De sa passion du jeu et ses débuts dans la magie à son départ de la Team Winamax et le nouveau projet et challenge Ranking Hero dans lequel il se lance, en passant par sa vision éclairée sur le poker d'hier, d'aujourd'hui et son futur, Nicolas Levi nous a accordé un long et passionnant entretien.
Nicolas, tout d'abord comment s'est passé ton départ de la Team Winamax ? Ont-ils essayé de te faire changer d'avis pour rester avec eux ?
Au départ, j'ai préféré mettre mes coéquipiers devant le fait accompli. C'était le plus simple, d'autant que c'était une décision entre Winamax et moi. Pour moi, ça coulait de source à partir du moment où j'ai réalisé que combiner la vie de famille, la vie d'entrepreneur et le poker, c'était trop.
Et puis il me semble que c'est le bon moment. Ça fait 9 ans que je suis sur le circuit avec Winamax et ça a été une expérience incroyable du début à la fin. Je suis très fier de ce que j'ai accompli mais je suis aussi très excité de démarrer un nouveau chapitre dans ma vie.
D'autant que je n'ai pas l'intention d'arrêter complètement. Ce n'est pas comme si j'étais joueur professionnel de tennis et que je raccrochais ma raquette pour de bon, là je peux rester compétitif sur le circuit en faisant quelques tournois dans l'année en me faisant plaisir.
Finalement, ton départ c'est un peu un tout : vie professionnelle, vie de famille, ...
Oui. En tant que père de famille, tu dois te lever tôt le matin, ce qui oblige à avoir un rythme de vie circadien : tu te lèves avec le soleil, tu te couches avec le soleil. Le problème c'est que c'est très difficile à concilier avec la vie de joueur de poker où tu joues en tournoi de 14h à 2h du matin.
Il y avait deux solutions : toujours laisser ma femme et ma fille derrière moi et passer ma vie tout seul dans une chambre d'hôtel en ayant l'impression de passer à côté des choses importantes, ou bien les emmener avec moi partout.
Il faut savoir que dans le cadre de mon contrat j'étais à l'étranger quasiment un jour sur deux, ce qui veut dire vivre dans ses valises, rentrer trois jours à la maison, repartir, et forcer ma femme à être femme au foyer ce qui n'est pas du tout sa vocation.
C'était donc ça ou une année sabbatique. J'ai toujours su qu'un jour viendrait où j'aurais envie de passer à autre chose, ce jour est venu et je suis très serein. D'autant que je trouve ça plus flatteur pour mon ego de partir à un moment où je suis encore au top de ma carrière. J'emporte de beaux souvenirs avec moi et je laisse une belle image plutôt que d'attendre d'être obligé de partir parce que je ne suis plus compétitif ou que je n'ai plus l'envie.
J'ai longtemps été magicien, longtemps passionné et quelque temps professionnel, et un jour quelqu'un m'a donné un super conseil : « Quelle est la durée d'un spectacle ? Si tout se passe bien, les gens te demanderont toujours un tour de plus, jusqu'à ce qu'ils ne le fassent plus. Si ce moment-là arrive, c'est que tu as fait n'importe quoi. »
Pour bien finir un spectacle, il faut s'en aller quand les gens en veulent encore, et je crois que c'est ce que j'ai réussi à faire dans le poker. Je suis satisfait de ce que j'ai fait, je me suis vraiment épanoui, j'ai rencontré ma femme, j'ai rencontré des amis, j'ai pu mettre de l'argent de côté, et j'ai même pu me tisser un réseau de contacts de confiance pour lancer Ranking Hero. On peut difficilement faire mieux.
Ranking Hero dont nous allons donc reparler. Tu me disais sinon que tu avais discuté de ton départ avec Manuel Bevand ?
Oui, j'en avais parlé avec ManuB parce qu'on parle beaucoup de nos choix de carrière tous les deux. J'ai réfléchi avec lui, on a parlé des différentes options, mais au final je pense que j'avais déjà pris ma décision.
C'est quelque chose qu'on apprend avec le poker. Quand j'étais enfant et ado, j'avais énormément de mal à prendre des décisions, tout ça parce que je ne voyais que les portes que ça me fermait. Neuf ans de poker, ça t'apprend à faire un choix, à prendre la meilleure décision possible et à ne pas la regretter. Il faut prendre des décisions franches, pas se contenter de checker... la non-décision est aussi une décision.
