Figure de proue de la Team PMU Poker, Erwann Pecheux est aussi l'un des joueurs les plus présents et les plus appréciés sur le circuit français du poker.
A 25 ans, il allie aujourd'hui à la fois jeunesse et maturité, ainsi que l'ambition de continuer à progresser, et gagner des titres.
C'est justement du côté du WPT National Deauville PMU.fr cette semaine qu'Erwann tentera de décrocher sa première victoire majeure, sur un circuit qui lui réussit particulièrement mais où le titre se refuse pour l'instant à lui.
Nous en avons profité pour mieux faire la connaissance de ce Parisien souvent épicurien et parfois discret.
Erwann, tes résultats sur le circuit du WPT national sont assez incroyables, avec 12 places payées depuis 2013 dont 5 podiums et 2 autres tables finales. C’est ton véritable jardin non ?
Je ne sais pas si c’est le profil des joueurs qui me correspond, la structure… Mais Je pense que c’est aussi un peu le hasard, la variance, parce qu’il y a aussi des circuits où je ne perfe jamais.
Mais Deauville aussi est mon jardin, j’y ai quelques bons résultats.
Du coup j’espère que le combiné WPTn + Deauville va donner quelque chose d’intéressant. (rires)
Que représente pour toi ce WPTn Deauville ? Est-ce que ce tournoi a une signification particulière pour toi ?
Oui car c’est un circuit où j’ai énormément perfé donc, mais où je n’ai jamais gagné !
Pour moi la victoire sur ce tournoi vaut beaucoup plus que le prestige de plusieurs podiums, l’argent ou tout le reste.
Ça te met une pression particulière ?
Non justement je n’ai pas vraiment de pression. Je vais tout jouer pour la victoire, ne pas rentrer dans les détails.
Compte-tenu de ton grand nombre de places payées, on peut regretter de ne pas t’avoir vu gagner plus de tournois. Que te manque-t-il ou que t’a t-il manqué par le passé ?
Honnêtement je pense avoir un bon niveau en heads-up contrairement à ce que beaucoup de gens pensent, vu qu’ils m’ont tout le temps vu perdre.
Mais il suffit de les revisionner. A chaque fois je perds un coup à 70/30 ou 80/20. J’ai vraiment un gros manque de réussite en heads-up.
Au WPTn par exemple, il y a mon premier heads-up contre Guillaume Darcourt où je perds avec K-K contre A-Q pour 2/3 des jetons. Deux dames contre deux rois à Bruxelles pour plus de 80% des jetons en circulation à 3 joueurs restants... A Cannes contre Laurent Polito et Pierre Calamusa, je suis à tapis avec A-J contre A-3 sur un flop hauteur as, et un 3 tombe sur le turn. Ou même lors de ma deuxième place aux WSOP l’année dernière, où j’avais 80% des jetons et je pars à tapis avec 80% d’équité. Derrière j’ai encore 60% des jetons mais le mec finit par gagner.
C’est donc une succession de malchance. Mais ça fait partie des tournois et des heads-up. C’est la variance et on ne peut rien y faire.
Tu fais partie de la Team PMU Poker depuis 3 ans. Te sens-tu dans la peau du capitaine de cette équipe ?
C’est vrai que je suis le plus ancien de l’équipe actuelle, après dire que je suis le capitaine non.
Je ne suis pas le leader ni ne prend de décision pour les autres par exemple, tout le monde est assez grand pour se débrouiller.
Après aux yeux des gens c’est vrai que je suis peut-être celui qui a le plus l’image PMU chevillée au corps.
Comment échangez-vous avec tes coéquipiers de la Team PMU ?
On ne travaille pas trop souvent ensemble mais on a notamment un chat sur WhatsApp, qu’on utilise dès que quelqu’un a un doute sur une main ou une demande à faire, ou pour s’organiser. On s’y entraide beaucoup.
Du coup ça aide à créer des liens au sein de l’équipe ce qui n’est pas toujours facile.
Nous sommes quatre personnes très différentes mais on a la chance de tous s’apprécier beaucoup et il n’y a jamais aucun problème.
Surtout que ça ne doit pas être facile d’échanger en ne vivant pas tous au même endroit…
Je vais donner un scoop : Je vais à Malte l’année prochaine normalement, et je n’y vais pas tout seul ! J’y vais avec Pierre et Sarah ! Ca deviendra plus facile de de se voir du coup.
Qu’est-ce que tu préfères chez PMU Poker et qui fait que tu te sentes bien au sein de cette équipe ?
J’ai envie de dire Greg (Ceran-Maillard), notre Team Manager. Ca fait quatre ans que je le connais.
Il met une super ambiance au sein de la Team. Il est ultra-attentionné, et il n’y a jamais de problème avec lui. C’est aussi toujours le premier à aller sortir boire un coup, on se marre bien.
Si y’a une personne grâce à qui je me sens super bien dans cette équipe c’est bien lui.
