Ils sont jumeaux, ils viennent de Belgique, l'un des pays poker les plus talentueux et les plus en réussite à l'heure actuelle. Mais qui sont les frères De Meulder, j'ai nommé Christophe à ma gauche, et Matthias à ma droite ?
PokerListings a eu le plaisir de rencontrer les deux sympathiques frères et membres de la Team PokerStars à l'occasion du récent EPT de Barcelone pour notamment connaître un peu mieux leur parcours, les raisons du succès des joueurs de poker belges, ou encore les connexions qui peuvent exister entre jumeaux...
Christophe et Matthias, vous êtes jumeaux et vous jouez tous les deux au poker. Est-ce que vous avez ça dans le sang ? Ca vient de vos parents ?
Matthias : Ça vient peut-être un peu de notre père, oui. Il a l'esprit de compétition et c'est un peu un mauvais perdant. À l'inverse, notre mère déteste prendre des risques, ce qui n'est pas génial pour le poker. Donc oui, ça doit venir de notre père. D'ailleurs il jouait aussi un peu aux cartes, mais juste pour s'amuser.
Christophe : Oui, c'est loin d'être le meilleur joueur de poker du monde. (rires)
Est-ce qu'il y a une certaine compétition entre vous deux ?
M : En quelque sorte, oui, parce que c'est un peu toujours le cas entre deux frères ou deux amis, mais quand on est dans un tournoi où il y a autant de joueurs, on est plutôt supporters l'un de l'autre. Je préfère voir mon frère gagner que de le voir sortir du tournoi juste pour me dire « Ouais ! J'ai fait mieux que lui ! ».
C : En fait, l'idéal serait que Matti et moi nous retrouvions en heads-up à chaque tournoi.
"Je suis beaucoup plus tendu quand mon frère joue que quand c'est moi."
M : Ce qui est bizarre, c'est que je suis beaucoup plus tendu quand mon frère joue que quand moi je joue. Quand je joue, c'est moi qui contrôle, c'est moi qui gère, alors que quand tu supportes quelqu'un, tu ne sais jamais vraiment ce qu'il se passe dans leur tête et tout... C'est horrible !
On dit que les jumeaux ont une sorte de connexion spéciale. Est-ce vous le pensez aussi ?
C : Je pense qu'il y a au moins un peu de vrai là-dedans. Je me souviens quand Matti a terminé 10ème de l'EPT Barcelone il y a deux ans, je le regardais jouer mais j'avais dû m'absenter une dizaine de minutes pour parler à quelqu'un du département Marketing.
D'un coup, j'entends le public hurler. On était en Espagne, donc la réaction du public ne voulait pas forcément dire que le petit Belge avait fait quoi que ce soit. Mais je sais pas pourquoi, j'étais sûr que Matti s'était fait sortir.
M : Oui, on dirait qu'on est souvent « synchro » : on pense la même chose, on veut dire la même chose. Je me souviens d'une fois, on avait une dizaine d'années et je jouais dans la cour de l'école. D'un coup, j'ai senti que Chris s'était attiré des ennuis, je me suis retourné et c'était le cas. Je ne sais pas, c'était peut-être une coïncidence.
C : Il y a une chose dont je suis sûr : quand me copine conduit, on est tous les deux terrifiés, et on n'a pas besoin de se regarder pour le savoir.
M : Oui, c'est une sorte de connexion. (rires)
Est-ce que vos deux manières de jouer ont des caractéristiques communes ?
M : En fait, j'ai commencé le poker avant Chris et c'est plus ou moins moi qui lui ai appris à jouer, donc je pense qu'on joue un peu pareil, oui.
Mais vos jeux ont dû évoluer depuis, non ?
Christophe a enregistré sa meilleure performance en EPT à Barcelone en début de mois (36ème).
C : Fondamentalement, je pense qu'on a la même manière de jouer. Peut-être que Matti est un peu plus agressif que moi, mais il n'y a pas de grande différence.
Matti a joué un peu n'importe comment pendant 6 mois, puis ça a été mon tour – je bluffais tout le temps. Maintenant on s'est calmés, on joue de manière solide en essayant d'exploiter les faiblesses de nos adversaires.
M : Oui, on joue de manière plus sûre.
Parlons des excellents résultats des joueurs belges au poker alors qu'il s'agit d'un petit pays par rapport à la France ou à d'autres. Comment l'expliquer ?
C : C'est vrai que le nombre de très bons joueurs de poker belges est assez incroyable : Michael Gathy qui gagne deux bracelets en deux ans, Davidi Kitai qui en a deux aussi, Kevin Vandersmissen, et la liste est encore longue...
Je pense que c'est en partie grâce à la communauté poker belge qui est vraiment excellente. On voyage ensemble, on discute beaucoup des mains et on a tous envie de progresser.
Les meilleurs joueurs sont évidemment très talentueux – et ça c'est quelque chose d'inné, mais ils travaillent aussi énormément.
Et puis le poker est devenu très populaire ces dernières années, on en voit à la télé, etc. Du coup les gens l'ont non seulement découvert, mais ils se sont aussi rendus compte qu'ils pouvaient devenir très bons.
Est-ce que tu dirais qu'il y a un jeu « à la Belge » ?
