Les champions des WSOP sont tous différents. Certains disparaissent avec leurs millions, pendant que d’autres essayent de se faire une place sur le circuit. Certains continuent à gagner, d’autres pas.
Quelques-uns arrivent à défendre leur titre avec succès. Certains intègrent l’histoire du poker.
Ils incarnent le changement, des tournants radicaux, ou deviennent des archétypes.
Inarrêtable
Stu Ungar incarnait le génie tragique du joueur professionnel. Après avoir remporté deux Main Events des WSOP consécutifs, il a surtout développé une addiction à la cocaïne qui l’a détruit.
Après avoir sombré dans les paris sportifs et la drogue, Ungar a refait surface en 1997 pour remporter une troisième fois le Main Event. Cette victoire lui a valu le surnom de Comeback Kid, mais c’était plutôt le chant du cygne qu’un véritable retour.
Ungar est mort d’une overdose dans un motel l’année suivante. Il était ruiné.
D’autres champions ont marqué leur époque. Chris Moneymaker, en 2003, a par exemple marqué le début de l’apogée du poker en ligne. Moneymaker était un comptable du Tennessee qui avait réussi à se qualifier pour le Main Event avec seulement 39 $, avant de remporter 2,5 millions de dollars.
Comme un symbole, son adversaire en finale était un joueur old school avec une chemise à moitié déboutonnée et une cigarette pas allumée dans la bouche.
Le poker a explosé. Tout le monde se voyait devenir le prochain Moneymaker.
Il y avait 803 participants au Main Event 2003. Lorsque Jamie Gold s’est imposé en 2006, il y en avait 8 773.
Le poker se développait comme une mauvaise herbe sur laquelle pousseraient des billets verts. Il était inarrêtable. Et en 2006, Jamie Gold l’était aussi.
Jamie Gold, l’inarrêtable aussi
« Je n’ai jamais été à tapis, depuis le Day 1 », analyse Gold. « Je croyais en la victoire, mais ce n’est qu’au Day 4 qu’elle était vraiment concrète.
J’avais tellement d’avance que quelle que soit la table où j’étais, j’avais plus de jetons que toute la table combinée.
Quand tu es chip leader pendant huit jours et que tu n’es jamais sur le fil, tu finis par te dire que tu vas gagner. »
Outre son stack impressionnant, Gold était particulièrement dominateur sur le plan mental. L’agent hollywoodien est arrivé à convaincre les joueurs à se coucher avec les meilleures mains et à suivre avec les pires.
« J’avais de très bonnes cartes, je jouais à mon meilleur niveau et je faisais quelque chose qu’on ne voyait pas encore beaucoup à l’époque. Je parlais beaucoup », explique Gold.
« C’était parfait. »
Cela a en tout cas permis à Gold de remporter le plus gros Main Event de l’histoire : 12 millions de dollars.
Gold a déclaré qu’il était éveillé depuis 24 heures lors de sa victoire et qu’il est resté debout encore 24 heures pour fêter cela avec ses proches.
« On a beaucoup trop bu », raconte-t-il. « Je me souviens que j’étais invité sur CNN le lendemain, encore ivre. Je leur ai demandé de reporter l’interview. »
CNN a insisté pour que l’interview ait lieu, et Gold a réussi à sauver la face.
« C’était clairement l’apogée du poker. »
La descente
Puis les choses sont parties en vrille. Gold a arrêté le poker pour passer du temps avec son père, qui souffrait de sclérose latérale amyotrophique. Il est mort en décembre de cette année-là.
« On savait qu’il était proche de la fin. J’ai passé autant de temps que possible à ses côtés. Je n’avais aucune envie de jouer au poker. »
En plus de cela, Gold a eu des problèmes avec la justice après sa victoire. Crispin Leyser affirmait qu’il avait conclu un accord avec Gold pour la moitié de ses gains, mais Gold refusait de payer. Il l’a poursuivi en justice et les deux hommes ont fini par conclure un accord à l’amiable.
Le poker en ligne aussi a commencé à souffrir après la victoire de Gold. Le Congrès américain a voté l’UIGEA en octobre 2006, ce qui a lancé l’enquête du FBI qui a abouti au Black Friday.
Un procès qui s’est lui aussi conclu à l’amiable, mais pour 731 millions de dollars.
Gold et le poker en ligne ont semblé disparaître des États-Unis. Mais les deux semblent revenir à la vie ces dernières années. Le Nevada, le New Jersey et le Delaware ont légalisé le poker en ligne, une tendance que d’autres États devraient suivre.
Gold : « Je suis bel et bien de retour, et je prends le poker très au sérieux. »
« Ça commence à revenir », estime Gold. « Les gens pensent que le poker est en déclin constant, mais c’est faux. Il y a plus de gens qui participent à des tournois et qui jouent.
On voit moins de poker à la télévision parce qu’il n’y a plus l’argent des sites de poker en ligne. »
Dix ans après sa victoire historique, Gold travaille à revenir sur le devant de la scène. Il a atteint une table finale aux WSOP l’année dernière et a terminé 2è d’un tournoi du WSOP Circuit à Los Angeles au mois de mars.
