Il y a quelques semaines, il était au sommet du Kilimandjaro. Nous l'avons ensuite retrouvé dans un casino, profitant de l'air conditionné et du service à table.
Voilà à quoi ressemble la vie de Shannon Shorr, joueur professionnel de poker et baroudeur.
Shorr est une véritable idole pour de nombreux joueurs. De plus, il est un joueur professionnel « à l'ancienne », c'est à dire qu'il paye ses dépenses lui-même. Pas du genre à esquiver les défis, il arrive même à trouver le temps de voyager et de faire du sport.
Shorr a récemment commencé à être reconnu pour sa régularité et ses bons résultats : d'abord, le GPI l'a désigné parmi les dix meilleurs joueurs de la décennie, puis il a remporté un Trophée PokerListings, celui du "joueur le plus inspirant" il y a deux semaines.
Nous avions pu parler avec lui récemment, à propos de ce trophée (à cette époque il n'était encore que nominé), et pour évoquer avec lui son style de vie extraordinaire.
Ce n'est pas un peu irréel de passer d'une tente en Afrique à un casino luxueux en Espagne ?
Il y a effectivement un sacré contraste. Le Kilimandjaro, c'était vraiment une expérience exceptionnelle.
On était en pleine nature, loin de tout, coupés du monde. Aucun souci pendant toute une semaine.
Toi qui joues au poker depuis longtemps, tu vis plutôt bien. Là, ça a dû être très différent. Qu'est-ce qui t'a motivé ?
Oui, c'était très différent. Je n'avais plus dormi sous une tente depuis mon enfance.
En fait, un ami à moi m'a proposé ce voyage, et comme je ne suis pas du genre à refuser ce genre de défi, je me suis dit : « pourquoi pas ? »
J'ai vu que tu demandais à tes lecteurs des idées de nouveaux défis, j'en ai un pour toi : un walkabout.
Qu'est-ce que c'est ?
Un séjour de plusieurs semaines avec les Aborigènes dans l'Outback australien.
Ça a l'air incroyable. Génial. Je vais me renseigner.
Un mot sur ta nomination aux Trophées PokerListings ? J'ai vu que tu en avais même parlé sur Twitter.
Je suis toujours très honoré qu'on pense à moi dans ces cas-là. C'est vraiment un honneur d'être nommé pour un trophée. Et puis mon objectif a toujours été d'inspirer les gens, donc ça me touche d'être reconnu pour cela.
Ce qui est particulièrement impressionnant et inspirant avec toi, c'est que tu réussis à rester au top depuis maintenant très longtemps. Comment fais-tu ?
Équilibrer son jeu et son budget ne suffit pas. Il faut aussi équilibrer sa vie.
Au poker, gagner n'est que la moitié du boulot. Il faut aussi gérer ses dépenses pour survivre.
Là où j'ai de la chance, c'est que je n'ai jamais eu de véritable revers qui m'aurait coûté ma carrière.
Tu n'as jamais enchaîné deux ou trois mauvaises années, c'est ça ?
J'ai eu de très mauvaises passes qui ont duré jusqu'à un an, mais elles n'ont jamais été assez sérieuses pour vraiment m'ébranler.
D. O.
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Shannon Shorr : "Ne misez pas tout sur le Poker"
A seulement 27 ans, il est difficile de croire que Shannon Shorr fait partie de la "vieille garde" du poker.
(seconde interview initialement publiée en décembre 2012)
Mais à avoir été l'un des premiers à surfer sur la vague du poker d'après Moneymaker, Shorr est présent depuis bien plus longtemps que vous pourriez le penser.
Avec près de 5 millions de dollars de gains en tournois live, il a également déjà bien plus accompli de choses que l'amateur de poker moyen pourrait suspecter.
Son premier cash en live ? 200 000 $ aux Aussie Millions 2006. Depuis, il a été l'une des forces sur lesquelles compter en poker de tournois, y compris en ligne. Sa récente victoire dans le PokerStars 500 devant plus de 700 joueurs est aussi là pour en témoigner.
