La République du Honduras est le deuxième pays le plus pauvre d’Amérique Centrale.
60% de la population vit sous le seuil de pauvreté. 36% dans des conditions de pauvreté extrême.
Si je sais tout ça, c’est parce que Nick ‘FU_15’ Maimone me l’a dit.
Après Barry Greenstein, le poker tient son autre Robin des Bois.
Nick est un chrétien fervent qui a eu la chance de devenir assez bon au poker pour en faire sa carrière.
Il a eu l’argent. Il a eu le style de vie exubérant. Mais il lui manquait quelque chose. Il n’était pas épanoui.
Il lui manquait un objectif, une raison de vivre, donc il a pris son sac à dos et il est parti chercher ce dont il avait besoin. Et c’est au Honduras qu’il l’a trouvé.
C’est une histoire magnifique qu’il a bien voulu partager avec nous.
De la Caroline du Nord au Honduras... Comment entreprend-on un tel voyage ?
J’ai grandi à la campagne. Le poker ne faisait pas du tout partie de ma vie à cette époque. Quand j’étais jeune, je ne jouais jamais aux cartes.
Quand je suis entré à l’université, j’ai commencé à travailler comme serveur pour gagner un peu d’argent. Je me souviens avoir passé du temps à regarder un ami jouer sur PokerStars, et j’ai tout de suite accroché.
J’étais tout excité à l’idée de faire des tournois à 5 $. Je me disais que si je devenais bon, j’aurais beaucoup d’opportunités.
Pour cela, je devais travailler énormément. Je suis loin d’avoir un talent naturel, j’étais le plus mauvais de la résidence. Je n’avais aucune patience et je ne faisais que bluffer.
J’avais honte de mon niveau et c’est ce qui m’a poussé à vouloir progresser.
Je m’entraînais constamment, j’ai fini par gagner un peu. J’ai aussi tout perdu quelques fois, puis j’ai terminé 15è du Main Event des WSOP 2009.
Cet été-là, mon séjour à Vegas c’était du quitte-ou-double. J’étais quasi fauché. C’était un été complètement dingue. À l’époque, j’étais sponsorisé.
J’ai fait n’importe quoi pendant les dix premiers tournois, le Main Event était ma dernière chance. Je n’avais plus que 10 ou 15k à la fin de la première journée. Puis je suis revenu et le reste s’est plutôt bien passé.
Du Day 2 au Day 7 je n’ai jamais eu à aller à tapis. J’étais un peu frustré de terminer 15è, mais c’était une super performance.
Même après avoir payé mes sponsors et mes impôts, il me restait assez d’argent pour rembourser mon prêt étudiant et voyager.
J’avais 22 ans, le fait de voyager m’a véritablement ouvert les yeux. J’ai découvert la vie en dehors de la Caroline du Nord. Une fois rentré, j’avais de l’argent de côté et je passais mon temps à faire du sport et jouer au poker.
Après quelques temps, j’ai commencé à sentir que cela ne me suffisait pas. C’était une vie très égoïste. Je n’aidais pas grand monde. Je faisais un peu de bénévolat mais ce n’était rien comparé à ce que je gagnais.
Je suis allé au Salvador dans le cadre d’une mission pour construire une église. C’était très touchant de voir tous ces enfants et de se rendre compte de tout le bien que je pouvais faire avec mon temps et mon argent.
Quelques mois plus tard, en voyage au Honduras, il m’est arrivé un truc incroyable. J’étais assis sur un pont, au-dessus d’un lac, et la clé de ma voiture de location est tombée.
Je me suis retrouvé là, coincé au Honduras sans pouvoir parler un mot d’espagnol. Heureusement, j’ai rencontré les propriétaires d’un hôtel, qui géraient aussi une école.
Ils m’ont proposé un boulot. J’ai refusé par peur d’abandonner la vie qui m’attendait aux États-Unis. Je suis rentré, puis j’ai prié et je me suis dit, « pourquoi pas ? »
Je suis retourné au Honduras, et cinq ans plus tard j’y suis toujours. Je travaille avec l’école et avec une association caritative appelée Pan American Health Services.
C’est à la fois un orphelinat et une clinique pour les enfants souffrant de malnutrition. Ils hébergent ces enfants, prennent soin d’eux, et s’ils n’ont nulle part où aller, alors ils peuvent rester.
Tu avais 22 ans quand tu as découvert la joie de donner. Comment en es-tu arrivé à cette révélation si jeune ?
C’est surtout grâce à mes parents. Ils sont très croyants et m’ont élevé comme ça.
J’ai toujours été très investi dans ma foi, j’ai toujours sur que Dieu veillait sur moi. Depuis tout petit, on m’a toujours appris à partager.