J'aurais pu continuer longtemps comme ça, en me disant que j'arrêterais peut-être l'année suivante sans jamais le faire. Mais voilà, il y a un moment où il a fallu que je prenne une vraie décision, j'ai eu un coup de cœur pour le projet Ranking Hero de Pedro (Canali) et l'équipe qui l'accompagne, je m'éclate là-dedans. C'était une évidence pour moi, tant au niveau du projet que du timing dans ma vie.
La vie est rythmée par une série de décisions, et les regretter ne sert à rien. Par contre, il faut prendre son temps, évaluer tous les facteurs, etc. Mais une fois que la décision est prise, il faut y aller à fond et ne pas regretter. Je suis quelqu'un qui réfléchit beaucoup – parfois trop – et c'est pour ça que c'est Pedro qui a créé Ranking Hero et pas moi. Lui c'est le fonceur. C'est pour ça qu'on fait une bonne équipe.
C'est aussi pour ça que tu as attendu pour en parler à Winamax et « faire les choses proprement » ?
Oui, tout à fait. Winamax c'est presque une famille pour moi, on a vécu tellement de choses ensemble. D'autant que dans le poker les émotions, positives ou négatives, sont très fortes. Du coup, la team Winamax c'est à la fois mes collègues, mes amis, mes confidents, mes psys... Ce sont des liens très forts que personne ne pourra remplacer.
L'avantage, c'est que le business dans lequel je me lance fait partie de l'univers du poker, donc je serai toujours présent. Ça me permet à la fois de passer à autre chose et de rester en contact avec les gens que j'aime et sur lesquels je compte.
Disons qu'ils m'ont perdu en tant que collègue mais certainement pas en tant qu'ami.
Tu arrêtes donc, et rien qu'au niveau de la Team Winamax il y a aussi eu Tristan Clémençon qui a également arrêté pour se lancer dans le business, Guillaume De la Gorce, Anthony Roux, même Ludovic Lacay déclarait récemment dans une de nos vidéo-interviews qu'il lui restait probablement quelques années à jouer...
Oui, il y a même d'autres noms que tu n'as pas cités et qui devraient annoncer qu'ils arrêtent d'ici peu.
Est-ce que tu penses qu'il y a une certaine usure, une lassitude ?
C'est difficile pour moi de te répondre parce que dans mon cas, ce n'est pas vraiment de la lassitude. Certes il n'y avait plus l'excitation des tout premiers tournois où tu es toujours à fond parce que tu découvres tout. C'est d'ailleurs une sensation que je retrouve aujourd'hui dans le business.
Mais je n'ai jamais cessé de prendre du plaisir aux tables de poker. Il y a toujours eu des moments agréables et des moments moins agréables, mais c'est surtout depuis que je suis papa que tout a changé : j'alternais les tournois où ma motivation était justement le fait que je bossais pour ma fille et les tournois où je me demandais ce que je faisais là au lieu d'être avec ma famille.
Mais non, pas de lassitude. C'est vraiment toujours un bonheur de disputer un tournoi de poker, et c'est pour ça que je continuerai à en faire, toujours sous l'étiquette Winamax. J'ai toujours envie de représenter le poker français et Winamax de temps en temps.
Tu feras quand même encore partie de la team Winamax alors ?
Non, non. Je ne ferai pas partie de la team de joueurs professionnels Winamax, mais je représenterai quand même le site, un peu comme Vikash Dhorasoo. Disons que je vais devenir un membre un peu plus éloigné de la famille Winamax mais qu'on reste en très bons termes et que c'est avec grand plaisir que je rejoindrai mes potes sur les tournois auxquels je participerai.
Aucune lassitude donc de ton côté ?
Pas pour moi. Mais effectivement, être constamment en train de faire le tour du monde n'est pas forcément compatible avec une vie saine. Je crois que j'ai toujours su que ce mode de vie avait une date d'expiration pour moi.
Autant je ne me suis jamais imaginé arrêter le poker complètement, autant j'ai toujours pensé qu'après une dizaine d'années je passerais à autre chose. D'ailleurs je crois que c'est vrai pour la plupart des compétitions de très haut niveau, à part quelques énergumènes comme Federer ou Tiger Woods. C'est quasiment impossible de passer plus de dix ans au très haut niveau, à moins d'être quelqu'un de vraiment exceptionnel.
