Anthony Zinno a du mal à se souvenir de toutes les tables finales auxquelles il a participé cet été.
Il faut dire qu’il a atteint la table finale de tous les tournois dans lesquels il a été payé, en plus d’avoir décroché son tout premier bracelet WSOP il y a quelques jours.
Un bracelet qu’il a remporté après s’être défait des 174 autres joueurs de l'Event 60 de Pot-Limit Omaha High Roller à 25 000 $, s'adjugeant du même coup 1,1 million de dollars.
Et bien qu’il garantisse que c’est un moment qu’il n’oubliera jamais, difficile d’en être sûr étant donné qu’il a déjà oublié avoir participé à la table finale du One Drop High Roller à 111 111 $ quelques jours plus tôt (7e pour 565 864 $).
Pour beaucoup de joueurs, ce genre de performance constituerait un souvenir impérissable, mais ce n’est qu’un résultat parmi d’autres dans l’incroyable série de Zinno.
L'Américain a déjà atteint cinq tables finales cet été, compte plus de 5 millions de dollars de gains en tournois, est Joueur de l'année du World Poker Tour, et est actuellement 2e du classement du Joueur de l’année des WSOP, juste derrière Mike Gorodinsky.
Nous avions d'ailleurs vu le vent venir (voir plus bas).
Nous avons retrouvé Zinno pendant le H.O.R.S.E. Championship à 10 000 $, un tournoi dans lequel il s’est précipité juste après sa victoire lors du PLO (mais où il n'aura pour une fois pas terminé dans l'argent - cela arrive même aux meilleurs !).
Tout le monde se demande comment tu fais pour être aussi performant. Quel est ton secret ?
Je prends le poker très, très au sérieux. Je fais tout pour être toujours au meilleur de mon jeu : je dors suffisamment, je ne sors pas, je mange bien, je reste concentré et je réduis le nombre d’erreurs au maximum.
À chaque erreur, je me mets une claque : « Ok, tu ne joues pas correctement, rectifie le tir. »
Je suis là, je fais ce que j’aime, c’est mon truc. Comme le disait mon grand-père, quel que soit ce que tu fais, sois le meilleur. Si tu ne fais pas de ton mieux, tu perds ton temps. Je veux toujours donner mon maximum.
Si je sors le soir et que j’ai la gueule de bois le lendemain, je sais que mon cerveau ne fonctionne pas à 100 %.
J’ai aussi commencé à participer à énormément de tournois ces dernières années. La majorité des tournois auxquels j’ai participé ont été ces dernières années.
Plus de volume, plus de résultats. Et puis il faut dire que j’ai eu beaucoup de réussite.
Mathématiquement, sur un été, peu importe à quel point tu joues bien et tu es préparé, tu ne peux jamais anticiper cinq tables finales. J’aurais déjà été heureux d’atteindre une ou deux tables finales et de rentrer dans mes frais, voire gagner un peu d’argent. Statistiquement, c’est déjà difficile d’en arriver là.
Mais voilà, cet été est tout simplement incroyable.
Estimes-tu être à ton meilleur niveau ?
Oui, je n’ai jamais aussi bien joué qu’en ce moment.
Dans les plus petits tournois de midi, je joue de manière plus risquée, avec plus de variance, parce qu’il y a toujours quelque chose d’intéressant à 16h.
Cela ne signifie pas que je ne joue pas bien, mais que je prends forcément plus de risques.
Dans cette situation, il faut gagner beaucoup de jetons rapidement. Pour l’instant, ça n’a pas encore très bien marché pour moi, je crois que toutes mes tables finales ont eu lieu dans des tournois de 16h.
Les structures sont meilleures. Meilleure est la structure, plus c’est bon pour moi.
L’année dernière, on n’avait pas assez de jetons au départ. Au moindre bad beat dans les premières heures, c’était fini.
Cette année c’est beaucoup mieux, d’autant qu’il y a énormément de tournois.
Bravo aux WSOP d’avoir su améliorer leurs structures comme cela !
Le fait que tu aies disputé énormément de tables finales sans remporter de tournoi a-t-il beaucoup pesé lors du PLO ?
