Si les études menées sur les joueurs pathologiques sont légion (leur but étant de mieux comprendre les mécanismes de cette addiction afin de proposer une prise en charge efficace), celles menées sur la population générale d’un pays restent rares et les différences entre sexe ne sont quasiment jamais prises en compte. Et pourtant, il semblerait qu’il existe de vraies différences puisque les femmes sont trois fois moins touchées par l’addiction que les hommes.
C’est pourquoi les recherches menées par l’équipe de Céline Bonnaire, maître de conférences à l’Université Paris Descartes et dont les résultats ont été publiés fin 2016, sont importantes car elles traquent ces différences potentielles entre hommes et femmes dans leur relation aux jeux d’argent (dont le poker) et de hasard.
Pour cela, l’investigation s’est basée sur un échantillon représentatif de la population française, des volontaires âgés de 15 à 85 ans, répartis comme suit : 332 joueurs pathologiques (JP) et 25 314 joueurs non-pathologiques ou occasionnels (JNP).
Pour tenter de dégager des facteurs de risques, des données ont été recueillies dans les domaines suivants : socio-démographie, comportement face au jeu, types de jeux pratiqués, consommation de substances, détresse psychologique, IMC (indice de masse corporelle), maladie chronique, manque de sommeil et qualité de vie.
De manière générale et sans surprise, des différences significatives sont apparues entre les JP et les JNP, sur tous ces points : sexe, âge, niveau d’études, métier et statut marital, consommation de substances (alcool, tabac, cannabis, cocaïne et héroïne), détresse psychologique, obésité, manque de sommeil et type de jeu d’argent pratiqué.
Bien que le joueur pathologique type soit plutôt « un homme de moins de 34 ans, célibataire, peu diplômé, sans emploi, avec une plus forte propension à consommer des substances psychoactives et une enfance difficile », il ressort que la propension à jouer chez les femmes âgées de 35 à 64 ans, souvent veuves, est également élevée.
Des différences notables selon certains facteurs
Les points essentiels mis en évidence par cette étude sont les suivants :
1) Le type de jeu d’argent pratiqué : les hommes parient plus aux courses hippiques alors que les femmes jouent davantage aux jeux de grattage. Par ailleurs, les JP sont plus adeptes de la loterie que les JNP.
2) Lorsque le jeu pose problème dans la vie quotidienne, les hommes ont une qualité de vie, une estime de soi ou une santé mentale meilleures que les femmes confrontées aux mêmes problèmes, celles-ci étant plus souvent sujettes à l’anxiété voire à la dépression.
3) La souffrance psychologique est une motivation puissante chez la femme pour opérer un changement dans son quotidien de joueur pathologique.
4) L’effet protecteur du travail contre l’inclinaison au jeu ne semble se manifester que pour les femmes (les joueurs/joueuses à problème sont plus fréquemment sans emploi que la population générale).
5) De manière générale, les traumatismes vécus favoriseraient l’inclinaison vers le jeu pathologique : le décès d’un parent ou un climat de violence pendant l’enfance semblent être des facteurs favorisants chez les hommes. Par ailleurs, des violences sexuelles subies par les hommes ou des violences physiques subies par les femmes ont été repérées dans l’année qui précède le basculement dans le jeu pathologique.
6) L’usage de substances psychoactives (tabac, alcool, cocaïne ou héroïne) est plus répandu parmi les JP que parmi les JNP ; les femmes accros consomment plutôt du tabac alors que les hommes addicts fument plus volontiers du cannabis.
Cette recherche souligne donc l’importance de la prise en compte des différences entre sexe et type de jeu dans l’étude des troubles liés aux jeux d’argent dont le poker. L’identification de facteurs spécifiques dans la relation entre le sexe, le type de jeu et les problèmes liés au jeu devrait ainsi permettre d’améliorer la prise en charge clinique et de mieux cibler les campagnes de prévention des jeux d’argent.
Christine C.
Source : Annals of Clinical Psychiatry
Définition : Jeu pathologique (ou excessif) : Forte addiction compulsive aux jeux d’argent et paris, malgré les conséquences négatives sur la vie quotidienne ou le désir d'arrêter. La dépendance est caractérisée par un état de besoin impérieux (faire une activité ou consommer une substance) et par la nécessité d'en augmenter la fréquence ou la dose afin d'en maintenir l'effet et d'éviter l'état de manque (malaise, angoisse).
