Télévision, amis, Skype, showgirls, e-mails, coups de fil, sms, … selon où vous jouez au poker, vous avez de grande chance de vous retrouver face à d'innombrables distractions prête à vous subtiliser toute votre attention.
Si vous voulez être un gagnant constant au poker, il est impératif de lui consacrer 100% de votre attention, 100% du temps.
Et nous ne voulons pas seulement parler des mains dans lesquelles vous êtes impliqué. Parfois les mains que vous avez couchées peuvent être même encore plus importantes !
Dans l'article Pour ne pas craindre au poker : prêtez attention, nous avons vu pourquoi les distractions pouvaient faire mal à votre bilan à la fin du mois. Dans cet article, nous allons explorer quelques exemples pour aider à clarifier ce point.
Un souci avec les Rois
Vous jouez une partie de No-Limit 1$/2$ et trouvez une paire de rois au cut-off (bouton -1). Quelques joueurs limpent avant vous, avant que vous ne lanciez une relance de 15$ (standard à la table où vous jouez).
Vous n'obtenez qu'un suiveur en milieu de parole, un gars dans les quarante ans portant un chapeau des Denver Broncos très sale et délavé.
Flop: 9♠ J♠ 4♣
Le gars au chapeau checke, vous misez 25$, et il suit.
Turn: 9♠ J♠ 4♣ - 6♥
Le cow-boy checke à nouveau, vous placez une nouvelle mise, cette fois de 65$, il paye à nouveau.
River: 9♠ J♠ 4♣ - 6♥ - A♣
Et là le pâle sosie de Doyle Brunson part à tapis pour 250$, 40$ de plus que le pot. Vous réfléchissez au coup et êtes bien embêté par le tirage couleur max qui a finalement touché un as, un brelan ou deux paires aléatoires. Mais vous n'arrivez pas à comprendre pourquoi il aurait checké-suivi deux fois sur un tableau aussi dangereux.
S'il a touché son as, il ne serait même pas pour autant toujours sûr d'avoir la même main, faisant de sa grosse mise en stop-and-go quelque chose ressemblant à un bluff.
Alors que faisons-nous ?
Si nous avions prêté attention aux mains précédentes à la table, notre réponse serait assez simple.
5 Mains plus tôt...
Tandis que notre homme au chapeau - appelons-le Butch, ça sonne bien - était au bouton, il a été impliqué dans une main qui vous aurait donné toute l'information nécessaire pour que vous fassiez le move correct dans la main qui nous intéresse.
Le joueur UTG (Under The Gun, premier de parole) avait relancé à 12$, vous aviez couché une quelconque poubelle, et notre ami Butch avait suivi, pour se retrouver en heads-up au flop.
Flop: 8♥ 9♥ 3♣
UTG misa 20$, Butch relança à 50$, et UTG suivit.
Turn: 8♥ 9♥ 3♣ - 3♣
UTG checka, Butch misa 75$, et UTG suivit.
River: 8♥ 9♥ 3♣ - 3♣ - K♣
UTG checka à nouveau, Butch misa 100$, puis UTG relança à tapis pour 225$.
Butch réfléchit alors un moment, puis coucha 8♠ 8♣ en les montrant faces découvertes. Et c'est un UTG surpris qui repartit avec le pot.
Si vous aviez été attentif à cette main, vous auriez noté que Butch est en fait un joueur qui joue la peur au ventre, seulement à l'aise avec les nuts (le jeu max), et qui n'ira pas risquer tout son stack. La seule chose qui le battait ici aurait été un meilleur brelan, ou deux trèfles pour la couleur backdoor.
Bien que Butch n'avait aucun moyen d'être à 100% certain qu'il était devant, il y avait trop de mains qui auraient joué le coup de cette manière et qu'il battait (brelan inférieur, deux paires, la top paire, ou même un bluff). Sans oublier qu'il obtenait une cote d'un peu moins de 6 contre 1 : le call était très facile.
Un joueur suffisamment serré et faible pour coucher cette main, ne bluffera jamais sur la main qui nous posait problème en début d'article. Avoir prêté attention à cette main passée nous aurait fait économiser 250$.
Le tapis fantasque
Vous êtes assis avec 280$ dans une partie No Limit à 1$-2$, en train de regarder la télé et de bloquer sur la serveuse. Vous vous imaginez être à deux doigts d'avoir son numéro au moment où vous recevez T♠ T♥ au bouton.
Après vous être excusé de devoir suspendre la conversation, vous payez la relance de 15$ et vous retrouvez avec deux autres joueurs à voir le flop.
Flop: 9♥ 4♠ 3♣
Le premier joueur part instantanément à tapis pour 115$, le second se couche, vous laissant seul face à votre décision à prendre.
Vous devez payer 115$ pour en gagner 160$, soit une cote de 1,4 contre 1 sur votre argent. Les cotes ne sont pas extras, mais le tableau est assez "sec" et vous avez une over-pair.
Tentez-vous le "hero call", ou attendez-vous une meilleure opportunité ?
