Jeff Sarwer, joueur de poker et ancien petit prodige des échecs, vient de terminer troisième du tournoi de poker Kings of Tallinn le week-end dernier. Cependant, il a un objectif bien plus prestigieux en tête : le titre de Grand Maître dans le jeu qui fut sa première passion, à l’époque où il jouait encore avec des dinosaures en plastique.
Cet ancien petit prodige devenu joueur professionnel de poker a évoqué avec notre confrère de PokerListings Finlande Tuomo Järvelä ses premières amours.
“Je vais tâter un peu le terrain avant de vraiment annoncer que je me lance pour devenir Grand Maître, mais je ne pense pas que beaucoup de gens de mon âge puissent décider de se lancer dans les échecs et dire qu’ils veulent devenir Grands Maîtres.
Alors si je pouvais y arriver, et c’est un gros “si”, ça serait vraiment bien. C’est une page de mon enfance que je n’ai jamais vraiment tournée.
Je n’ai pas l’ambition de devenir champion du monde ou quoi que ce soit. Mais si je peux devenir Grand Maître à la trentaine alors que je n’en ai pas fait depuis mon enfance, ça serait bien. Pour moi, personnellement.”
Champion du monde à 8 ans
Sarwer a une histoire pour le moins originale. Eduqués à la maison par son père, Sarwer et sa soeur ont parcouru toute l’Amérique du Nord et le monde lorsqu’on a découvert son talent pour les échecs.
A 4 ans, il apprend à jouer. A 6, il devient membre à vie du club d’échecs de Manhattan à New York. A 8 ans, il est champion du monde.
“A neuf ans, Jeff est plus fort que ne l’était Bobby (Fischer) à 11 ans,” déclarait alors Allen Kaufman, président de la Fondation Américaine des Echecs.
“J’ai commencé les échecs en jouant avec des petits dinosaures en plastique quand j’étais tout petit,” nous explique Sarwer. “Je les alignais pour imiter les pièces des échecs.”
“Beaucoup de gens commencent à s’intéresser aux échecs pour l’aspect mathématique, moi c’était purement esthétique... Très superficiel tout ça, mais j’adorais ces pièces et c’est ce qui m’a fait aimé les échecs.”
Alors que sa situation familiale devenait de plus en plus complexe, Sarwer s’est peu à peu détourné des échecs en grandissant. Aujourd’hui, la trentaine largement entamée, Sarwer a envie de revisiter ses premières amours.
“Le poker c’est pour gagner de l’argent”
Comme beaucoup de joeurs-nés, Sarwer s’est tourné vers le poker parce que c’est là que se trouvait l’argent.
“Vous pouvez poser la question à tous les joueurs, ils finissent toujours par passer par le poker. Que ce soit Magic: the Gathering, Starcraft ou les échecs, on passe tous par le poker parce que c’est un jeu où on peut gagner de l’argent. Mais j'ai aussi fini par aimer ce jeu.”
Sarwer a remporté 16 470 € grâce à sa troisième place du week-end dernier à Tallinn.
Jeff Sarwer et les joueurs d'échecs au poker
Les joueurs d'échecs sont à suivre particulièrement aux tables de poker, et notamment aux WSOP.
(article précédemment publié en juin 2011)
Cette année, deux joueuses d'échecs de niveau mondial se sont distinguées au World Poker Tour Celebrity Invitational de Los Angeles en se frayant un chemin en table finale : Almira Skripchenko et Dinara Khaziyeva. Si aucune des deux n'a malheureusement pu aller au bout, elles ont cependant prouvé que l'on pouvait compter sur elles aux tables de poker.
Traditionnellement, les joueurs d'échecs ont toujours réussi sur le plan financier leur transition vers le poker. Dan Harrington, vainqueur du Main Event des WSOP 1995 et double participant en table finale en 1987 et 2003, est, aux côtés de Ylon Schwartz (membre des November Nine de 2008), l'un des meilleurs exemples de ces pros des échecs reconvertis au poker.