La table finale du One Drop était particulièrement décourageante : j’ai très bien joué, je me suis battu, et j’ai fini par miser mon stack avec as-roi face à Josh Duhamel et son as-dame.
Bon voilà, il a touché une dame.
Après cela, je suis directement parti au tournoi que j’ai fini par remporter. Après m’être inscrit en retard !
J’ai débarqué, assez déterminé, en me disant que c’était du PLO, que de toute façon j’allais m’amuser, que tous les bons joueurs étaient là et que j’allais faire de mon mieux.
Je m’en suis assez bien tiré le premier jour, et le deuxième a dépassé toutes mes attentes. Une fois en tête, j’ai juste déroulé. J’ai beaucoup d’expérience en deepstack en PLO, j’ai surtout passé le deuxième jour à contrôler la table.
D’ici la fin du deuxième jour, j’étais capitaine de la table, et pendant le Day 3 j’ai encore bien avancé.
Statistiquement parlant, le fait d’avoir une avance assez importante sur les 12 autres joueurs à l’aube du Day 3, alors qu’il n’y a plus d’antes et que la variance est plus facile à maîtriser, me donnait un véritable avantage en vue de la victoire.
Une fois à la table finale, j’ai géré mon avance, avant de l’accentuer encore alors qu’il ne restait plus que 3 joueurs. J’étais à 8 millions, contre 2,5 millions pour chacun des deux autres joueurs. À ce moment-là, j’étais quasi sûr de gagner.
Je suis quelqu’un de très mathématique, ce n’est pas une question d’ambition ou de motivation, juste des maths.
Une telle avance, il faut l’utiliser correctement pour gagner.
« Statistiquement parlant », une mauvaise série ne devrait-elle pas tarder à arriver ?
Pour l’instant je suis 2è du classement du Joueur de l’année des WSOP, donc je vais continuer à participer à autant de tournois que possible. Prendre les mains les unes après les autres, les tournois les uns après les autres.
Il ne faut jamais laisser le passé influencer le futur, il faut au contraire l’ignorer.
Il n’y a pas de mauvaise « série ». Il peut y avoir une mauvaise performance, mais il n’y a pas de raison que cela dure.
Je suis toujours confiant et je veux continuer à jouer à mon meilleur niveau pour, je l’espère, atteindre de bons résultats.
Rien de ce qui est arrivé jusqu’à présent n’influence ma façon de jouer.
Je joue bien et je suis heureux d’être encore dans la course pour le titre de Joueur de l’année.
Il nous a même semblé que tu participé au tournoi en ligne (l'Event 64 disputé sur WSOP.com) pendant un Event. Comment cela s’est-t-il passé ?
J’ai essayé de bluffer, ça n’a pas marché et je me suis fait sortir.
J’essayais de jouer pendant le tournoi de H.O.R.S.E., du coup je n’étais évidemment pas aussi performant que j’aurais dû l’être.
Ça m’embête un peu, mais bon c’était assez sympa. C’était la première fois que je testais ce logiciel, c’était assez facile et intuitif.
J’ai été impressionné.
Beaucoup de joueurs en ligne ont également l’esprit très mathématique, penses-tu qu’ils ont parfois du mal à passer au poker live ?
Oui, je pense que c’est compliqué.
Je ne tiens pas à donner de noms, mais j’ai joué contre quelques très bons joueurs de poker en ligne, et j’ai senti leur inconfort tout au long du tournoi, moi qui suis très intuitif.
Je peux souvent repérer certains de leurs tells. C’est normal, ça fait partie du jeu.
C’est ça qui est beau avec le poker : il ne s’agit pas d’une seule compétence, mais de tout un ensemble de compétences à maîtriser.
Du psychologique à la patience, en passant par les mathématiques et la préparation...
Il faut maîtriser tout ça pour devenir... comme Phil Hellmuth.
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Anthony Zinno nouveau recordman du WPT
(06/03/15)
L'Américain Anthony Zinno est rentré dans le livre des records du World Poker Tour, en décrochant à Los Angeles son 3ème titre du WPT, le 2ème consécutif.
