Parmi les meilleures joueuses de poker, on voit pourtant très peu souvent Melanie Weisner en Europe. Il faut dire que l'Américaine a plus d'une occupation. PokerListings l'a rencontrée.
Melanie vit à Los Angeles, mais elle s’est rendue à Londres récemment en tant qu’ambassadrice pour 888poker.
Mais bien qu’elle ait des résultats impressionnants sur le circuit, Weisner est loin de n’être qu’une joueuse de poker. Elle est également chanteuse et metteuse en scène de comédies musicales. Et une gourmet.
D’après ton compte Twitter, tu es à la recherche d’une étoile ou deux ici à Londres.
Oui, des étoiles Michelin ! J’adore la cuisine !
Je profite de mes voyages poker pour aller dans les meilleurs restaurants du monde. Ayant vécu quelque temps à Londres, j’ai la chance de déjà connaître d’excellents restaurants ici.
Tu as un blog de cuisine ?
Eh bien non, mais j’en parle depuis tellement longtemps que je vais finir par le faire. Promis !
Est-ce que ta vie a changé depuis que tu as emménagé à Los Angeles il y a deux ans ?
Le poker est toujours mon métier. Mais ce qui est bien avec le poker, c’est qu’il permet de continuer à consacrer du temps à d’autres passions, et je compte bien en profiter.
Il se passe beaucoup de choses dans ma vie. J’ai grandi dans une famille d’artistes, donc j’ai toujours eu ce côté créatif. C’est ça qui m’a poussée à devenir metteuse en scène.
Sur quel projet artistique travailles-tu actuellement ?
En ce moment, je mets en scène une pièce pour une compagnie qui s’appelle Pop-up Theater LA. La pièce d’appelle Becky Shaw et a été écrite par la dramaturge Gina Gionfriddo, qui a été nommée au prix Pulitzer.
C’est une superbe pièce, je suis ravie de travailler dessus.
Est-ce que tu es un peu actrice à table ?
Oui. J’utilise forcément mes compétences psychologiques. Je pense qu’elles sont essentielles dans le poker live.
Non seulement il faut savoir lire les autres, mais il faut aussi être capable de laisser transparaître uniquement ce qu’on veut.
On t’a entendu réciter l’Erlking de Goethe l’autre jour, en allemand ! Tu es douée en langues ?
J’ai fait de l’allemand au collège.
Il fallait choisir entre plusieurs langues, mais il n’y a qu’en allemand qu’on pouvait gagner un Toblerone géant (rire). Donc j’ai choisi ça.
J’ai dû apprendre l’Erlking pour un projet, et c’est resté.
Est-ce que tu es d’origine allemande ?
Je suis à moitié polonaise, un quart russe et un quart autrichienne. Donc oui, il y a un peu d’allemand là-dedans.
Beaucoup de gens pensent que Weisner est un nom allemand, mais c’est autrichien.
Tu as failli être la dernière joueuse en lice aux WSOP. Est-ce que c’est un "titre" important pour toi, ou penses-tu que cela ne devrait pas exister ?
Ni l’un ni l’autre. Le poker est un sport très masculin, les femmes ne représentent qu’un tout petit pourcentage des joueurs.
Donc c’est bien d’avoir cette "catégorie", ça permet de se situer parmi les joueuses. Et puis en faisant de bonnes performances, on peut convaincre d’autres femmes de se lancer. J’aurais bien aimé être la dernière joueuse en lice.
En tant que professionnelle, donc depuis mes 20 ans, je ne m’en préoccupe pas pendant le tournoi.
Mon objectif c’est d’aller loin dans le Main Event, d’avoir un stack qui me permette d’avancer et d’aller aussi loin que possible selon mes compétences. Je pense que c’est ce que j’ai fait.
C’est bien de représenter les femmes dans le poker, mais on pourrait aussi se dire qu’on représente l’un des nombreux sous-ensembles du poker.
Le problème, c’est qu’il y a cette pression particulière qu’on met aux femmes et l’attention disproportionnée qu’on te porte si tu fais partie des dernières joueuses en lice. (ndlr : l'autre joueuse était Gaëlle Baumann, qui a terminé 102è. Weisner a terminé 127e.)
Je me souviens, l'année où Gaëlle est passée tout près de la table finale, tout le monde était très excité parce que ça aurait été vraiment bien d’avoir enfin une femme en finale.
La seule à l’avoir fait était Barbara Enright, mais c’était il y a très longtemps, il y avait beaucoup moins de joueurs.
Donc pour toi le titre de dernière joueuse en lice est plutôt flatteur ?
Je comprends les deux côtés. Je comprends que ce soit flatteur, mais je comprends aussi qu'on le prenne mal et qu'on trouve ça condescendant genre « c’est pas la dernière personne en lice ».
Je sais que ce n’est pas l’intention, que l’idée est d’encourager une minorité et de faire que plus de femmes jouent. Je sais que l’idée n’est pas de dire que les femmes valent moins.
On peut avoir les mêmes discussions sur les Ladies Events. Personnellement, je ne les aime pas beaucoup, mais c’est surtout parce que je tilte facilement dans ces tournois.
Je ne sais pas pourquoi. Il doit y avoir quelque chose dans cette dynamique féminine qui me déstabilise.
Au final, tu joues mieux avec les hommes ?
En fait, oui. Peut-être parce que j’étais déjà une joueuse accomplie quand je suis arrivée sur le circuit live.
Je n’ai pas eu à faire face aux mêmes problèmes que la plupart des joueuses.
J’avais déjà fait mes preuves et je m’étais construit une carapace. J’avais un peu de pression quand même, je comprends pourquoi les femmes sont réticentes à se lancer dans le poker.
En fait, c'est une question de respect. Si chacun traitait autrui comme un être humain, il n’y aurait pas de problème.
D’autres "minorités" sont victimes de préjugés. Les vieux sont souvent vus comme des idiots par exemple.
Oui. Il faut savoir poser des limites. En tant que joueur de poker, il est important d’utiliser les stéréotypes, d’évaluer et de "juger" les autres.
L’appartenance de quelqu’un à un certain groupe peut vous donner des informations importantes, et il est important de ne pas les négliger. Mais il faut faire attention à ne pas non plus les prendre pour argent comptant et à les confronter à votre expérience à la table.