"De nombreux joueurs d'échecs voient le poker comme un excellent moyen de gagner leur vie" - Jeff Sarwer
L'ancien enfant prodige des échecs Jeff Sarwer a lui réglé ses ennuis avec la justice en 2009 pour connaître ensuite un succès phénoménal sur l'European Poker Tour. Sarwer s'est de plus essayé aux WSOP l'an dernier pour finir à trois reprises dans les places payées.
Il avance que les joueurs d'échecs, ainsi que tous les amateurs de jeux de manière générale, possèdent une longueur d'avance : "Il y a décidément un élément fondamental dans les échecs qui explique le succès des joueurs d'échecs au poker et je pense que cela est d'ailleurs vrai pour tous les jeux", déclarait-il à PokerListings. "Une mentalité de joueur permet de mieux s'adapter à tout type de jeu, que ce soit échecs, poker, backgammon ou Magic the Gathering".
"Les joueurs d'échecs donnent une nouvelle dimension au poker en y intégrant une certaine psychologie du sport de compétition. Si les maths jouent un rôle important dans le backgammon, les échecs sont à mon avis aussi empreints de bluff que le poker. Même si les échecs sont un jeu déterminé à information complète, les positions peuvent être très opaques et il est souvent difficile d'y voir clair lors de certaines parties, dont le déroulement frôle parfois avec l'Art.
Certains joueurs peu portés sur les mathématiques peuvent tout de même réussir aux échecs, ce qui ne sera jamais le cas au poker. De plus, les concepts de pression et de psychologie lors d'une partie entre joueurs de haut niveau se retrouvent dans le poker, de même que les capacités à changer son approche du jeu et sa stratégie."
Sarwer affirme que les joueurs d'échecs de niveau moyen, ceux n'ayant aucune chance de se faire partie du Top 1000 ou du Top 2000 mondial, voient le poker comme une occasion parfaite de réussir financièrement ; ainsi, de plus en plus de joueurs n'hésitent plus à franchir le pas.
"De nombreux joueurs d'échecs voient le poker comme un excellent moyen de gagner leur vie, notamment grâce au facteur chance", soutient Sarwer. "Les joueurs d'échecs ont habituellement du mal à accepter le fait que l'on puisse perdre tout en ayant une excellente main, mais ils comprennent toutefois que c'est justement là que réside tout l'intérêt du poker. De plus, ils s'intéressent au poker car la théorie du poker leur semble encore jeune, imparfaite et différente d'année en année. Pour toutes ces raisons, de plus en plus de joueur d'échecs vont progressivement se convertir au poker".
Jeff Sarwer se prépare donc à chasser un bracelet WSOP dès cet été au casino Rio de Las Vegas.
Quant à Almira Skripchenko, après sa table finale lors du tournoi $2,000 No-Limit Hold'em des World Series of Poker en 2009, elle va rejoindre un nombre sans cesse croissant de joueurs de poker aux WSOP 2011.
Aujourd'hui, tout porte à croire qu'au moins l'un d'entre eux s'emparera cette année d'un bracelet. "Je pense simplement que tous les joueurs d'échecs sont naturellement doués au poker car les échecs sont basés sur la stratégie", nous dit Skripchenko. "Bien sûr, les maths comptent au poker, mais la stratégie y importe bien plus que les maths. Les maths peuvent être apprises par tout un chacun, tandis les talents d'analyse et de stratégie doivent eux être longuement développés et affinés."
D'autres joueurs d'échecs à surveiller :
* Vladimir Schmelev, ancien prodige des échecs Russe, présent lors de quatre tables finales aux WSOP 2010, finissant deuxième au $50k Players Championship.
* Jennifer Shahade, double championne d'échecs aux Etats-Unis, ayant terminé à de multiples reprises dans les places payées au Sunday Million de Poker Stars ainsi qu'au Ladies Event des WSOP en 2007 et 2008.
* Alexander Grischuk, grand maître international, champion du monde de blitz en 2006 et champion masculin de Russie en 2009, actuel 10ème joueur mondial au classement ELO.
* Eugene Yanayt, maître international et auteur d'une sixième place à l'EPT Grand Final de Madrid en 2011.