Les gens de ma génération, on a été des pionniers au niveau du poker en ligne, on a vu la stratégie et le jeu évoluer, l'apparition des trackers, des forums, etc.
Beaucoup de choses ont changé et continuent à changer, mais à l'époque les qualités qu'il fallait avoir étaient : la vision, la créativité, savoir lire entre lignes et améliorer ce qui était déjà écrit, étant donné que tous les bouquins avaient été écrits par des gars de la génération précédente.
À l'époque, le livre de Harrington où on te disait que c'était n'importe quoi de faire tapis avec 10 blindes était considéré comme l'ultra-référence, c'était une révolution. Mais pour moi et d'autres qui étions très actifs dans la section Sit'n'go de 2+2 (le plus gros forum de poker anglophone NDLR), ce livre était une hérésie.
« Pour plusieurs d'entre nous le livre de Harrington était une hérésie »
Tout a changé à cette époque. Avant, il sortait un livre intéressant tous les dix ans, et d'un coup tout ça a été dépassé par le mode de pensée « Internet », les discussions sur les forums, les analyses sur l'ancêtre de Sit'n'Go Wizard, ... Tout s'est mis à aller plus vite.
Ma chance, c'est d'avoir été au bon endroit au bon moment et de m'être rendu compte qu'il fallait non pas s'inspirer de ceux qui étaient les meilleurs à ce moment-là mais des petits gars qui grindaient sur Internet, des projets communautaires, etc.
D'ailleurs, ce n'est pas un hasard si le projet dans lequel je me lance aujourd'hui est un projet communautaire. Ça a toujours été quelque chose dont j'ai été proche, même à l'époque où je faisais de la magie.
Je ne sais pas si je suis un précurseur, mais en tout cas j'ai eu la bonne intuition et j'ai su aller dans le bon sens au bon moment. Je pense que j'ai bien mené ma barque pour devenir meilleur et trouver le juste rapport entre appliquer ce qui était dans les livre et laisser parler ma créativité.
Aujourd'hui, les compétences nécessaires pour être bon au poker ne sont plus tout à fait les mêmes. Il faut énormément travailler, être précis, avoir un esprit très logique et un mental infaillible. Par contre, le savoir est disponible très facilement. Ce qui fait que les joueurs sont bien meilleurs aujourd'hui et que ceux qui sortent du lot, dans la génération des 18-22 ans disons, n'ont pas du tout le même profil qu'un Ludo Lacay ou qu'un Davidi Kitai.
Je pense que ce n'est pas tant une question de lassitude que de laisser la place aux jeunes. Ce n'est même pas que je ne me sens plus compétitif, parce que finalement c'est sur les trois dernières années que j'ai réalisé mes meilleurs résultats. Je pense avoir su évoluer avec cette génération, mais c'est vrai que les qualités nécessaires ne sont plus du tout celles qui m'ont attiré vers le poker au départ. À partir de là, c'est dur de rester et de prendre du plaisir.
On a parfois un peu l'impression que la jeune génération ressemble plus à des machines.
Des machines, oui. Comme à chaque fois qu'une discipline se professionnalise, elle perd un peu son côté romantique. C'est pareil au tennis : avant chacun avait sa propre technique, sa manière de faire un revers, tout ça. Maintenant, le moindre truc est analysé par ordinateur : le placement, la vitesse, les coups. C'est normal, c'est bien, mais c'est différent.
J'ai réussi à rester au niveau jusqu'à maintenant parce que je comprenais les deux mondes, à la fois les premiers joueurs online novateurs et les nouveaux bosseurs, parce que pour un mec créatif, j'étais aussi pas mal bosseur. Mais je me rends compte que si je restais 5 ans de plus, j'aurais dû fournir un travail énorme pour continuer à être performant.
Donc à l'époque vous aviez un coup d'avance ?
C'est un peu ça. J'ai essayé de garder ce coup d'avance le plus longtemps possible.
C'est aussi pour ça que le boom du poker a eu lieu, parce que les gens avaient trouvé le moyen de s'améliorer et donc de gagner plus, etc.