En grandissant, les choses changent et on devient plus concerné par ce qu’on peut obtenir pour nous-mêmes. Je pense beaucoup à tout ça.
Je me suis rendu compte que l’avidité était en train de détruire le monde. Il y a assez de ressources et de terre pour tout le monde, mais pas assez de gens disposés à partager. Une poignée de gens ont tellement, et le reste si peu.
C’est un énorme problème. Je voulais changer les choses. J’ai eu beaucoup de chance dans ma vie, c’est mon devoir de donner en retour.
Dans la Bible, il y a une citation, dans l’Évangile selon Luc je crois : « celui à qui il aura été beaucoup donné, il sera beaucoup redemandé ». Cette citation m’a toujours beaucoup parlé.
As-tu eu peur au moment de déménager en Amérique Centrale ?
Aux États-Unis, j’avais un très bel appartement, une jolie voiture, mais je me sentais complètement seul.
J’ai six frères et sœurs et quelques amis, mais il manquait quelque chose dans ma vie.
J’ai toujours été un peu solitaire. J’avais de l’argent, j’étais célibataire et seul, alors pourquoi ne pas partir ?
Le Honduras a mauvaise réputation, mais je n’ai eu aucun problème depuis mon arrivée. La plupart des problèmes sont liés à la situation économique.
La plupart des meurtres sont liés aux gangs. Il n’y a pas des meurtriers à l’affût à tous les coins de rue. Il y a juste beaucoup de pauvreté et de désespoir.
Je n’avais pas peur, je pensais que c’était la bonne chose à faire.
Est-ce que ta foi t’a aidé ?
Ma vie est entre les mains de Dieu. Si mon heure vient, alors ainsi soit-il. Je ne veux pas être trop attaché à la vie.
Je veux accomplir des choses nobles, ne pas rester assis chez moi en attendant de mourir d’une crise cardiaque.
Depuis le Black Friday, beaucoup de joueurs américains sont partis dans des pays comme le Costa Rica ou le Mexique. Beaucoup restent entre eux, ne s’immergent pas dans la culture et n’apprennent même pas la langue.
Ils ne sont là que pour jouer au poker. Ils pourraient s’investir et aider les pauvres. Faire que le poker ait un sens.
Ne passez pas votre vie à grinder derrière votre écran. Donnez-y un sens.
Comment as-tu évité la solitude en arrivant au Honduras ?
En arrivant, je communiquais beaucoup avec mes proches aux États-Unis. Je jouais beaucoup au foot avec les locaux et passais beaucoup de temps avec les enfants.
Je voulais être un bon modèle pour eux, et ça m’occupait beaucoup. Je ne passais pas beaucoup de temps avec mes pairs.
Deux ans après être arrivé, j’ai rencontré ma future femme. Elle est britannique et je l’ai embauchée ici en tant qu’enseignante.
J’essaye d’embaucher des gens bons qui ont du cœur, et elle remplit ces deux critères. Nous nous sommes mariés l’année dernière et nous travaillons beaucoup avec les familles dans le besoin.
Il y a tellement de façons d’aider les gens.
J’encourage vraiment tous les lecteurs à tout faire pour donner de la valeur à leur temps, trouver quelque chose qui donne de la signification à leur vie et leur apporte de la joie, faire que le poker ne soit pas qu’un jeu.
En tant que Chrétien, est-ce que ça a été difficile de choisir le poker en tant que profession ?
Oui. Je ne crois pas que le poker soit par essence mauvais ou péché. Tout est question de modération et de contrôle, et de servir Dieu à tout moment.
C’était difficile, au début. Ma famille était très méfiante et ne pensait pas que c’était un choix de vie stable et durable. Je ne le pense toujours pas.
C’est comme ça : quand tu perds, tout le monde pense que le poker est horrible, quand tu gagnes, tout le monde pense que c’est génial.
Je préférerais que les gens aient une vision plus objective. Les gens qui perdent joue à un jeu. Il n’y a aucun problème avec le fait de jouer au poker et de s’amuser.
Mais quand tu joues de l’argent que tu n’as pas ou tu voles, alors c’est mal.
Comment décides-tu combien d’argent tu gardes et combien tu donnes ?
C’est difficile, et l’histoire de Saint-Nicolas m’inspire beaucoup. C’était un prince extrêmement riche du Moyen-Âge.
Pour Noël, il offrait des sacs de nourriture aux pauvres du village. Il aimait donner et partager, sans rien attendre en retour.
Quand les gens se rendent compte que la véritable de joie c’est de donner et pas de recevoir, c’est une révélation. Nous sommes tous pareil.
C’est humain. Il faut juste arriver à cette révélation.