C : Non, je ne pense pas. On a un peu de tout, des joueurs très « loose » comme Kevin, d'autre plus « tight » comme Kenny Hallaert... Tout le monde a son style, mais on parle beaucoup entre nous, on échange des idées et ça aide tout le monde.
Heads-up !
C'est un peu comme si on était une bande de potes qui aiment juste passer du temps ensemble. On partage toutes nos infos. Du coup, tout le monde aide tout le monde et on progresse tous.
Et puis le fait que certains fassent de super résultats – Davidi Kitai premier, Vandersmissen deuxième par exemple – ça nous tire vers le haut, on a tous envie de faire pareil. On travaille tous très dur.
Vous présentiez une émission télé quand vous étiez petits. Est-ce que vous avez toujours voulu être sous le feu des projecteurs ?
M : Dans l'émission, on interviewait des célébrités belges en leur posant des questions que personne n'osait leur poser. On avait à peine 10 ans, et d'un coup on est devenus les gamins les plus connus de Belgique. C'était un peu bizarre, parce qu'à cet âge-là, on veut surtout faire des trucs normaux, comme les autres enfants. Je ne dirais pas qu'on veut à tout prix être connus, mais par contre on en a l'habitude.
C : Sans vouloir paraître arrogant, on a l'habitude des caméras, on a l'habitude que les gens nous reconnaissent, c'est presque « normal » pour nous.
M : On a fait cette émission pendant 2 ou 3 ans, et honnêtement j'étais assez content que ça se termine. J'étais jaloux de mes amis de 12 ans qui menaient une vie normale. À cet âge-là, c'est difficile de gérer le fait que tout le monde te regarde. Donc j'étais plutôt heureux que ça s'arrête. Et puis ensuite on s'est mis au poker, on est devenus plutôt bons, et on est à nouveau un peu connus. C'est beaucoup plus facile à gérer maintenant qu'on est adultes, on a appris à ne pas trop accorder d'importance à ce que disent les gens, on a plus de recul.
C : Oui, c'est plus difficile d'y arriver étant enfant, tu es encore en train de grandir.
Vous qui voyagez beaucoup et aimez ça, quelles sont vos trois destinations poker préférées ?
M : Barcelone, le Brésil/l'Amérique du Sud parce qu'on y est allé récemment et que j'adorerais y retourner, et Vegas. Je n'aime pas spécialement Vegas, mais si on parle de destination poker c'est difficile de passer à côté, c'est la Mecque du poker.
C : Moi je mettrais l'EPT Vilamoura s'il existait toujours, un de mes meilleurs souvenirs. Sinon j'ai aussi adoré la Croatie et Dubrovnik, mais c'était surtout parce que j'étais avec une copine et des amis et qu'on a plus passé une semaine de vacances qu'une semaine poker. Et puis Barcelone.
"Avec l'âge la célébrité est devenue beaucoup plus facile à gérer."
M : En fait, je vais plutôt mettre le Snowfest à la place de Vegas. Je me suis toujours éclaté là-bas. On va dire que Vegas prendrait la quatrième place.
Une petite question sur l'émission de télé-réalité que vous avez tournée avec Fatima De Melo, qui a déclaré dans une vidéo que vous avez pris les choses en main et fait le show tous les deux, comme de vrais joueurs de poker ? (voir aussi l'interview de Fatima De Melo)
M : C'était une émission type Koh-Lanta, donc tout le monde a faim et tout ça. Nous, on était loin d'être les plus grands aventuriers, les meilleurs chasseurs ou les meilleurs pour construire des trucs, donc on a essayé de voir quel était notre meilleur atout. On s'est que c'était sur la stratégie qu'on pouvait peut-être prendre le dessus, parce que quand tu es sur une île avec 15 adversaires, c'est très important. Il faut savoir s'entourer pour créer des clans contre les autres, parce que si tu restes tout seul tu finis par te faire avoir.
Ça a plutôt bien marché parce que Fatima et Chris se sont retrouvés en final, mais disons que ça ne nous a pas rendus très populaires. (rires)
Enfin disons que certaines personnes ont trouvé que c'était plutôt cool ce qu'on avait fait, mais d'autres veulent absolument que ce soit le meilleur « aventurier » qui gagne. Moi je ne suis pas d'accord, je pense qu'on était tous là pour gagner. Les autres essayaient de chasser, de faire des trucs comme ça, alors que nous on cherchait à trouver un moyen de gagner, comme au poker en fait.
Vous avez piégé vos adversaires ?
M : Oui, c'était pas joli-joli... (rires)
En fait, au début on est par équipes – Fatima, mon frère et moi étions dans la même équipe d'ailleurs, et puis ensuite le jeu devient individuel. Une fois que chacun se bat pour lui-même, tu veux que les meilleurs aventuriers ne soient plus là. Du coup avant que les équipes ne disparaissent, on a éliminé un de nos bons amis parce qu'il était trop bon. (rires)
Mais c'était la meilleure chose à faire d'un point de vue stratégique, il aurait pu gagner.
C'était un hasard qu'il y ait trois joueurs de poker dans l'émission ?
M : Je pense, oui. Le poker est de plus en plus populaire et ils essayaient de convaincre Fatima d'y participer depuis quelques années déjà. Ils devaient vouloir que ça joue plus stratégique.
On n'est pas super connus, mais de toutes façons ce ne sont jamais les superstars qui participent à ce genre d'émissions.