Après, c'est une pyramide : moi j'étais plutôt en haut de la pyramide, en tournoi en tout cas. Et les gens que tu bats quand tu es en haut de la pyramide sont ceux qui gagnent en bas de la pyramide et essayent de gravir les échelons. Au final, dans un EPT tu vas retrouver une moitié de joueurs professionnels et une moitié de mecs bien forts qui viennent tenter leur chance en « Champions' League ». Si ces gars-là n'avaient pas eu Harrington ou autre pour apprendre et progresser, ils n'auraient pas pu faire monter leur bankroll et participer à un EPT.
Donc oui, à moyen terme, des joueurs ont pu gravir les échelons et c'est comme ça que moi j'ai pu gagner. De la même manière, des joueurs encore meilleurs que moi ont pu aussi « profiter » de ma présence. C'est une sorte de chaîne alimentaire.
Pour en revenir au nombre de joueurs français qui arrêtent, est-ce que tu penses que c'est également lié à la situation en France, notamment fiscale, qui dégoûte peut-être les joueurs ?
C'est vrai qu'il y a quelques mauvaises nouvelles dans l'industrie en ce moment, mais personnellement je préfère rester optimiste. Je pense qu'il y a encore beaucoup de choses à faire dans le poker en France et c'est d'ailleurs bien pour ça que je lance un projet et que je reste en France.
On est sur un renouvellement de l'industrie : on était pendant longtemps dans une phase de découverte du poker, puis de fidélisation des clients actuels. Le problème, c'est que ça ne marche pas, parce que beaucoup de gens se rendent compte qu'ils ont joué trop cher, qu'ils ont été trop gourmands et donc redescendent de limites pour pouvoir s'amuser, ce qui fait baisser le chiffre d'affaires des rooms, qui du coup baissent leur budget marketing, etc. C'est un cercle vicieux.
Alors oui il y a plusieurs raisons à ça : la fiscalité, la crise et plein d'autres. Mais pour moi, ce qui est vraiment important là-dedans, c'est de ne pas penser que parce que les gens jouent moins cher cela veut dire que le poker en France est sur le déclin. Pour s'en rendre compte, il suffit de se rendre dans n'importe quel club ou au Winamax Poker Tour : la communauté est vivante et l'intérêt pour le poker est toujours aussi fort. C'est l'intérêt pour le poker à de grosses limites qui a baissé.
« Le modèle jouez pour gagner 1 million a vécu »
Le modèle « jouez et qualifiez-vous pour jouer contre des pros et gagner 1 million » qui a fait le bonheur du WPT, de Canal + et du boom du poker en France a vécu. C'était une bonne stratégie parce qu'avoir l'opportunité de jouer contre les tout meilleurs, c'est quelque chose d'assez unique au poker. Mais ça ne marchait qu'à l'époque où les gens ne jouaient pas encore en ligne et qu'on essayait justement de les y attirer.
Aujourd'hui, je crois que l'industrie va se déplacer de plus en plus vers un autre modèle, celui du poker social : jouer au poker pour s'amuser, comme à n'importe quel autre jeu. Pas besoin de jouer pour des centaines ou même des dizaines d'euros pour s'amuser, du moment que le niveau de compétition est suffisant. Pour cela, il suffit qu'il y ait un enjeu – mais pas forcément financier !
Un exemple simple : avec ma femme, on joue régulièrement au poker chinois. On s'éclate et on est motivés comme des malades parce que celui qui perd va devoir faire la vaisselle.
Il suffit qu'il y ait quelque chose à gagner ou quelque chose à perdre. Le principe-même du bluff c'est de mettre quelqu'un en face d'un dilemme : est-ce que je satisfais ma curiosité ou est-ce que je ne prends pas le risque de souffrir ? C'est l'ego contre la curiosité. C'est pour ça qu'il faut qu'il y ait un enjeu, mais il n'y a pas de raison que ce soit de l'argent, et encore moins beaucoup d'argent.
Pourtant, une entreprise comme Zynga a quand même des soucis.
Les soucis de Zynga ne sont pas liés au poker. À ma connaissance le poker fonctionne bien sur Zynga, leur problème c'est qu'ils ont beaucoup de concurrence et que leur modèle n'est pas difficile à reproduire.