En ayant remporté cette nuit le titre du L.A. Poker Classic, il rejoint en fait deux cercles très fermés :
- Celui des triples vainqueurs (au minimum) d'un titre WPT avec Carlos Mortensen (2004, 2007, 2010) et Gus Hansen, recordman en la matière (2002, 2003, 2003, et 2004 si l'on compte le WPT Bad Boys Invitational à 6 joueurs).
- Celui des deux seuls autres joueurs à être parvenus à remporter deux étapes du WPT consécutives, après l'Allemand Marvin Rettenmaier en 2012, et l'Américain Darren Elias en 2014, un réel exploit.
Zinno aura donc fait fort en ce début d'année. Moins de trois semaines après être sorti victorieux d'un parterre de 419 joueurs au WPT de Fallsview au Canada, il aura cette fois dominé 537 autres joueurs pour inscrire une troisième fois son nom au palmarès du célèbre tour.
Et la tâche n'aura pas été simple jusqu'en table finale, puisqu'il aura notamment dû se défaire de son compatriote Chris Klodnicki (3è) et du Canadien Mike Leah en heads-up.
6 mois de rêve sur le World Poker Tour
Tandis qu'il n'aura jamais réellement été positionné parmi les plus gros tapis (et sera même tombé à 7 blindes à 4 joueurs restants), Zinno aura profité d'un coin-flip décisif à trois joueurs restants face à ce même Leah (7-7 contre A-10) pour prendre l'avantage. Le heads-up contre ce dernier aura en revanche été expéditif et n'aura duré que 12 mains. Et pour gagner de la plus belle des manière, Zinno aura scellé la main finale avec une jolie paire d'as s'il vous plaît.
Sa victoire lui rapporte en outre un joli prix d'un peu plus d'1 million de dollars, portant ses gains en carrière en tournois live à près de 2,9 millions de dollars.
Zinno connaît une année très prolifique sur le circuit du World Poker Tour depuis 6 mois, avec pas moins de 7 places payées sur la saison (dont 2 victoires donc), un autre record partagé celui-ci avec Byron Kaverman, pour une somme d'1,4 million $. Son palmarès affiche désormais (et notamment) 10 places payées WPT, 3 titres (en y ajoutant celui remporté au Borgata Open d'Atlantic City devant 1188 adversaires en 2013), et encore 7 places payées aux WSOP.
Parmi les autres joueurs notables dans l'argent de ce WPT L.A. Poker Classic on retrouve David Sands (14è), Greg Mueller (19è), Eddy Sabat (21è), Shawn Buchanan (25è), Niall Farrell (29è), Scott Seiver (32è), Daniel Negreanu (35è), Erik Seidel (42è), ou encore Darren Elias dont nous parlions plus haut (46è).
Résultats table finale WPT L.A. Poker Classic 2015
1- Anthony Zinno (USA) - 1 015 860$ - dont entrée pour le WPT World Championship
2- Mike Leah (Canada) - 701 350$
3- Chris Klodnicki (USA) - 451 090$
4- Igor Yaroshevskyy (Ukraine) - 333 680$
5- Peter Neff (USA) - 250 260$
6- Peter Tran (USA) - 200 860$
Mise à jour du 16 mars : Anthony Zinno semble ne pas vouloir s'en arrêter là et son incroyable série se poursuit : après avoir échoué dans le Main Event (remporté par Taylor Paur), il vient également de remporter le tournoi High Roller à 25.000$ du WPT Bay 101 (à 20 joueurs) devant Paul Volpe (pour 197.758$ après deal).
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Interview du 28 mai (par Lee Davy) :
Anthony Zinno : un boulet de canon aux WSOP ?
Les World Series of Poker 2015 viennent de démarrer, et comme toujours quelques joueurs arrivent pour le grand buffet annuel du poker chargés de bons résultats.
Personne ne répond à cette description mieux que Anthony Zinno, qui a notamment remporté deux titres WPT d’affilée un peu plus tôt cette année.
Anthony Zinno est l’un des trois joueurs à avoir remporté trois Main Events sur le World Poker Tour (ou WPT). Et si on devait choisir un favori pour qui sera le premier à en remporter quatre, on miserait bien sur lui.
Joueur de l’année de la Saison XIII du WPT, il termine une tournée en Europe avant un retour à Vegas pour le début des WSOP 2015. Nous l'avons tout récemment retrouvé lors du WPT Amsterdam au Holland Casino.