« Je suis bel et bien de retour, et je prends le poker très au sérieux. Je suis parti il y a six ans, et le poker change tous les ans ou presque.
Je me suis entraîné, j’ai appris avec de très bons jeunes joueurs, comme quand j’ai commencé le poker. »
Et s’il y a bien un aspect qui a changé, c’est la manière dont les joueurs parlent.
Il est désormais impossible de parler de ses mains comme le faisait Gold pour déstabiliser ses adversaires, mais Gold estime qu’il a toujours les armes pour être un redoutable adversaire.
Et comme lui, il estime que c’est un aspect du jeu qui devrait faire son retour.
Il n’y a pas que le poker qui a changé, Gold aussi. Avant 2006, tout ce qu’il voulait c’était gagner le Main Event.
« Mais j’ai réussi du premier coup. »
Alors que reste-t-il à un joueur de poker après cela ?
Héritage et travail caritatif
« Je n’ai jamais été du genre à vouloir gagner autant de tournois que possible », explique Gold.
« J’ai toujours voulu collecter le plus d’argent possible. Pour aider le plus de gens possible. Pour inspirer les gens à changer le monde. »
Gold a organisé et participé à de nombreux tournois de poker caritatifs depuis sa victoire au Main Event. Il travaille toujours dans le marketing publicitaire et utilise aussi le poker pour promouvoir son entreprise.
Gold admet qu’il est impossible de prédire le futur, mais il espère pouvoir jouer plus après sa retraite. Il veut simplement s’améliorer et faire de bonnes performances dans les tournois auxquels il participe.
Mais peu importe les progrès qu’il accomplit, Gold affirme qu’il ne sera jamais au niveau du Jamie Gold de 2006.
« Ça marchait tellement bien pour lui à l’époque que je ne pourrais jamais le battre, même si je joue beaucoup mieux maintenant.
Il était intouchable. C’était incroyable d’arriver à jouer contre les meilleurs joueurs sans avoir de malchance. Parfois, il n’y a rien à faire, certains sont imbattables. Les planètes étaient alignées. »
Certains pensent que le jeu ne reviendra jamais à son âge d’or de 2006, mais cela ne les empêche pas de jouer.
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Biographie complète de Jamie Gold
(initialement publiée en septembre 2010)
De tous les champions du Main Event des World Series of Poker, Jamie Gold est peut-être celui ayant créé le plus de buzz sur ces 40 années d'histoire du tournoi.
Mais plutôt que de s'être retiré sous le soleil couchant tel un cow-boy une fois le film terminé, Gold est resté. Il est apparu aux High Stakes Poker, et a été vu dans Poker After Dark sur NBC. Et bien que lâché par son sponsor, il continue toujours de participer aux épreuves des tournois majeurs sur le circuit du poker live.
Maintenant, la question que tout le monde se pose : est-il un "donk" (un âne) au poker qui a eu beaucoup de chance, comme beaucoup aiment le dire, ou un professionnel de poker tout à fait légitime mais en manque de réussite et injustement critiqué ?
La vérité se situe probablement quelque part entre les deux.
Mais reprenons l'histoire depuis le début.
Producteur télé basé à Los Angeles, Jamie Gold commende à jouer aux cartes en famille, avec sa mère joueuse de poker et son grand-père alors champion de gin rummy.
Après avoir obtenu son Bachelor's degree à l'Université de New-York à Albany, avec mention, Jamie déménage en Californie en 1991 pour y étudier le droit du spectacle à l'UCLA. En ayant acquis une bonne expérience du côté de la J. Michael Bloom & Associates Talent Agency à New-York à l'âge de 16 ans, Jamie trouve immédiatement du travail à Los Angeles en tant qu'agent de stars, avant d'être employé par plusieurs agences de célébrités au fil des ans.
A seulement 21 ans, Gold est bientôt connu comme le plus jeune agent franchisé du secteur. Il co-fonde une agence en 1994, puis lance sa propre société en 1996, JMG Management.
Célèbre à Hollywood pour la découverte de nouveaux talents et pour avoir lancé les carrières d'artistes prometteurs, Gold a travaillé avec les acteurs James Gandolfini (Les Sopranos), Felicity Huffman (Desperate Housewives), Jimmy Fallon (Saturday Night Live), Lucy Liu (Charlie's Angels) et Kristin Davis (Sex and the City).
Gold quitte pourtant sa carrière de manager de stars et commença à travailler comme producteur de télévision à temps plein. JMG, sa petite compagnie avait notamment un grand nombre de projets dans les cartons. Parmi ceux-ci un show poker avec en vedette le Champion des WSOP 2003 Chris Moneymaker et le détenteur de 10 bracelets Johnny Chan. Ce dernier était devenu tuteur et ami de Gold lors de sa victoire en 2006, et le mythique champion aura même sabré le champagne avec la mère de Jamie.
