Suite de notre série exclusive où les plus grands pros du poker nous expliquent comment ils ont réalisé de gros coups grâce à leur lecture de tells.
L’EPT Grand Final 2013 est rentré dans l’histoire comme ayant accouché de « la meilleure table finale de l’histoire. »
Et c’est justifié.
Les huits finalistes (pour 531 entrants) étaient Jason Mercier, Noah Schwartz, Jake Cody, Daniel Negreanu, Johnny Lodden, Grant Levy, Andrew "Clockwyze" Pantlinget le futur vainqueur Steve O’Dwyer.
Des joueurs aussi expérimentés et talentueux que ceux-là basent leurs décisions sur ce qu’ils perçoivent à la table, mais aussi sur l’expérience qu’ils ont avec chacun des autres joueurs.
Et parfois, cela leur économise beaucoup de jetons.
Dans notre série sur les tells décryptés par les pros, nous allons nous pencher sur une main entre le Norvégien Johnny Lodden et le Canadien Andrew Pantling lors de cette fameuse table finale.
JL : Jouer contre Andrew Pantling, c’est difficile. Il joue énormément de mains et en pré-flop il ne fait souvent que suivre.
Dans cette main, tu es en début de parole, avec deux valets. Pantling suit depuis le bouton.
Il fait ça avec toute sorte de mains, des connecteurs assortis par exemple, mais aussi avec AQ et AK.
Je suis content du flop, 3-6-K, donc je continue. Il suit, du coup c’est difficile d’imaginer qu’il a une main très faible.
Il pourrait très bien avoir un six assorti, genre 6-7 ou 6-9. C’est le plus probable, mais il peut aussi avoir KJ ou KQ.
Le turn arrive, tout le monde checke, puis un as sort à la river.
À la river, je pensais toujours qu’il avait un six. Avec un roi, il aurait fait un value-bet. À ce moment-là, j’estime aussi qu’il serait capable de suivre avec un six s’il pense que j’ai 10-J ou 10-9.
Je ne le vois pas du tout avec un as. Je mise, mais il relance. Là, je me dis qu’il a peut-être AQ ou AJ. Si c’était AK, il aurait misé au turn. Mais je commence à m’inquiéter.
Il est le genre de joueur à pouvoir faire tout ça avec un six, surtout s’il pense que j’ai AJ.
Ensuite, je me demande s’il est assez bon pour faire un value-raise (une relance pour rentabiliser NDLR) avec une paire, avec AQ en main par exemple. La plupart des gens ne peuvent pas le faire. Ils auraient trop peur que j’ai A6 ou A3.
Avec le recul, je trouve qu’il joue très intelligemment ici. Je respecte les joueurs qui font des value-raise avec la meilleure main.
À la river, j’essaye surtout de recueillir des infos. Si je checke, je dois le suivre et il risque de miser plus que moi.
Quand il relance, je sais à quoi m’en tenir. Il n’y pas beaucoup de mains qui lui permettraient de bluffer.
Est-ce que tu te bases sur des indices physiques ?
Non, c’est plutôt sur la situation et sa manière de miser.
Est-ce que tu fais attention au langage corporel et aux tells ?
Oui, mais surtout sur les joueurs plus expérimentés parce que ça en dit plus. Je fais surtout très attention à la manière dont ils parlent.
Je me souviens d’une main avec Daniel Negreanu. Il y avait 9-6-5 au flop. Un flop parfait pour Daniel, et là il arrête de parler. Plus un mot.
Tout le monde lui demande : « Daniel, t’as touché ton flop ? » Et quand il finit par miser, tout le monde se couche évidemment. Il montre 7-8. Il nous a fait : « Ok, je parle plus du tout. »
Les tells physiques sont-ils toujours importants ?
Plutôt vers la fin des tournois. C’est le moment où les gens sont plus concentrés et les tables changent moins.
J’observe beaucoup les joueurs pendant deux heures, puis je regarde souvent mon téléphone. Je prends des notes mentalement, je n’écris rien.
Est-ce que tu essayes parfois de donner de faux tells ?
Oui. J’ai fait ça l'autre jour d’ailleurs, mais ça n’a pas marché. Le gars a suivi de toute façon.
J’ai essayé d’avoir l’air nerveux comme un mec qui bluffe pour lui faire croire que je jouais l'acteur, alors que je bluffais vraiment.