L'une des légendes du poker britannique, Dave "Devilfish" Ulliott, est décédé hier d'un cancer du côlon à l'âge de 61 ans.
L'Anglais était l'un des joueurs les plus célèbres du Royaume-Uni, et même l'une des plus grandes figures du poker, que beaucoup d'amateurs de poker Français avaient pu découvrir lors des toutes premières restransmissions du World Poker Tour sur Canal+.
Ulliott était célèbre pour son attitude décontractée, son franc-parler, ses lunettes de soleil orange et bien sûr ses poings américains en or qu'il portait à la table de poker, avec les lettres de son surnom "devilfish" gravées dessus. Un surnom qu'il aura reçu en 1997 tandis qu'il affrontait Men Nguyen en heads-up dans un tournoi des Four Queens Poker Classic à Las Vegas.
Enfant terrible et même voyou durant ses jeunes années (ayant quitté l'école à 15 ans il fut ensuite impliqué dans des affaires de bagarres, braquages de coffres ou cambriolages pour lesquels il aura fait de la prison), l'homme s'était ensuite assagi sous l'influence de sa deuxième femme et en trouvant notamment sa voie dans le poker. Un jeu qui l'aura vu gagner plus de 6,2 millions de dollars sur le circuit des tournois de poker live, incluant des victoires sur le WPT (2003) et aux WSOP (1997) où il aura aussi enregistré 33 places payées.
De bandit à père de famille et champion de poker
Dave Ulliott avait 61 ans, et décède seulement quelques semaines après l'annonce rendue publique de son cancer en phase terminale. La semaine dernière le journal local The Hull Daily Mail publiait justement un article sur sa bataille contre le cancer, diagnostiqué en février.
Ulliott y jurait qu'il allait se battre jusqu'au bout. Il mentionnait également sa grande surprise face à l'énorme soutien qu'il avait reçu de la part de ses amis, sa famille, et de ses fans :
"Il est difficile à croire qu'un gars beau et poli comme moi puisse recevoir de tels retours alors que je suis en train de mourir."
Le natif de Hull vivait à Swanland en Angleterre, avec sa femme Anpaktika. Il avait 8 enfants de différentes liaisons.
C'est sa famille qui a d'ailleurs annoncé la nouvelle de sa disparition sur Twitter :
Unfortunately Dad, Dave 'Devilfish' Ulliott lost his battle with cancer today and died peacefully surrounded by his loved ones. xxx
— David Ulliott (@devilfish2011) April 6, 2015
Depuis de nombreux joueurs de poker ont présenté leurs condoléances. En voici quelques-unes :
We've lost a good friend. Dave Ulliot. A lovely, funny, exceptionally clever man. Bigger than the game, and poker's greatest ever character.
— Barny Boatman (@barnyboatman) April 6, 2015
“@rocher6475: Dave 'Devilfish' Ulliott lost his battle with cancer today" @MikeSexton_WPT sadly true this time” Sad is right. #pokerlegend
— Mike Sexton (@MikeSexton_WPT) April 6, 2015
RIP Devilfish. Talk about an entertaining poker player.
— Shannon Shorr (@ShannonShorr) April 6, 2015
Goodbye Devilfish, you never failed to make laugh. No doubt those up there will enjoy your smoking shoe joke.
— Kirsty Thompson (@Kit78) April 6, 2015
Le Best of de Devilfish
Dave Ulliott était un vrai personnage, effectivement très apprécié. En forme d'hommage voici une petite sélection de vidéos où l'on peut notamment voir son esprit vif, son style éclectique (y compris au niveau de son jeu), son amour pour la musique, et le magnétisme qu'il parvenait toujours à dégager.
Bio Express
(initialement publiée en 2010)
Dans le monde du poker professionnel, David Ulliott est sans doute celui qui aura le plus ressemblé à James Bond : un accent anglais - même si du Yorkshire - , et des arrivées dans les tournois internationaux dans un pimpant costume noir ou smoking, avec les cheveux plaqués en arrière et quelque bijoux en or au poignet.
Peu importe que Bond soit encore un cran au-dessus quand il s'agit des voitures, du danger et des jolies filles : au rang des surnoms, 007 est en tous les cas battu. Ulliott s'est en effet fait connaître sous celui du Devilfish (un poisson venimeux qui peut tuer s'il n'est pas préparé correctement) depuis qu'il a battu Men "The Master" NGuyen dans un tournoi de Las Vegas en 2007.
La route d'Ulliott vers les sommets d'une large communauté de joueurs de poker toujours croissante s'est tracée après des années de pratique et de vie dure. Et Ulliott est assurément l'un des quelques pros de la scène poker à avoir eu une vie qui colle bien à la sordide histoire parfois attribuée au jeu.
David voit le jour le 1er avril 1954 à Hull en Angleterre. Et guère plus tard, il jouait déjà aux cartes. Enfant il s'asseyait pour suivre les parties se déroulant sur la table du salon de ses parents, pendant qu'à l'école il dédiait ses pauses déjeuner à jouer contre d'autres élèves, récoltant leur argent de poche dans l'affaire.