Je prends soin de moi. Je voyage beaucoup, je dors dans de beaux hôtels et je mange bien. Parfois, je pense être égoïste parce que je vis bien quand d’autres ont si peu.
C’est un paradoxe, que j’essaye d’équilibrer aussi bien que possible. J’utilise beaucoup de mon temps et mon argent pour aider les autres, mais je prends aussi soin de moi.
Qu’est-ce que tu vois quand tu observes le monde ?
J’ai toujours essayé d’être optimiste. Je pense que Dieu contrôle le monde mais que les gens le détruisent par avidité.
Il y a sept péchés capitaux et sept vertus cardinales. La générosité est une vertu et l’avidité un vice.
Ces sept péchés capitaux, c’est la part d’ombre dans notre cœur. C’est lorsque nous sommes tentés de blesser ou d’exploiter les autres ou l’environnement.
Nous devons constamment nous battre contre cela. Nous avons tous une part de bonté et de mal. Malheureusement, beaucoup de gens y succombent.
Ils deviennent égoïstes et ne font que prendre, prendre, prendre. Les Hommes détruisent la Terre. Une poignée de gens possèdent toute la richesse du monde et le reste du monde est leur esclave.
Le cirque politique permet de garder les gens disciplinés pour gagner des bouts de papier et manger.
Les gens restent dociles pendant que les plus riches font ce qu’ils veulent. Tout cela me rend très triste.
Peux-tu nous parler de ta colère contre Coca-Cola ?
C’est quelque chose qui me tient énormément à cœur. C’est une lutte constante avec certains élèves.
Un jour, ils sont arrivés au foot avec 12 énormes bouteilles de Coca qu’ils vendaient aux gamins qui jouaient au foot.
Ils essayaient de vendre le Coca pour financer un voyage, sans se soucier de la santé des autres enfants.
Je me suis mis en colère. J’ai acheté tout le Coca et j’ai vidé les bouteilles par terre. Je ne suis pas un fou de la nourriture saine, mais le Coca et le Pepsi sont deux parfaits exemples d’entreprises énormes qui sont tout à fait conscientes de vendre du poison.
Ils tuent dans le monde entier et n’en ont rien à faire. Il n’y a aucune éducation, aucune limite. Je suis persuadé que ni le PDG de Pepsi, ni celui de Coca ne boivent leurs propres boissons.
Ici, les gens ne sont pas éduqués dans ce domaine. Ils ne comprennent pas que le Coca n’est pas bon pour eux. À certains endroits, le Coca est plus facile à se procurer que de l’eau.
Tous les restaurants et magasins vendent du Coca ou du Pepsi, il y a des publicités partout. Les gens ne se rendent pas compte qu’ils sacrifient leur santé.
Ils sont en surpoids, n’ont pas d’énergie, souffre de diabète et tombent tout le temps malade. Ça me rend fou. C’est pour ça que j’essaye de leur faire ouvrir les yeux et que je voudrais que ces grands groupes soient mis face à leurs responsabilités.
Ici, le salaire annuel moyen est entre 2 000 et 4 000 $. La vie est très dure pour eux.
Ils n’ont pas accès à l’eau potable, ils n’ont même pas de passeport, mais Coca et Pepsi sont là pour vendre leur poison en faisant croire que ça les désaltère. Ils font fortune sur le dos des pauvres.
Comment envisages-tu le futur ?
Si le poker est tellement excitant, c’est parce qu’il est en perpétuelle évolution et qu’il est très imprévisible. Certaines années, j’ai gagné énormément d’argent. D’autres, rien du tout.
Personne ne sait ce qu’il va devenir. Je vais continuer à prier et voir comment les choses évoluent. L’important c’est d’apprécier sa vie et d’aider autant de gens que possible.
Comment le poker peut-il aider les Honduriens ?
Nous travaillons beaucoup avec Pan American Health Services. Ils ont désespérément besoin de dons. Ils ont du mal à payer leurs employés et les docteurs.
C’est un service bénévole. Ils prennent des enfants malades, les nourrissent, leur donnent des vitamines, et s’ils n’ont nulle part où aller, ils restent.
Cela coûte beaucoup d’argent et ils ont besoin de tout l’aide qu’on peut leur apporter. Vous pouvez aller sur leur site et faire un don sur www.panamhealth.org.
J’aimerais que les gens comprennent à quel point c’est important d’être présent sur le terrain. C’est bien de faire des dons, mais c’est aussi important de venir sur le terrain pour soutenir les gens.
Il y a des milliers d’enfants qui n’ont même pas accès aux choses les plus basiques comme l’eau potable.
Pan American m’a mis en contact avec de nombreuses familles, et c’est comme ça que j’ai pu aider encore plus de monde.