Mais tout le staff PMU Poker dans son intégralité est super cool. Aujourd'hui je considère plus cette équipe comme des amis que comme des collègues de travail ou des supérieurs hiérarchiques. Et quand on doit travailler ensemble, ça marche très bien !
Sans être nécessairement l’une des têtes d’affiche du poker hexagonal et en restant discret, tu restes l’un des joueurs Français les plus appréciés et reconnus sur le circuit. Comment l’expliques-tu ?
C’est vrai que j’ai une présence un peu plus faible sur les réseaux sociaux qu’à mes débuts dans le poker, car je reçois trop de demandes et je n’ai pas assez de temps. C’est frustrant.
Pour le reste je pense que les gens ont aussi une fausse idée de ma régularité, car j’ai aussi un volume assez énorme. J'ai 38 ITM cette année, mais je les ai obtenus sur probablement 150 tournois live. Ca fait quasiment une moyenne d’un tournoi tous les deux jours et un ITM toutes les semaines.
De ce fait je suis très présent sur le circuit, et tout le monde me connaît/reconnaît. Je suis un peu le loup blanc. (rires)
J'ai également noué beaucoup de liens d'amitié sur le circuit avec des gens de tous horizons, des joueurs "pros" évidement, de tous niveaux, mais aussi des joueurs récréatifs, des "fishs" comme on les appelle vulgairement.
Ce sont des gens qui ont réussi dans la vie plus que je ne réussirai probablement jamais. Et ça fait beaucoup de bien de fréquenter ce genre de personnes, ils ont énormément à apprendre aux joueurs de poker, surtout ceux qui comme moi sont sortis de l'adolescence et ont plongé dans ce milieu avec beaucoup d'inconscience et d'insouciance.
Ces gens demandent aussi beaucoup de conseils sur le jeu, et c'est un plaisir de faire ce genre d'échanges, et c'est surtout très utile : cela nous permet également de comprendre comment raisonne un joueur de poker récréatif et donc de progresser !
Fini aussi les « complaintes » qui t’avaient valu le surnom « Erwhine » ?
Plus en public. Tout simplement parce que je garde maintenant les choses pour moi.
Pourquoi ? Parce que ce n’est pas forcément intéressant et que j’estime que ça fait partie du jeu. Et puis quand on arrive 11è d’un tournoi on a déjà eu de la chance avant.
Tu n’as pas non plus besoin de partager ton mal être avec les autres. Les gens n’ont pas besoin de ça.
Après il y a d’autres raisons. Je ne peux plus trop non plus pour l’image PMU. Je représente une marque et je dois faire attention à ça.
Mais ça m’a fait beaucoup de bien d’être « privé » de me plaindre, au niveau du jeu, de mon mental.
Ne pas extérioriser rend aussi plus fort. Je garde beaucoup de mauvais coups pour moi, et c'est un peu une jouissance intérieure de se dire que je ne montre pas d'émotion, que je résiste, j'encaisse. Que je suis plus fort que le joueur d'à côté qui a été raconter son 60/40 perdu à son pote, alors que je viens de perdre deux 70/30 et deux coin-flips à la suite sans broncher.
Qu’est-ce qui est le plus important pour toi ? L’argent, le palmarès, la reconnaissance de tes proches, … ?
La reconnaissance de mes proches et de ma famille est importante. Mais même si je sais qu’ils sont fiers de moi je n’ai pas choisi cette voie pour ça, mais parce que c’est celle qui me plaisait.
Si je jouais au poker au début c’était pour la compétition, les titres, mais le fait de gagner de l’argent est en train de remonter dans mes objectifs. C’est le nerf de la guerre et c’est aussi ce qui nous fait vivre. Et puis entre le Fisc et l’avenir un peu incertain du poker, sans argent de côté…
Mais à Deauville je ne jouerai pas pour l’argent, le titre là c’est le plus important. (rires)
Tu es parti de tout en bas de l’échelle, est-ce que tu sens que tu arrives toujours à progresser aujourd’hui ?
Je vais te faire une confidence : Si je me compare à il y a deux ans, je me trouvais sacrément nul ! Même si je suis un peu dans une période de bad run, je ne me suis jamais senti aussi fort qu’aujourd’hui.
Il faut dire que j’ai été bien entouré, notamment grâce à ma colocation avec Quentin Lecomte, et des voisins et collègues de sessions : Guillaume Diaz, Romain Lewis, Louis Linard, Benjamin Nicault... On a fait pas mal de sessions ensemble cette année.
S'il y a un joueur qui m'a fait énormément progresser, c'est Romain Lewis. Alors qu'il a à peine 21 ans, il a réussi à prendre un an d'avance sur moi dans la maturité de son jeu.
Sur les 6 derniers mois j’estime que j’ai énormément progressé. Et je ne pensais pas que j’avais cette marge de progression.
