face à des joueurs qui ont une moins bonne compréhension. Dans ces situations, je suis hyper attentif. »
Le B.A.-BA : La règle de 2 et de 4
Luke "LFMagic" Fields s’est imposé sur le Grosvenor United Kingdom Poker Tour (GUKPT) et est un joueur de poker en ligne professionnel. Pour Fields, c’est grâce au génial (feu) Dave "Devilfish" Ulliott » qu’il a compris l’importance des cotes du pot.
« L’application des cotes du pot dans le poker est très importante pour les débutants », explique Fields. « Ils doivent utiliser tout ce qu’ils peuvent pour mieux comprendre les nuances du poker et compenser leur déficit d’expérience. »
« Quand je repense à mes premiers temps dans le poker, avec les simulations de poker en ligne et les freerolls, c’est dans un DVD de tutoriel du Devilfish avec une mallette de poker que j’ai entendu parler des cotes du pot pour la première fois. »
« Il expliquait l’importance de s’assurer que vous réalisez des investissements "à bon prix" dans les pots en faisant correspondre vos mains à la taille des stacks et aux cotes.
Dans le DVD, il donnait quelques bases mathématiques pour calculer les cotes de pot au flop avec "nombre d’outs multiplié par 4 moins 2", puis au turn avec "nombre d’outs multiplié par 2 plus 2".
C’était simple et basique, mais ça permet de calculer les cotes approximatives et ça m’a énormément aidé. J’en parle souvent à mes amis.
Je jouais beaucoup de cash games en live au début, et le fait d’être capable de calculer les cotes du pot instantanément selon la taille du pot m’a vraiment aidé à progresser et à faire la différence entre un pot rentable ou non.
Maintenant que je me concentre principalement sur des MTT (tournois multi-tables) et des hyper SnG de Pot-Limit Omaha en heads-up et short stack, d’autres éléments entrent en ligne de compte selon le format du tournoi. Mais bien comprendre les cotes du pot reste nécessaire pour n’importe quel joueur de poker. »
Les cotes du pot sont la base du poker, le concept le plus important
Pour Jim Collopy qui s’est illustré aux World Series of Poker (WSOP) et qui compte plus de 1,3 million de dollars de gains en tournoi, les cotes du pot sont tout simplement la base du poker, quel que soit le format de jeu.
« Les cotes de pot influencent chacune des décisions qu’on prend, c’est une base du poker. Leur concept et leur application ont un impact sur chacune des mains des joueurs. »
Paul "Action" Jackson est l’un des joueurs pros les plus populaires du Royaume-Uni et compte 1,5 million de dollars de gains en tournois. Il nous parle lui aussi de cote du pot :
« Les cotes du pot, qu’on appelle souvent équité, sont essentielles. Pour moi, c’est le concept le plus important à comprendre.
Pour peu que vous compreniez le poker, alors comprendre le rapport risque-récompense de certaines décisions est extrêmement important.
Personnellement, je trouvais ça plus facile d’utiliser la règle de 2 et de 4 pour calculer les cotes. En gros, chaque out a 2 % de chance de sortir. Au turn, si vous pensez ne pouvoir gagner qu’en touchant une couleur et que vous avez 9 outs, alors vous avez à peu près 18 % de chances de gagner.
Vous avez donc 82 % de chances de perdre, donc il faut que le risque que vous preniez (la somme que vous devez mettre sur la table) vous rapporte suffisamment (les jetons déjà dans le pot, et ceux que vous pourriez obtenir à la river).
Si vous êtes au flop, alors vous avez deux fois 2 % (turn et river). Mais vous devez anticiper (si vous n’êtes pas déjà à tapis) le montant de la mise au turn, surtout si vous pensez que votre adversaire essaiera de vous dissuader avec une grosse relance.
Les cotes du pot n’ont jamais changé et ne changeront jamais. Si vous lancez une pièce, la probabilité de tomber sur pile ou face ne changera jamais, c’est un calcul simple.
Alors peu importe ce que disent certains, les mathématiques du poker sont pareilles. »
A retenir : Pas besoin d’être très précis
Qu’est-ce que j’ai appris de tout cela ? Mon blocage sur les mathématiques du poker est purement mental.
J’ai la capacité, comme n’importe qui, de calculer les cotes de pot, et apprendre à le faire doit être un effort quotidien si je veux progresser en tant que joueur de poker.
Les applications d’entraînement cérébral et les livres d’exercices de maths sont d’excellents moyens d’y travailler, tout comme l’analyse de vos mains à l’aune des maths.
L’expression « engagé dans le pot » n’a aucun sens s’il n’y a pas de raisonnement mathématique sous-jacent. Ne vous précipitez pas si vous avez moins de 20 grosses blinds.
Pour être un grand joueur de poker, il faut maîtriser parfaitement les bases du jeu, et les cotes du pot en font partie.
Restez simple : Fields et Jackson proposent des méthodes simples pour calculer les cotes. Vous n’avez pas besoin d’être 100 % précis. Un arrondi suffit.
Utilisez votre connaissance et votre compréhension des cotes du pot dans le poker à deux cartes, avant de vous pencher sur des mixed games plus complexes. Les cotes du pot y sont tout autant importantes, surtout dans les jeux en Limit qui sont très mathématiques.
Enfin, et surtout, n’ayez pas peur des maths et des cotes. Vous pouvez apprendre à mettre en œuvre ces méthodes, vous avez simplement besoin de patience, de compréhension et de beaucoup de travail.
Des livres peuvent aussi vous aider, par exemple en français : L'essentiel des probabilités au poker.
Pour approfondir sur les cotes au poker :