Ce n’est qu’une question de temps avant que Ben « 1don’tStop1 » Heath ne remporte de grands tournois.
Avec une victoire dans un side event de l’European Poker Tour (EPT), une table finale aux World Series of Poker (WSOP), de multiples places payées dans des tournois high-roller à 25 000 € et un ami comme Charlie Carrel, le jeune Britannique se constitue une impressionnante liste de résultats ces dernières années.
Il a beaucoup investi, à la table et en dehors, pour sublimer son jeu, et il est fermement convaincu que la meilleure façon de progresser est de s’inspirer de quelqu’un.
Si tu devais donner des conseils à un débutant pour bien apprendre le poker, qu’est-ce que tu les encouragerais à faire ?
Les choses sont très différentes aujourd’hui. Selon moi, beaucoup de gens ne savent pas par où commencer.
Avant, il suffisait bien maîtriser le jeu ABC pour gagner beaucoup d’argent. Aujourd’hui, ce n’est pas si simple.
Les gens devraient apprendre à conceptualiser le jeu plutôt que de faire des scénarios spécifiques.
Se faire coacher par un joueur ou trouver un bon groupe avec qui parler des mains et progresser, c’est mon conseil.
Quelles sont les valeurs essentielles d’un joueur de poker, et pourquoi ?
Je pense qu’on sous-estime l’amour du jeu. Les gens se lancent dans le poker pour l’argent et ont du mal à rester au plus haut niveau.
Les meilleurs joueurs passent tellement de temps à penser, parler, jouer au poker... C’est difficile de s’investir autant si la seule motivation est extérieure au poker, comme l’argent.
Si ce qui vous motive c’est le désir d’apprendre et de progresser dans un jeu que vous aimez, vous avez beaucoup plus de chances de continuer à travailler.
Et puis il y a la discipline. Je vois beaucoup de joueurs qui trempent dans d’autres jeux de casino, ou qui jouent au-delà de leur bankroll et se retrouvent sur la paille. C’est difficile de garder les pieds sur terre parfois.
Que vois-tu lorsque tu regardes le monde du poker actuel ?
Je vois beaucoup de gens qui gagnent beaucoup d’argent en faisant quelque chose de relativement facile, par rapport à beaucoup d’autres emplois. Ce qui ne veut pas dire que les joueurs de poker ne travaillent pas dur.
En ce moment, les gens se plaignent beaucoup que le poker était mieux avant et regrettent de n’avoir pas pu jouer plus « à l’époque ».
Honnêtement, je pense qu’on pourra sûrement dire la même chose dans cinq ans, alors pour éviter ce genre de considérations, je joue autant que je le peux maintenant.
Quelles variantes conseillerais-tu à un débutant, et pourquoi ?
Honnêtement, je pense que ça dépend des gens et de ce qu’ils attendent du poker. Personnellement, je pense qu’on peut commencer par n’importe quelle variante tant qu’on s’y prend correctement.
Ce que je veux dire, surtout, c’est qu’il faut persévérer, jusqu’à être en pleine confiance, avant de se lancer dans un autre jeu.
Est-ce que tu as des conseils pour gérer sa bankroll ?
Je ne suis pas d’accord avec ce qu’on entend habituellement en termes de gestion de bankroll ».
Quand quelqu’un apprend le poker, je pense en effet qu’il faut se tenir aux recommandations de 100 buy-ins.
Mais dans certaines situations, il est conseillé de prendre plus de risques, jusqu’à 20 buy-ins pour un tournoi, selon votre jeu et votre situation en dehors du poker.
Et au niveau de l’emploi du temps ?
Mon conseil, c’est de commencer par des sessions relativement courtes, de 3 ou 4 heures, avec 1 à 2 heures ensuite pour analyser.
Les débutants font toujours les mêmes erreurs : ils veulent tellement jouer qu’ils oublient qu’il faut aussi beaucoup apprendre pour devenir un bon joueur.
L’apprentissage doit être autant la priorité que le jeu.
Quelles sont les trois plus grandes erreurs que tu as faites quand tu as commencé à jouer ?
Quand j’ai commencé, ma plus grande erreur a été de vouloir tout faire moi-même.
Je ne suis pas aussi talentueux que certains joueurs, et ce n’est qu’en apprenant des autres et en travaillant dur que j’ai commencé à progresser.
Une autre, c’était la peur. J’avais tellement peur de perdre de l’argent que lorsque ça arrivait ça me hantait pendant des jours.
Pour gravir les échelons et devenir l’un des meilleurs, il faut évidemment être conscient de l’argent qui est en jeu, mais il faut avoir une attitude neutre et ne se concentrer que sur les bonnes décisions.
Et la dernière, celle avec laquelle j’ai encore du mal aujourd’hui, c’est la gestion du temps. Les joueurs de poker sont flexibles, il est facile de se laisser aller et de ne jouer que 20-30 heures au lieu de 50-60.
C’est un problème auquel beaucoup de joueurs font face, et je pense que c’est ce qui distingue les meilleurs joueurs des autres.
Je sais que tu estimes devoir beaucoup à Charlie Carrel. Est-ce que tu peux expliquer à un débutant comment un tel partenariat peut aider à progresser ?
Même si on est aujourd’hui beaucoup plus proches, au début c’était une relation prof/élève.
Je ne peux qu’insister sur l’importance de vivre avec quelqu’un qui a déjà vécu l’aventure dans laquelle vous vous lancez.
Quand on voyage ensemble, on parle constamment de mains et de stratégie.
Avoir quelqu’un avec qui communiquer ainsi est le meilleur moyen d’apprendre selon moi, c’est comme ça que je passe le plus clair de mon temps.
Charlie passe énormément de temps à réfléchir, et il m’apporte souvent de nouvelles approches.
Quel est ton point fort ?
Tout le travail que je fais quand je ne joue pas. Je travaille beaucoup l’aspect mathématique pour des choses que les gens oublient souvent, et je pense que ça paye.
J’ai écrit un mémoire sur la théorie du jeu, avec une partie dédiée à la gestion de bankroll. J’y ai abordé quelques concepts qui m’aident toujours beaucoup.
Si tu avais 10 000 heures à passer dans l’apprentissage de n’importe quel sujet, qu’est-ce que ce serait ?
En ce moment, ce serait l’aspect psychologique de certaines situations au poker.
C’est tellement intéressant de voir comment les gens abordent certaines situations, comment ils réagissent à des changements mineurs dans la manière dont les gens jouent contre eux, où dont les gens sont habillés ou s’adressent à eux.
La grande majorité des joueurs n’a aucune idée de la manière dont ils pensent, et personnellement je pense que notre attitude à table peut influencer énormément ces habitudes.
Savoir comment certaines personnes réagiront à certains changements serait un avantage énorme pour contrôler le résultat.
Crédits photos : Melissa Haereiti, Jayne Furman.