A 16 ans, Ulliott trouve sa voie dans un casino local et commence à jouer au 3-card brag, avant de devenir accro au poker quelques années plus tard.
A cette époque Dave s'était déjà lassé des études depuis un moment, et lâcha finalement l'affaire pour partir travailler (des boulots manuels divers et variés), trempant à côté de ça dans les paris sportifs et les parties de poker.
C'est alors en partie pour subvenir à ses besoins nés de ses habitudes de jeu, qu'Ulliott se lia à un groupe de malfaiteurs braquant les coffre-forts d'entreprises.
Après s'être fait attraper par la police avec l'un de ses collègues, Ulliott fut envoyé en prison pour neuf mois.
Mais il n'en ressortit pas dans la peau d'un homme neuf pour autant. Au cours des années qui suivirent, il fut de nouveau arrêté pour braquage à mains armées et rixes sur la voie publique, se voyant ce coup-ci condamné à un an et demi dans une prison fédérale.
Une fois libéré, Ulliott finit cette fois par se mettre à marcher droit.
Puis il se maria. Le couple ouvrit une boutique de prêts sur gage, qu'ils transformèrent ensuite en une bijouterie.
A côté de ça, Ulliott continuait de gagner de l'argent dans les parties de poker. Ses jours de criminel œuvrèrent d'ailleurs à son avantage le jour où il tomba sur des voleurs voulant le délester de ses gains au poker, l'homme n'ayant pas peur de la bagarre.
Ce n'est donc pas le brigandage qui fit d'Ulliott un homme riche. Il devint en effet tellement bon au poker que personne ne voulait plus de lui dans ses parties ; c'est ainsi qu'il dut se tourner vers le circuit du poker professionnel.
Nous sommes alors au début des années 90. Ulliott commence sa carrière en tournois à deux pas de chez lui, en participant principalement dans des épreuves disputées à Londres. Et bien qu'il lui arrivait occasionnellement de faire le déplacement vers les Etats-Unis, ce ne fut pas avant sa bataille de 1997 contre NGuyen dans le Pot-Limit Omaha Four Queens Poker Classic à 500$ de Las Vegas, qu'il éclata à l'international.
La même année, il participe à ses premiers World Series of Poker, au cours desquelles il décroche un bracelet en or dans l'épreuve de Pot-Limit Hold'em à 2 000 $.
Il parachève son année 1997 avec quelques tables finales réussies dans des tournois aux Etats-Unis, aux Pays-Bas, en France, et au Royaume-Uni. Une présence constante dont il continue de faire montre dans les tournois européens les années d'après, en continuant d'enregistrer des tables finales et en remportant même parfois les épreuves.
Mais Ulliott a aussi connu sa part de crève-cœur au poker. Toujours durant les WSOP, il échoue à la bulle dans l'épreuve de Pot-Limit Hold'em à 3 000 $ en 1998, à celle du No-Limit Hold'em à 2 000 $ en 2000, et à la fois à celles du Pot-Limit Hold'em à 2 000 $ et du Pot-Limit Omaha à 1 500 $ en 2001.
Avec plusieurs victoires en tournois à son actif, Ulliott se lance dans le World Poker Tour No-Limit Hold'em Championship à 10 000 $ en 2003, "empoisonne" la concurrence, et récolte son plus gros gain en tournoi de l'époque en remportant le tournoi, soit un butin de 589 000 $ (il a depuis battu ce chiffre avec une 3ème place dans le Doyle Brunson Five Diamond World Poker Classic de 2007).
A son actif également depuis, une 72ème place dans le Main Event 2004 remporté par Greg Raymer, et plusieurs autres nouvelles places payées et tables finales dans les WSOP chaque année ou presque.
Aujourd'hui Ulliott ne bouge plus guère de sa ville natale de Hull en Angleterre, où il vit avec sa femme et sept enfants. Durant son temps libre il apprécie la musique - à la fois en écouter et en composer en jouant du piano et de la guitare - , ainsi que s'entraîner au combat et au lever de poids.
Mais Ulliott est toujours sacrément présent sur le circuit du poker international et dans les parties d'argent annexes. Il est d'ailleurs bien connu pour son jeu agressif et pour sa capacité aiguisée à lire ses adversaires à la table.
Et bien qu'il soit souvent reconnaissable à ses tenues stylées, ses concurrents n'ont pas besoin de regarder plus loin que ses phalanges pour savoir à qui ils ont affaire : si la main du joueur leur faisant face porte une paire de bagues en or estampillées 'Devil' et 'Fish', ils sauront en effet que les jetons risquent bien d'aller s'empiler de l'autre côté de la table.
Divers et anecdotes
* Marié, sept enfants (de plusieurs unions)
* A passé plus de deux ans en prison après avoir été condamné pour braquages et vols à mains armées
* S'est classé second de quatre épreuves des World Series of Poker, et détenteur d'un bracelet en or
* Sujet de la biographie poker britannique "Swimming with the Devilfish" (Nager avec le Devilfish)
* Son autobiographie est sortie en 2010, sous le titre "The life and times of a poker legend".