Tu es devenu l’un des joueurs live les plus incontournables du circuit, une ascension foudroyante. Qu’est-ce que ça fait ?
Tout est arrivé très vite. J’ai beaucoup grindé dans des cash games en high stakes sans qu’on me remarque, donc je suis à l’aise à ces mises là depuis un certain temps.
C’est très intéressant d’ailleurs, parce qu’en Europe on me connaît encore très peu. Je suis loin d’un Gus Hansen par exemple. Tout ça change la manière dont je dois m’adapter à la table.
Il faut toujours être conscient de ton image lorsque tu joues, constamment. La transition s’est super bien passé je dois dire.
Je suis assez connu dans le monde du poker et je participe à tous ces étapes du WPT. J’ai bien l’intention de continuer jusqu’à ce que je gagne mon quatrième titre.
Nous vivons dans un monde où la célébrité écrase tout, et le poker n’y fait pas exception.
C’est d’autant plus vrai depuis l’avènement de Twitter. Ce qui est intéressant avec Twitter, c’est que c’est un moyen de nourrir perpétuellement l’ego.
Tout le monde veut plus de followers. Qui veut être un « suiveur » ? Les célébrités n’ont jamais eu autant d’impact sur leur public.
Ils peuvent tweeter n’importe quoi et des centaines de milliers de personnes y ont accès instantanément. C’est beaucoup de pouvoir.
Le concept même de célébrité m’a toujours fasciné. C’est fou de se dire que Leonardo DiCaprio, par exemple, est plus connu que le Président des États-Unis.
Le poker aussi a ses célébrités. Regarde Phil Ivey, à chaque fois que je le vois, je me dis « wow ». C’est une dynamique intéressante.
Estimes-tu faire partie des célébrités du monde du poker ?
Ah non, non, non... Je n’aime pas être le centre de l’attention. Je suis quelqu’un de très réservé.
Je suis fier de ce que j’accomplis et j’apprécie les éloges, mais quand je suis à la table de poker, je suis juste moi-même.
J’aime parler aux gens, leur donner des conseils et me conduire de la même façon qu’avant tout ces succès.
Comment est-ce que tes amis et ta famille gèrent cette transition ?
Ils se débrouillent très bien. Bien sûr, chaque joueur gère ça à sa manière. Certains ont besoin d’être constamment rassurés par leur famille quant à leur choix de carrière.
Les choses se sont passées différemment pour moi. Lorsque j’ai fini mes études de Droit et que je me suis mis au poker, ma famille l’a très bien pris. Ils savaient que je ne suis pas du genre à devenir accro.
Ils savaient que je suis du genre à prendre de bonnes décisions. Ils s’attendaient à ce que je réussisse. Je sais que ça paraît fou, mais c’est comme ça qu’ils voyaient les choses.
Ils ont compris que quelle que soit ma voie, je ne m’arrêterais pas avant d’être au top.
J’ai toujours tout donné, que ce soit au lycée ou à l’université. C’est pareil dans le poker.
Mon entourage m’a toujours soutenu et m’ont toujours traité de la même manière.
Tu dis ne pas être du genre à « devenir accro ». Pourquoi selon toi ?
J’étais un vrai nerd quand j’étais ado, donc je n’ai jamais beaucoup fait la fête ou bu d’alcool. Je suis plutôt du genre rat de bibliothèque.
Il faut croire que je ne suis pas du genre bad boy. Pour certains, c’est dans leur gènes. Ils ont besoin de l’adrénaline.
Je trouve ça incroyable. Il y a des gens que je respecte énormément et qui ont ce besoin perpétuel d’adrénaline.
Ils parient sur tout, ne posent jamais leur téléphone, et ils faut qu’ils fassent toujours attention. Ce n’est pas naturel.
Dans nos milliers d’années d’évolution génétique, jamais nous n’avons eu autant de choses à l’esprit constamment.
Si nos ancêtres avaient un problème, ils le résolvaient puis passaient à autre chose. Nous ne sommes pas fait pour être tout le temps à 100 à l’heure comme ça.
Mais certains aiment ça, manifestement. Je trouve ça absolument fascinant.