A lire aussi : Vanessa Selbst : « Dans notre société, les femmes ne doivent pas avoir l'esprit de compétition »
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Les effets de la Testostérone sur les mises au poker
Une étude parue dans le magazine Nature évoque le rôle de la testostérone chez les joueurs et son influence sur leurs décisions stratégiques.
13/01/16
Le 4 janvier dernier, le prestigieux magazine Nature a publié une étude qui associe le comportement des joueurs autour de la table de poker à un traitement à base de testostérone.
Dirigé par Jack Van Honk, cette expérience s’intitule « Effects of testosterone administration on strategic gambling in poker play » (www.nature.com/articles/srep18096), ce qui a bien sûr attiré l’attention de nombreux joueurs et experts. D’autant que cette étude se focalise particulièrement sur les heads-up et le bluff.
L’étude a inclus vingt jeunes filles volontaires en bonne santé âgées de 19 à 26 ans. Elles ont d’abord reçu 0,5 mg de testostérone puis, une semaine plus tard, une dose de placebo.
« Nous avons choisi de recruter des femmes car les paramètres clés des effets neurophysiologiques de la testostérone (temps, quantité) sont connus chez les femmes mais pas chez les hommes, » expliquent les investigateurs.
L’équipe menée par Van Honk a ainsi découvert « qu’après l’administration de testostérone, les participantes faisaient des bluffs plus facilement exploitables pour leurs adversaires. C’est-à-dire que le bluff était plus fortement corrélé à la valeur de la main et que la quantité de « cold bluff » diminuait. En conclusion, l’administration de testostérone conduisait les joueuses à adopter une stratégie moins rentable. »
L’étude a également montré qu’il devenait plus difficile de réaliser un Bluff en 3-Barrel.
Pourquoi ? C’est très simple. L’étude démontre en effet que l’augmentation des taux de testostérone correspond à un besoin d’améliorer son statut social, de quelque manière que ce soit, peu importe les désavantages. « La testostérone est associée à un égoïsme économique et à des comportements matérialistes, » indique l’introduction de l’étude.
« Nous montrons ici dans quelle mesure l’administration de testostérone réduit de manière significative les bluffs liés au hasard, dits « cold bluffs », tout en augmentant le nombre de calls. Nos données suggèrent que la testostérone provoque la recherche d’un bon statut social, même si celui-ci entraîne des décisions économiques désavantageuses, » conclut l’étude.
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Le genre des adversaires au poker en ligne a t-il une influence ?
Les questions du genre, du féminisme et de la sexualité sont débattues depuis très longtemps dans le monde très masculin du poker. Alors que de plus en plus de femmes se lancent dans le poker, le sujet semble toujours aussi sensible dans le milieu.
04/08/15
La majorité des joueuses affirment préférer jouer avec des hommes, mais les faits sont là : il existe encore un certain nombre d’inégalités entre les joueurs et les joueuses.
Heureusement, les choses sont différentes dans le poker en ligne. On y pratique notamment le « gender swapping », c’est-à-dire le fait de se travestir virtuellement en adoptant un pseudo ou une photo de profil qui suggère qu’on est d’un autre genre que le sien.
L’objectif du gender swapping est d’affecter les prises de décisions de ses adversaires, et si cela vous semble farfelu, sachez que des études sérieuses confirment que cela est pertinent, tant sur un plan sociologique que psychologique.
Des décisions qui dépendent du sexe de votre adversaire ?
Au poker, les joueurs prennent des décisions en se basant sur les informations à leur disposition. Les meilleurs joueurs sont d’ailleurs souvent très bons pour « lire » leurs adversaires, ce qui comprend à la fois leurs cartes, mais aussi leurs réactions et leur comportement.
C’est évidemment beaucoup moins facile au poker en ligne, puisque personne ne peut analyser vos gestes ou votre voix, et qu’en plus vous pouvez changer votre profil pour devenir n’importe qui et piéger vos adversaires.
Une étude menée en 2008 a fait remplir un questionnaire à 200 joueurs. 11% des joueurs hommes déclaraient jouer parfois en se faisant passer pour des femmes. Un chiffre encore plus élevé chez les femmes, puisque 25% déclaraient se faire passer pour des hommes.
Pas de différence
Il est facile d’imaginer que le genre d’un joueur influence les décisions de ses adversaires, mais d’après Victor Sandberg, étudiant de Stockholm, il n’y avait pas vraiment de différence. Ses dernières recherches ont donné une réponse bien différente.