Quelle est ta plus grande force aujourd’hui ?
Je vais dire que je n’ai pas d’ego, … mais j’ai de l’ego. (rires)
En gros j’ai une grande estime de moi-même, mais par exemple si un joueur me roule dessus à table, qu’il a la main sur moi, l’emprise psychologique, je ne vais jamais essayer de forcer les choses, je vais laisser passer. Je vais laisser de côté cet ego, et attendre le bon moment plus tard.
Je ne vais pas me mettre en tilt et essayer de jouer les gros bras.
L’ego dans la vie ou à propos de ce que tu sais faire au poker, et l’ego à la table sont deux choses différentes.
Sais-tu combien de temps tu comptes encore jouer au poker ? Dans une vidéo de 2014 tu te donnais 4-5 ans.
Ça fait sens. On s’approche peut-être de la fin, on va voir. (rires)
Ce sera en fonction de beaucoup de choses, de ma bankroll, du Fisc français, si les choses évoluent dans le bon sens, de mon sponsor, si j’ai une affaire qui se propose à moi… Il y a plein de si.
Et du plaisir aussi bien sûr. Je ne conçois pas de jouer au poker sans plaisir.
Des idées sur l’après ?
J’ai une petite idée, mais qui est personnelle, et je préfère ne pas en parler pour l’instant.
Quel est ton meilleur souvenir poker à ce jour ?
Je pense que c’est ma deuxième place aux World Series en 2015, même si je finis sur un bad beat et que ce bracelet je devais l’avoir 95% du temps, avec 80% des jetons et à tapis avec 80% d’équité.
C’est très frustrant mais c’est quand même mon meilleur souvenir. J’avais énormément d’amis dans les tribunes, et ceux qui n’y étaient pas dont ma famille étaient chez eux devant le streaming alors qu’en France il était 5 heures du matin.
J’avais des super sensations sur cette table finale, j’ai fait très peu d’erreurs, et le format était aussi sympa (split format NDLR). Le tout à Vegas, dans un tournoi prestigieux, et avec quand même aussi 150 000 $ à l’arrivée.
Quelle est la plus grosse folie que tu aies faite avec un gain au poker ?
Lors de mon premier Vegas en 2013, on avait une colocation de folie et on est énormément sortis. Je crois que j’ai lâché 10 000 $ en soirées. C’était beaucoup pour moi en plus à l’époque.
Sinon sur une seule soirée dans les 2000 ou 3000 $ lors de la soirée d’anniversaire d’Antoine Saout en 2014.
Aujourd’hui je regrette parfois un peu ces sommes dépensées.
A l’époque j’arrivais d’ailleurs à aller à toutes ces soirées et à enchaîner les tournois. J’étais jeune. (rires) Aujourd’hui je ne peux plus faire ça. Maintenant j’ai besoin de deux jours pour récupérer.
Mais les soirées à Vegas cela reste très superficiel de toute façon. C’est extrêmement cher pour ce que c’est.
Cette année on a fait l’EDC (Electronic Daisy Carnival) avec YoH (Guilbert) pour 800$ sur 3 jours, et on s’est bien plus amusé que de claquer cette somme en une seule soirée.
Maintenant on attendra le bracelet pour faire une grosse fête. (rires)
Tu vis actuellement à Prague depuis deux ans. Comment est la vie là-bas ?
Très sympa ! Déjà il ne fait pas plus froid qu’en France malgré ce que les gens disent. En gros c’est la même chose à l’automne et au printemps. En été il fait peut-être un peu plus chaud qu’à Paris, et en hiver un peu plus froid.
Pour le reste la vie est largement moins chère. Pour un appartement de même surface dans le centre, c’est je pense 4 fois moins cher qu’à Paris.
La ville est aussi beaucoup plus propre, et c’est bien plus sympa de se promener dans Prague qu’à Paris. Les gens sont plus civilisés j’ai envie de dire, il y a moins d’animosité.
Il y a aussi beaucoup de choses qui sont plus simples à faire, comme louer un appart ou retirer une somme à la banque par exemple, avec moins de paperasse.
A Prague tu te sens aussi plus propriétaire de tes biens, qu’en France où tu dois toujours signer des trucs pour justifier ci ou ça.
Et en plus c’est une belle ville, il y a des super restos, et pas forcément extrêmement chers.
Tout est accessible à pied également. Je ne prends jamais la voiture ou les transports en commun. Il ne faut que 15-20 minutes maximum à pied pour traverser tout le premier arrondissement.
Tout ça va beaucoup me manquer je pense.
Quelles sont tes autres passions en dehors du poker ?
En dehors du poker, j’adore aller au resto justement. (rires)
Ce n’est pas une passion mais j’adore la bonne bouffe. Française, asiatique, sud-américaine, tchèque bien sûr … J’adore la cuisine italienne aussi.
Un peu de tout donc ! Du moment que c’est bon il n’y a pas débat. (rires)
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