Leur chance c'est d'avoir été les premiers. C'est comme si en 2004 tu me disais : « Bof, le poker en ligne ça fonctionne pas, regarde Planet Poker. » Sauf qu'en réalité c'est surtout qu'il y avait PartyPoker et PokerStars qui arrivaient derrière.
On est simplement dans une phase de mutation. Zynga, c'était les premiers, ils ont défriché le terrain. Mais maintenant il y a des dizaines de compagnies qui s'intéressent à ça et on va sûrement avoir une période de saturation du marché. Mais je connais pas assez le domaine pour anticiper ça.
De la même manière, en ce moment tout le monde parle de Candy Crush mais plus de Words With Friends ou de Angry Birds. Toutes ces innovations ont en fait une durée de vie très courte. Au final il y aura des gagnants, des poids lourds qui s'installeront durablement.
C'est aussi ce qu'on a vécu au niveau des moteurs de recherche par exemple. Dès le début d'Internet, tout le monde a compris que les moteurs de recherche étaient des outils géniaux, du coup on en avait une multitude : Lycos, AltaVista – qui allait soi-disant écraser la concurrence, d'ailleurs ils avaient déjà beaucoup des premières idées de Google. Mais voilà, dans l'industrie technologique, dans l'innovation, même quand tu as une super idée, quelqu'un arrive derrière avec la même en 10 fois mieux. Dans ce cas-là, c'était Google.
Tout ça pour dire que je pense qu'il y a encore de belles histoires à écrire dans le poker. Ce n'est pas parce que les bonnes idées ont déjà été trouvées qu'on ne peut pas aller plus loin. Je suis prêt à parier que dans 2 ou 3 ans, dans le top 5 des plus grosses compagnies poker du monde, il y aura au moins deux noms qu'on ne connaît même pas encore.
Tu penses donc qu'il est impossible de s'ancrer véritablement dans le marché ?
Qui est leader du marché aux États-Unis ? Ultimate Poker. Un site qui sort de nulle part et dont personne n'avait encore entendu parler il y a à peine un an et demi.
Oui, mais il y a eu le Black Friday entre temps.
Tout à fait, c'est une industrie qui est chamboulée par la législation, par l'innovation, etc. Et ce n'est pas près de s'arrêter.
Il va y avoir encore plein de choses. Il va y avoir des tribus indiennes en Californie qui vont faire leur site, il va y avoir un site de poker social lancé en Chine... Regarde Ugame en Chine, ils ont 350 millions d'utilisateurs et personne ne sait ce que c'est que ce site.
Le marché asiatique est en train de s'ouvrir, du coup on va voir énormément de choses arriver à l'échelle globale, alors que si on se concentre effectivement sur le petit milieu des joueurs de haut niveau en France, on a une vision très négative.
Et on a raison, mais il faut être conscient que d'une part il ne s'agit que d'une toute petite portion du marché et que d'autre part la portion en question sera peut-être entraînée par d'autres changements législatifs vers d'autres innovations – notamment le poker social ou l'extension des frontières avec l'Espagne et l'Italie par exemple.
Il y a beaucoup de choses à espérer. Depuis 9 ans que je suis dans cette industrie, elle n'a jamais cessé de me surprendre et il n'y a aucune raison pour que ça change.
Simplement, quand on est dans une période charnière, on a toujours l'impression de stagner. Je me souviens de l'époque où l'ouverture du marché du poker en France nous paraissait être une chimère : on en a entendu parler constamment pendant 3, 4, 5, 6 ans sans qu'il ne se passe rien. Et puis d'un coup, boum, les Sénateurs ont décidé de le voter et 14 mois plus tard c'était fait.
S'il faut attendre un an pour que ça reparte, alors attendons. Ce qui est sûr, c'est que ça repartira sur des bases législatives beaucoup plus solides. En attendant, les sites vont tout faire pour que ça ne s'effondre pas.
Le problème, c'est que si on écoute justement les opérateurs, ils nous disent qu'ils risquent de mettre la clé sous la porte, et au final il risque de n'avoir plus que deux acteurs sur le marché.
À mon avis, au moins trois. Mais oui, en effet, c'est difficile.
J'espère surtout que les législateurs vont prendre de meilleures décisions que celles qu'ils ont prises dans le passé.