Ses résultats sont basés sur des joueurs (hommes) de Texas Hold’em, il n’a examiné qu’un seul type de situation et de joueur.
Dans le cadre de l’étude, ils devaient choisir de suivre ou de se coucher en se basant sur différents éléments visuels comme la photo de profil de leur adversaire.
Par ailleurs, ils devaient également résoudre des problèmes de poker et évaluer le talent de leur adversaire, uniquement sur la base de leur avatar, sans avoir accès à leur pseudo, leur âge ou leur sexe.
Une fois les données collectées, les résultats se sont avérés plus neutres que prévus.
En effet, il semblait n’y avoir aucune corrélation entre genre et décisions. Cependant, il y avait par contre des différences lorsqu’il était difficile de déterminer le genre du joueur. Dans ces cas-là, les décisions étaient effectivement affectées.
En outre, l’étude a par contre démontré que les éléments visuels jouaient un rôle très important dans la prise de décisions.
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Les joueuses parlent des femmes au poker
Il n'y a aucune raison pour que les femmes soient moins performantes que leurs homologues masculins aux tables de poker : les hommes ont tout simplement été toujours plus nombreux que les femmes sur le circuit professionnel.
06/06/11
Vanessa Selbst, auréolée d'un bracelet WSOP acquis en 2008 et fière de 3,4 millions de dollars de gains en carrière, a ainsi prouvé que les tournois de poker n'étaient pas réservés exclusivement aux hommes.
"Le poker a depuis toujours été une affaire d'hommes et il a fallu du temps avant que les femmes n'intègrent cet univers." - Vanessa Selbst
Aussi, elle remarque que les mentalités évoluent peu à peu : "Je pense que les femmes réussissent mieux que le joueur moyen lors des grands tournois majeurs. Elles sont certes moins nombreuses mais celles qui sont présentes réalisent en général de belles performances. Le poker a depuis toujours été une affaire d'hommes et il a fallu du temps avant que les femmes n'intègrent cet univers. (...)
Évidemment, les joueuses de poker sont au moins aussi douées que les joueurs, et un jour viendra où la gent féminine sera encore mieux représentée aux tables finales."
Liv Boeree, ayant remporté l'EPT San Remo en 2010, est persuadée que ces joueuses, dont Selbst ou elle-même font partie, servent de modèle à une nouvelle génération de stars du poker féminines.
"Les femmes s'améliorent, cela ne fait aucun doute.", affirme Boeree. "Nous observons l'émergence d'un grand nombre de jeunes joueuses au talent comparable aux meilleurs joueurs masculins. Elles offrent un style de jeu à la fois très agressif et très réfléchi, à l'image de Lauren Kling ou Melanie Weisner, deux noms qui nous étaient inconnus voici quelques années. J'imagine que des joueuses réputées telles que Vanessa Selbst jouent un rôle dans cette évolution des mentalités que l'on constate. (...)
De plus, les jeunes femmes sortant aujourd'hui de l'université possèdent un état d'esprit entièrement différent d'il y a 20 ans. Nous sommes encouragées à nous épanouir, à rivaliser et battre les hommes dans tout ce que nous entreprenons."
"Nous observons l'émergence d'un grand nombre de jeunes joueuses au talent comparable aux meilleurs joueurs masculins." - Liv Boeree
Leo Margets était la dernière femme en lice lors du Main Event en 2009. Relativement inexpérimentée avant cette aventure aux WSOP, elle est depuis devenue une joueuse sérieuse et avide d'apprendre. "Je ne suis plus la joueuse que j'ai été", révèle-t'elle "et j'espère pouvoir vous livrer la même réponse dans un ou cinq ans." (...)
J'ai beaucoup étudié et me suis largement améliorée. Je reste consciente de ce besoin constant de progresser au poker. Participer aux tournois majeurs aux quatre coins du monde est comme étudier pour obtenir un diplôme d'une grande école : cela s'avère une expérience qui peut coûter cher. Heureusement mon sponsor subvient à tous mes besoins."
Avec son diplôme bientôt en poche, Leo Margets fait partie d'un groupe sans cesse plus nombreux de joueuses de poker préparées et décidées à connaître le succès aux WSOP 2011.
"On voit à la TV de plus en plus de femmes remporter des tournois majeurs.", ajoute Selbst. "Je pense que c'est une source d'inspiration pour toutes les joueuses arrivant sur la scène du poker."