Deux Mains plus tôt...
Si vous n'aviez pas essayé de mater en-dessous du tee-shirt de la serveuse au même moment, vous auriez vu ce même joueur faire un 3-bet (sur-relancer pré-flop) à tapis pour son stack de 60$ avec... 9♠ 4♥. Il toucha finalement un 9♣ à la turn pour battre son suiveur avec A♥ K♥, mais avait tout de même déjà un bras dans la manche de son blouson, prêt à se lever.
Si vous aviez remarqué que ce joueur voulait rentrer chez lui, essayant juste de jouer le coup façon loterie, soit pour essayer de doubler et rentrer dans ses frais, soit pour finir les poches vides (bien plus courant en live que vous pouvez l'imaginer), vous auriez su que payer avec vos dix ne demandait pas la moindre seconde de réflexion.
Bien qu'il soit possible qu'il ait une meilleure paire, il est bien plus probable qu'il bluffe, ou ait quelque sorte de tirage, ou une paire. Il y a des chances pour que vous soyez bien ici, et que vous n'ayez pas besoin de cotes quelconques pour faire le call.
Que faut-il retenir de ces deux exemples de manque de concentration ?
Plus vous prêtez attention à des détails à la table, plus de mains vous scrutez et analysez, plus vous aurez de chances de prendre la bonne décision lorsque votre propre argent sera en jeu.
Les joueurs les plus profitables étudient le jeu en permanence, tout comme l'approche du jeu de leurs adversaires. En fin de compte Phil Ivey n'en sait probablement pas plus niveau stats que n'importe quel geek ayant une étagère remplie de bouquins sur le sujet.
Mais une chose est sûre, il prête plus attention, et récolte plus d'informations à la table que n'importe quel autre joueur.
Le poker est un jeu d'actions et de réactions, vous devez pleinement comprendre ce que vos adversaires sont en train de faire avant de pouvoir envisager la réponse la plus appropriée et la plus profitable.
Prêtez attention, même si vous n'êtes pas sûr de ce à quoi vous devez faire attention. Regardez juste le déroulement des mains, prenez des notes (mentalement) sur qui mise, qui suit, et avec quelles mains ils ont fait tout ça.
Votre subconscient récoltera bien plus d'informations que vous pourriez l'imaginer, vous donnant l'intuition dont vous aurez besoin pour faire ce qu'il faut tout au long de la route. Regardez, observez, réfléchissez, puis jouez. Le poker est un jeu pour l'homme qui pense, il n'a jamais été conçu pour pouvoir se jouer sans avoir besoin de rien faire.
Pour ne pas craindre au poker, toute la série :
- Jouez basique
- Fermez votre bouche
- Apprenez les cotes
- Apprenez à compter vos outs
- Jouez moins de mains
- Jouez en position
- Prêtez attention
- Ayez une bankroll
- Gardez une trace
- Soyez concentré
- Arrêtez de bluffer
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Le piège et les risques du multitâche
Faire autre chose en même temps que vous jouez au poker peut-il être comparé à vous suspendre à mains nues depuis une grue de 600 mètres de haut ?
par Lee Davy
Récemment, sur un vol entre Los Angeles et Londres, j’ai regardé un documentaire sur des jeunes qui grimpent sur les grues les plus hautes du monde et restent suspendus par une seule main.
Pas de harnais, pas de filet de sécurité, pas de deuxième chance. S’ils se relâchent, ils meurent.
Alors oui, être aussi casse-cou peut sembler stupide, et ça l’est, mais il y a quand même quelques leçons à en tirer.
Juste avant (et pendant) leur suspension, il y a un silence absolu. Pas un mot.
La concentration est la clé de la survie.
Le multitâche efficace ? Un mythe
Nous avons tous vécus ce genre de situations. Certes, peut-être pas au sommet d’une grue de la taille de l’Empire State Building, mais au moins des situations dans lesquelles la moindre erreur peut être fatale.
Lors d’un récent séjour au ski dans le Colorado, je me suis retrouvé sur le télésiège avec deux jeunes intrépides qui n’ont pas baissé la ceinture. Je ne l’ai pas fait non plus, c’était une question d’ego. Je ne voulais pas paraître lâche.
Alors que je contemplais ma probable mort quelques mètres en dessous, j’étais pétrifié. Je n’avais absolument pas l’intention d’engager la conversation. Hors de question. J’étais concentré sur une seule chose : garder les fesses dans mon siège.
Le multitâche efficace est un mythe, une norme sociale qu’on accepte pour être mieux intégré.
Cette inefficacité est la raison pour laquelle les intrépides suspendus au sommet des grues ne disent pas un mot, pour laquelle je ne disais rien lors de mon passage sur le télésiège, et pour laquelle j’ai eu un accident de voiture alors que j’étais au téléphone avec mon patron sur un kit mains-libres.
Jonjo Shelvey marque pour Swansea
Dimanche après-midi, j’ai décidé de me faire une petite session de poker en ligne. J’ai lancé quatre tables et j’ai commencé à jouer.