J'ai lu l'interview de Jean-François Vilotte dans laquelle il donne l'impression d'être enfin en phase avec la communauté des joueurs sur pas mal de points, des choses qu'on essaye d'expliquer depuis 2010 au passage. Mais bon, au moins on peut espérer que les choses évoluent dans le bon sens, surtout au niveau de la fiscalité puisque apparemment il n'y a que ça qui compte. Enfin ça et la protection des joueurs, mais ce n'est pas vraiment un problème en France puisqu'on a l'une des meilleures au monde.
Bref, il va y avoir de nouvelles législations, encore des innovations technologiques, donc aucune raison de déprimer. Il faut simplement faire le dos rond et laisser passer l'orage. Comme un joueur short stack à la table et qui ne sait pas à quel moment il va pouvoir redoubler.
Une jolie métaphore pour conclure sur cette question.
C'est le media training ça ! (rires)
Retour a un peu plus de trivialité : tu es natif d'Enghien, est-ce que ça a eu une saveur particulière pour toi de terminer ici (à l'occasion donc des WSOP Europe NDLR) ?
Oui, ça me fait plaisir, déjà parce que je n'étais jamais venu jouer ici alors que j'ai passé toute mon enfance à me demander à quoi ressemblait l'intérieur de ce casino.
Je me souviens, à l'époque il y avait un rideau devant l'entrée. Je voulais toujours y entrer, mais évidemment c'était impossible. Je me demande si ce côté mystérieux a joué un rôle d'ailleurs... Parce que soyons honnêtes, à Enghien il n'y a que deux choses : le MacDonald et le lac. Ah, et le glacier.
Et du lac, tu vois tout de suite le casino alors que tu n'as pas le droit d'y aller. Résultat, je suis passé devant quasiment tous les jours pendant les neuf premières années de ma vie en me demandant comment c'était à l'intérieur et en imaginant des trucs à la James Bond.
J'ai fini par y entrer pour mon dernier tournoi en tant que membre de la team Winamax, c'est un beau symbole. Même si ça ne s'est pas très bien terminé, sur un coin flip. (rires)
Tu as donc également fait de la magie. Comment t'es-tu lancé là-dedans ?
En fait j'ai toujours été fasciné par les cartes, tout ce qu'on peut faire avec, toutes les significations qu'elles peuvent avoir, l'infinité de jeux possible alors qu'on a que 52 cartes. Du jeu social, du jeu qu'un enfant de 3 ans peut comprendre, du jeu très complexe comme l'Open-face Chinese poker, etc.
Et puis à partir de là, je suis arrivé dans cet univers un peu par hasard, en tombant sur des boîtes de magie. Je me suis mis à en faire beaucoup, c'est devenu une grande passion pour moi. Le problème c'est que la magie, comme le poker, est très chronophage, et que lorsque j'ai découvert le poker j'ai dû faire un choix et mettre la magie de côté pour m'y lancer à fond. À l'époque je commençais la magie en professionnel et ça marchait plutôt bien.
Et ça paye bien, magicien ?
C'est de l'événementiel, donc il faut apprendre à être son propre agent, imprimer ses flyers, etc. C'est presque une auto-entreprise.
En ce qui me concerne j'avais plus ou moins trouvé mon public et comment promouvoir mon activité, ce qui fait qu'au bout de six mois j'arrivais déjà à en vivre. Sachant que je venais à peine de me lancer, j'avais quand même de bonnes perspectives. Mais ça n'a rien à voir avec ce qu'on peut gagner dans le poker.
Je ne regrette pas du tout d'avoir mis la magie de côté, mais il est très probable qu'une fois que j'aurai tourné la page de l'entrepreneuriat j'y retourne. Et puis qui sait, si tout va bien je pourrai peut-être m'acheter un théâtre histoire d'être sûr d'avoir quelque part où me produire ! (rires)
Blague à part, je rêve depuis très longtemps d'acheter ou d'investir dans un cabaret. Je trouve vraiment que c'est une des formes de spectacle les plus chouettes qui existe. J'y vais régulièrement, et je trouve que ça revient un petit peu maintenant. Les gens reviennent vers la magie, le loufoque, l'insolite... Et puis tu ne sais jamais ce qui va se passer !
Au cinéma, il y a un cadre. Tu sais que dans les 7 premières minutes tu auras l'intrigue, dans les 20 premières minutes un premier retournement, il y a des codes bien précis. Le cabaret, c'est plus comme le cinéma d'auteur.