2006. Jamie participe à cette épreuve du Main Event des World Series of Poker en tant que membre de l'équipe de célébrités de Bodog, aux côtés des acteurs Mekhi Phifer (Urgences) et Dean Cain (Lois et Clark). Inarrêtable aux tables durant le tournoi, Gold laisse ses célèbres partenaires sur le carreau, surpassant joueur après joueur avant de finir par atteindre la table finale.
Gold domine véritablement les quatre dernières heures de jeu, en augmentant continuellement son tas de jetons aux dépens de plusieurs joueurs chevronnés, et en jouant du poids de son gros stack comme si tout était finalement naturel pour lui.
Personne n'allait pouvoir stopper Gold, pas même le respecté Allen Cunningham, l'un des sept joueurs de cette table finale dont Gold finit par s'occuper lui-même.
Et voila que Jamie Gold devint le Champion du Monde de poker.
Lendemains qui déchantent
Dans le sillage de sa victoire, Jamie signe un contrat de production et de sponsoring de deux ans avec son sponsor de ces WSOP 2006, Bodog. L'accord portait sur le financement de ses droits d'entrée des tournois, des apparitions promotionnelles, ainsi qu'un marché de production télévisuelle à 1 million de $. En sus, Jamie devait proposer sa propre table sur Bodog, où il devait régulièrement venir jouer avec les joueurs de la salle.
Le deal ne dura cependant pas, puisque Bodog Poker laissa tomber Gold en janvier 2007.
Toujours dans la continuité de sa victoire, les ennuis continuent : son compère joueur Crispin Leyser le met en procès, réclamant la moitié des gains de Gold. Harrah's gela même son paiement entier jusqu'à ce que l'affaire soit résolue.
Leyser prétendait que Gold était d'accord pour lui donner la moitié de l'argent s'il obtenait l'accord de célébrités pour revêtir la panoplie Bodog. Gold finit par accepter de payer, mais certainement pas la moitié réclamée.
Cette affaire ne contribua guère à redorer son image déjà quelque peu pernicieuse, à la fois à la table et en dehors, ni à faire oublier le grand nombre de résultats médiocres enregistrés dans tous les tournois qu'il aura joué depuis les WSOP.
Ceci étant, une fois le procès terminé deux ans plus tard, Gold faisait toujours partie des meubles sur le circuit poker.
Dans sa première interview accordée après ces évènements, Gold clama que le malentendu aura été facile à résoudre dès lors que les deux hommes se seront assis ensemble pour en discuter. Il dit cependant aussi que l'accord ne lui permettait pas de révéler les détails.
Dans la même interview, Gold aborda également la question des quelques entorses à l'étiquette dont il a été l'auteur durant les WSOP, un comportement qui avait aussi contribué à l'opprobre lancé sur sa personne par quelques-uns de ses collègues pros. Gold avait notamment "flashé" (dévoilé) la carte d'un adversaire durant une main, ou encore dit à un ami ce qu'il avait pour ne pas l'éliminer.
Jamie s'excusa et demanda aux gens de lui pardonner.
Ainsi va l'histoire de Jamie Gold, et celle-ci n'est pas terminée.
Malgré ses piètres résultats d'après WSOP, quelques signes indiquent dans son passé que l'homme possède tout de même quelques qualités au poker.
Avant sa victoire du Main Event, Gold avait déjà joué 40 heures durant aux Commerce, Bicycle et Hustler Casinos près de Los Angeles, sans avoir jamais fait de compétition en ligne à côté de cela.
Auto-proclamé accro aux livres de poker, Gold a aiguisé ses compétences durant plusieurs années dans des parties à hauts enjeux, et s'est placé dans un grand nombre de tournois de la zone de Los Angeles, dont le tournoi Bicycle Casino's Stars and Stripes en 2006 où il remporta la première place et 60 000 $.
Hormis les 12 millions de $ de sa première place aux WSOP 2006, Gold a aussi à son actif un certain nombre d'autres bonnes places payées, telle qu'une 5ème place dans l'épreuve de No-Limit Hold'em à 300$ de 2006 au Winnin' o' the Green du Bicycle Casino ; une 7ème place dans l'épreuve de No-Limit Hold'em à 100$ au Larry Flynt's Grand Slam of Poker IV du Hustler Casino en 2005 ; et une 8ème place dans l'épreuve de No-Limit Hold'em à 500$ du Neuvième Championnat National de Poker au Hollywood Park Casino en 2005.
Trois places payées en 2007, une en 2010, puis enfin une nouvelle en 2015 (5è d'une épreuve à 2155 joueurs) sont en outre venues s'ajouter à son palmarès des World Series, ainsi que quelques autres bons résultats plus mineurs sur la période.
Alors qui sait ? Il y a peut-être vraiment du talent en Gold après tout.
Divers et anecdotes
* A contribué au lacement de la carrière de plusieurs célébrités du cinéma et de la télévision.
* A étudié le droit du spectacle à l'UCLA.
* Ancien (?) voisin de Chris Ferguson.
* A eu Johnny Chan pour mentor.
* Mais surtout... A gagné 12 millions de dollars et le titre de Champion du Monde du Main Event aux World Series of Poker 2006.