J’ai commencé à jouer à 15h. A 16h j’ai allumé la télé pour voir le match, c’était Southampton contre Swansea. Aucune des deux équipes ne m’intéresse particulièrement, mais j’ai décidé de laisser la télé allumée.
Puis j’ai décidé de regarder mes mails. Et comme on était dimanche, je me suis dit qu’il fallait faire le point sur mon programme de la semaine.
Google Calendar d’un côté, Wunderlist de l’autre, je classais mes différentes tâches par ordre de priorité.
Pendant ce temps-là, la partie battait son plein. J’étais grosse blinde, avec as-valet. Le cut-off est allé au tapis avec 15 BB.
J’étais perdu. Qui était ce joueur ? Depuis combien de temps était-il à cette table ?
Est-ce que c’était la première fois qu’il allait au tapis ? Est-ce qu’il était plutôt serré ou loose ? Agressif ou passif ?
Jonjo Shelvey marque pour Swansea, je me couche avec as-valet.
Une croyance qui ne résiste pas face à la science
“Le multitâche, c’est la possibilité de rater plusieurs choses à la fois.” Steve Uzzell
Entre le poker, le football et la multitude d’autres petites tâches auxquelles je me consacrais ce dimanche après-midi, quelle était la tâche la plus importante ?
C’était le poker. Alors pourquoi est-ce que je me distrayais avec des activités triviales au lieu d’y consacrer toute mon énergie ?
Ça n’a pas de sens, non ?
Et pourtant je suis persuadé que c’est une situation dans laquelle se retrouvent beaucoup de joueurs amateurs, voire quelques professionnels. Et pourquoi pas ?
Cette capacité à pouvoir gérer plusieurs activités à la fois est tellement à la mode ! Les entreprises en font même parfois une “compétence” nécessaire dans leurs annonces.
C’est n’importe quoi. C’est une arnaque. C’est une simple croyance qui ne résiste pas face aux faits scientifiques.
Des gens très sérieux dans des blouses blanches très sérieuses ont mené des études sur le multitâche : les gens qui le pratiquent sont non seulement moins bons, mais en plus se fatiguent beaucoup plus rapidement.
Les recherches menées à l’Université de Stanford ont démontré que les gens qui pratiquent le multitâches obtiennent de moins bons résultats que ceux qui se concentrent sur une seule chose à la fois. Ils réagissent moins vite parce qu’ils ont plus de mal à filtrer les informations importantes.
Des recherches similaires à l’Université de Londres ont également démontré que trop de multitâche finit par affecter le QI.
Les gens deviennent donc moins intelligents à force de vouloir en faire beaucoup à la fois. Certaines études tendent même à démontrer que le multitâche peut endommager le cerveau.
Le cerveau n’a pas des capacités illimitées
Il a beau être merveilleux, notre cerveau n’a pas des capacités illimitées.
Plus ces capacités sont divisées entre différentes tâches, moins vous serez efficace sur chacune d’elles.
Ma petite partie du dimanche en est un parfait exemple.
Si je consacre 25% de mon attention au poker, comment puis-je tenir le coup à long terme face à des adversaires qui seront concentrés à 100% ? Surtout s’ils ne sont qu’à une seule table.
Lorsque j’ai commencé le poker en ligne, je jouais sur deux tables. Je suis rapidement passé à quatre, puis huit, puis dix. Et je suis redescendu à quatre.
Maintenant j’alterne entre une, deux ou quatre tables. Je n’avais pas le niveau pour jouer sur plus d’une table à la fois, j’ai commencé à le faire par ennui.
Je ne comprenais pas l’intérêt de se concentrer sur une partie lorsque je ne participais pas à une main. Je pensais que tout ce qui importait c’était mes actions à moi.
Après m’être couché, je m’ennuyais. J’avais besoin de plus de tables.
Moins dangereux qu’une grue
Je me suis rendu compte qu’avec autant de tables je ne pouvais plus suivre. Je suis redescendu. Et j’ai recommencé à m’ennuyer.
J’ai commencé à regarder des films, du foot, à lire mes e-mails et même à écrire des articles. Récemment, je suis arrivé en table finale d’un tournoi de H.O.R.S.E. sur PokerStars tout en écrivant des articles.
Et je me croyais très intelligent, alors que j’ai simplement eu de la chance. J’étais très con.
Si le poker n’est qu’un loisir et que vos résultats importent peu, alors allez-y, faites plusieurs choses à la fois. Cependant, si vous prenez le poker au sérieux, alors vous vous devez de supprimer toutes les distractions.
Jouer sur le moins de tables possible et concentrez-vous sur votre jeu. N’oubliez pas que le jeu continue après que vous vous êtes couché.
Je vous conseillerais même de ne jouer sur une seule table lors d’une session. Vous apprendrez beaucoup sur vos capacités de concentration et comment elles peuvent vous permettre de vous améliorer.
Et puis après tout, c’est beaucoup moins dangereux que d’être suspendu à une grue à 600m de haut.
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