Et le poker au final ? Tu y es venu par le biais de la magie ?
Non, pas vraiment. En fait je suis tombé sur une pub pour du poker en ligne et je me suis dit que ça avait l'air marrant. Comme tout le monde en somme. J'ai cliqué sur le lien, j'ai profité du bonus, et voilà.
Par contre ma passion pour les jeux et la stratégie a forcément joué. Mais je n'avais jamais été attiré par les jeux d'argent, les jeux de casinos. L'attrait du poker pour moi, c'est que ça mélange la psychologie, les mathématiques et la chance.
Et tu t'es aussi essayé à d'autres jeux de cartes comme le tarot je crois ?
Oui, j'ai même joué à des jeux comme Magic : L'assemblée ou Abalone. J'ai toujours aimé jouer, j'ai même fait de la compétition à un petit niveau, entre amis.
Mais c'est clair que si je n'avais pas décidé de faire carrière dans poker et que j'avais continué la magie à la place, aujourd'hui je ferais partie de ces gens qui jouent en club ou qui organisent tous les vendredis une table chez eux avec leurs potes. C'était impossible pour moi de passer à côté du poker. La seule vraie question c'était de devenir pro ou pas.
Venons-en donc à Ranking Hero, ce site et nouveau grand projet sur lequel tu te lances. Peux-tu nous présenter rapidement le concept et sa genèse ?
En fait Pedro (Canali) a depuis très longtemps dans un coin de sa tête l'idée de faire un grand site de référence basé sur les classements. Son concept a beaucoup évolué depuis. Il a trouvé des équipes formidables et moi j'ai rejoint le projet quand j'ai senti qu'il y avait vraiment une synergie, une vision et qu'on allait faire quelque chose de beau. Le projet existe depuis presque deux ans et moi je l'ai rejoint en février.
Ranking Hero répond à deux problématiques. La première c'est que quand tu veux savoir quelque chose sur le poker, il y a mille points d'entrée possible : le site du WPT pour le calendrier WPT, les sites de clubs ou de casinos pour les petits tournois, pour savoir ce qu'ont fait tes amis tu vas sur un site de classement, etc.
En réalité, il est possible d'arriver à faire quelque chose de beau en regroupant toutes ces informations. C'est un boulot titanesque, mais aujourd'hui si tu veux savoir ce qui se passe dans la vie de Davidi Kitai, tu peux aller sur sa page Ranking Hero où tu trouveras son compte Twitter, sa page Facebook, les photos qu'il a postées sur Instagram, ses résultats récents, son casino préféré, ses potes, et dans le futur tu pourras même voir à quels tournois il aura annoncé qu'il participera.
« On essaie de rassembler tout le monde »
Et de la même façon que Facebook répond au besoin de communiquer avec ses amis, que Twitter répond au besoin de faire passer un message au monde entier, que LinkedIn répond au besoin de se créer un réseau social professionnel, Ranking Hero répond au besoin de rapprocher tout le monde dans le poker et de montrer ce que chacun a accompli dans l'industrie.
Qu'est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire que si un croupier vient sur Ranking Hero, il pourra dire dans quels casinos il a bossé, quels jeux il est capable de dealer, retrouver ses potes, dire quel est son joueur préféré, etc. Ça veut dire que si un joueur vient sur Ranking Hero et qu'il veut avoir des informations sur la structure d'un tournoi, il peut directement le demander. Ça veut dire qu'il y a une communication directe entre les joueurs et les casinos.
On essaye donc de rassembler tout le monde et de leur fournir le contenu qui les intéresse.
Ça n'empêche pas d'avoir Facebook ou Twitter à côté, mais le poker étant un monde à part, une niche, cela nous semble aussi important d'avoir une espèce de réseau social à part complètement dédié au poker. Ranking Hero, c'est ton tableau de bord du monde du poker, à partir duquel on te renvoie vers tous les services possibles et imaginables : par exemple PokerListings pour le contenu, le forum ClubPoker parce que c'est le forum français le plus connu, etc.
Finalement, le plus dur ça sera peut-être de faire que les joueurs adhèrent au concept, non ?
C'est vrai que ça peut être un obstacle, mais je suis assez confiant.
