Florence Allera vient de remporter le trophée de joueuse de l'année aux France Poker Awards. PokerListings en a profité pour la rencontrer à Deauville.
Florence, Tu as quasiment participé à tous les tournois de l’EPT ces douze derniers mois. On te remarque toujours. Es-tu juste la femme d’un très riche homme d’affaires ?
(rires) Non ! J’ai un emploi, je suis spécialiste du coaching exécutif. Le poker n’est qu’un loisir pour moi.
Le poker est un loisir qui peut être assez coûteux pour les amateurs…
C’est une histoire un peu bizarre en fait. J’ai commencé le poker en 2010, puis j’ai fait une longue pause en 2011, une année très difficile pour moi sur le plan personnel.
Quand je suis sortie du trou, en 2012, j’avais besoin de me distraire. De nouvelles personnes, de nouveaux sujets de discussion, de changement dans ma vie.
C’est ce que le poker t’a apporté ?
Oui. Un ami de longue date, Jan Boubli (vainqueur de l’EPT Barcelone 2005) m’a conseillé d’aller à l’Aviation Club.
Jan a passé 22 ans à travailler en tant que dentiste avant de prendre sa retraite pour devenir joueur de poker professionnel.
Nous nous connaissons depuis plus de 30 ans. Nous jouions déjà au poker ensemble dans les années 80.
Bref, j’ai commencé à y aller deux fois par mois, et en octobre 2012 j’ai gagné 25 000 € en remportant un tournoi à 1000 €.
Je n’avais pas besoin de cet argent pour vivre et je n’avais pas spécialement envie d’un nouveau sac à main, donc j’ai demandé à Jan ce que j’étais censée faire.
Il m’a répondu : “Va au PokerStars Caribbean Adventure, c’est le plus bel endroit où jouer au poker.”
J’y suis allée et j’ai atteint une place payée au Main Event et dans un autre tournoi. J’étais lancée.
En tant que femme d’âge mûr, n’est-ce pas un peu intimidant de se retrouve à table avec tous ces jeunes aux dents longues ?
Au début, si. Aux Bahamas, je me suis retrouvée à la table de Jonathan Little, et il n’a pas été tendre avec moi.
Il a réussi à me faire sortir d’une main en bluffant. J’avais deux dames et j’avais peur qu’il ait une couleur.
Il m’a montré qu’il avait bluffé avec un sourire narquois. C’est là que je me suis rendu compte que je devais travailler un peu.
Comment as-tu réussi à progresser ?
Toujours aux Bahamas, j’ai rencontré une joueuse serbe, avec qui je suis toujours amie aujourd’hui.
Elle m’a conseillé de regarder des vidéos de grands tournois pour me familiariser avec le style de jeu dans ces tournois.
Maintenant, je fais ça tout le temps. C’est ma petite université YouTube du poker. (rires)
Mais il en faut un peu plus quand même pour arriver à participer à un grand tournoi tous les deux mois, non ?
Grâce à mon métier, je maîtrise très bien la psychologie. Je suis mon intuition.
L’autre avantage, c’est que j’ai l’air d’une vieille dame à laquelle son mari a payé l’entrée au tournoi pour qu’il puisse passer la journée à jouer au golf. (rires)
Du coup beaucoup de joueurs me sous-estiment.
Comment envisages-tu ton futur dans le poker ?
Je sais que je n’abandonnerai jamais mon métier, même si je gagne un grand tournoi. Et je ne me vois pas jouer au poker jusqu’à mes 70 ans. Je préférerais apprendre le bridge.
Pourquoi le bridge ?
C’est le jeu de cartes des vieux. (rires)
Cette année, j’ai décidé de prendre un vrai coach. J’aimerais participer aux grands tournois de bridge.
Jan Boubli est aussi un grand joueur de bridge. Je suis son chemin !
Mais tu n’as pas encore 70 ans ! Dans quels tournois pourra-t-on te voir en 2015 ?
Je vais participer à l’EPT Malte et à celui de Monaco. Je serai aussi sûrement au WPT National de Bruxelles en février et au Deep Stack Open au printemps.
Mais cette année, mon grand objectif est de participer aux WSOP à Las Vegas.
On verra bien si ma bankroll me le permet. Je n’ai jamais vraiment eu à piocher dans mon argent depuis ma victoire à l’Aviation Club et je n’ai pas l’intention de le faire.
Mais tu pourrais aussi participer à des tournois plus modestes.
Je vais être franche : les professionnels se conduisent très bien avec moi, les amateurs c’est une autre histoire.
Tant qu’à jouer, je préfère jouer avec les gens sympathiques. On verra combien de temps ça dure.
Tu viens de remporter le trophée de “Joueuse de l’année” aux French Poker Awards. J’imagine que tes adversaires te connaissent un peu mieux maintenant ?
On dirait, oui. L'autre jour, j’ai joué avec un jeune homme que j’avais déjà croisé dans un autre tournoi. Je lui ai dit bonjour, et il m’a répondu “Bonjour Florence”. J’étais très surprise.
Il y a trois ans je n’avais jamais entendu parler de Doyle Brunson ou Daniel Negreanu et aujourd’hui certains joueurs connaissent mon prénom.