Notre collègue de PokerListings Allemagne Dirk Oetzmann a rencontré le jeune et talentueux joueur, histoire de nous faire découvrir un peu mieux le personnage, sa vision du jeu et ses bons conseils, et son goût notable pour les voyages.
Shannon, tu es un globe-trotteur chevronné. Peux-tu nous en dire un peu plus ?
C'est vrai. Le voyage c'est ma drogue. Là je suis venu en Europe pour les WSOPE à Cannes et l'EPT San Remo.
Après ça j'étais censé rentré, mais finalement j'ai décidé de me balader dans toute l'Europe. J'ai décidé ça sur un coup de tête, mais c'était génial.
Maintenant voyager est ma priorité n°1, je le fais autant que possible.
Donc tu ne voyageais pas avant ?
Juste pour le poker. Je n'avais jamais pris le temps de voyager, surtout sans tout planifier.
Pourquoi as-tu choisi de faire le baroudeur alors que tu aurais pu voyager de manière plus confortable et luxueuse ?
C'est vrai, mais en fait ce n'est pas une question d'argent, j'ai fait ça pour l'expérience. Dormir dans des auberges de jeunesse permet de rencontrer plus de gens, c'est une expérience à part. Je voulais sortir un peu de mon quotidien.
Sur ton blog, tu dis que Berlin est ta ville préférée.
Oui, je suis littéralement tombé amoureux de Berlin. Je suis d'abord allé à Munich, puis à Berlin. Les gens y sont très sympas, beaucoup parlent anglais, les bars et boîtes sont géniaux et historiquement, la ville est fascinante.
Tu as déclaré par ailleurs que tu ne recommanderais pas aux jeunes joueurs de devenir professionnels.
C'est vrai, je ne le ferais pas. C'est devenu trop difficile. Il y a trop peu à gagner, même dans des tournois comme celui-ci (interview réalisée durant le WPT de Prague NDLR).
C'est trop compliqué de partir de zéro et d'arriver à s'en sortir, je ne peux que le déconseiller.
Et pourtant tu continues à le faire.
Oui, mais pour moi aussi c'est compliqué. Je suis mon propre manager et je dois vraiment faire très attention à mes dépenses pour garder la tête hors de l'eau. Ce n'est plus comme avant.
Les joueurs de mon âge, on a eu de la chance, on était là au moment où le poker a explosé, les années post-Moneymaker où le niveau moyen des joueurs était beaucoup plus bas, et où on pouvait encore jouer librement aux Etats-Unis. Maintenant c'est complètement différent.
Penses-tu que cela soit impossible pour un jeune joueur de vivre du poker en ligne par exemple. Sans toutes les dépenses ?
Non, je pense que c'est toujours possible. Peut-être que je ne suis pas objectif parce que j'ai vu le poker évoluer.
Alors qu'est-ce que tu conseillerais ?
De choisir une autre voie, de ne pas laisser tomber les études. De ne pas tout miser sur le poker.
On peut toujours jouer au poker, mais il ne faut pas en dépendre. À mon avis, il faut travailler sur son jeu, joueur autant que possible, mais pas à plein temps.
Penses-tu continuer à jouer encore longtemps ?
J'ai l'impression que ma carrière touche à sa fin, mais bon, depuis le temps que je dis ça...
Pourtant tu as pas mal de succès sur Internet ces derniers temps.
Oui, j'aime la liberté d'Internet, c'est pour ça que je continue. L'important c'est d'être heureux, surtout quand on y passe autant de temps.
Pas forcément en jouant au poker, donc.
Exactement.
Quels sont tes projets ?
Je vais participer à l'EPT ici à Prague, bien sûr. Après ça... je suis censé rentré le 17, mais je crois que je peux prolonger mon séjour jusqu'au 22.
Je vais peut-être en profiter pour aller faire un tour en Europe de l'Est, en Slovaquie ou en Slovénie, par là-bas.