En revanche, le véritable obstacle à mon sens, c'est comment on va arriver à gagner de l'argent à la fin. Bien sûr on a notre petite idée sur comment arriver à faire de la publicité mieux que ce qui se fait actuellement dans l'industrie.
Faire du social, faire du big data dans l'industrie du poker à une époque où l'industrie n'est pas au mieux, c'est un vrai pari. On espère vraiment que les joueurs vont nous suivre parce que c'est un beau projet.
Au point où on en est dans le projet, les gens vont déjà se rendre compte qu'il y a beaucoup d'innovations et un positionnement qui leur plaira puisque chacun devrait trouver que son profil Ranking Hero est une belle représentation de ce qu'il a accompli.
Par contre, il nous reste encore un an de développement en tête, avec de nouvelles idées, de nouveaux services. Donc il faut rester avec nous, nous donner des conseils sur ce que vous voulez voir en priorité.
En résumé : venez sur Ranking Hero, prenez le contrôle de votre page. Vous y trouverez vos résultats poker beaucoup plus détaillés que d'habitude, des programmes de tournois partout et surtout une « maison » complètement personnalisable.
L'idée c'est vraiment ça : de créer une maison pour le joueur de poker. On a beaucoup pensé à l'ergonomie, mais il nous reste encore beaucoup de choses à accomplir dans l'année à venir. Aussi je dis venez jeter un coup d’œil, dites-nous ce qui vous plaît et nous allons continuer à y travailler.
Au final c'est donc plus qu'un simple agrégat de réseaux sociaux et de fiches de résultats à la Hendon Mob ?
Oui. Ça, c'est la méthode. Notre vision c'est de rapprocher tout le monde, de faire que tout le monde puisse être en contact direct avec leurs amis, mais aussi avec l'industrie.
L'idée c'est de faire que toi qui joues au poker avec les 5 mêmes potes chaque semaine, tu peux rentrer ta partie sur Ranking Hero et te faire un classement avec eux. Si tu joues dans 3 clubs différents, tu peux rentrer tes 10 amis qui comptent le plus et suivre leur classement, le tien et te faire un classement qui compte pour toi.
Les sites de classement qui existent aujourd'hui n'ont de sens que pour les meilleurs joueurs du monde.
Au tennis, tu as le classement ATP, certes. Mais les licenciés ont aussi un classement, et ils en sont fiers, et il y a des ligues, des systèmes, des choses qui leur sont proposées.
Intrinsèquement, tous les joueurs de poker sont compétitifs, donc nous voulons mettre en valeur cette compétition et faire qu'ils puissent se mesurer, s'amuser et se comparer sur Ranking Hero, tout en gardant une dimension fun.
Est-ce que vous n'avez pas peur qu'en ciblant les joueurs « loisir » vous n'arriviez pas à attirer les plus grands noms ?
Non, pas vraiment.
D'abord nos outils sont faits pour tous les joueurs. On a essayé de concevoir le site en ayant en tête toutes les catégories de joueurs.
Le joueur pro va pouvoir communiquer et gérer sa réputation. Et il va pouvoir le faire mieux qu'aujourd'hui. Par exemple, à chaque fois qu'il fera une perf' dans un tournoi, les gens qui le suivent recevront une alerte du genre « Daniel vient de terminer 18ème de tel tournoi, allez le féliciter ! ».
En suivant des gens, tu auras un tableau de bord des performances récentes par exemple. Ce sont des outils qui nous paraissent évidents et qui prouvent que le poker est bel et bien quelque chose de social : tout le monde a envie de suivre les résultats de ses amis, mais qui va aller sur un site de classement tous les deux jours pour voir si leurs pages ont été actualisées ? À l'inverse, tu as Facebook où il faut impérativement être connecté au bon moment pour voir l'info dans le feed. Et Facebook ne va pas se spécialiser pour les beaux yeux des joueurs de poker, c'est normal.
Donc il nous semble qu'il y a un vrai besoin pour ce qu'on propose, tout en ne négligeant pas Facebook et Twitter qui sont aujourd'hui au cœur de la communication poker et qu'on ne peut pas remplacer. C'est pour ça qu'on les introduit dans les profils Ranking Hero.
Honnêtement, je pense qu'on propose l'un des produits les plus innovants dans le poker et j'espère vraiment que ça plaira.
Pour l'instant les retours que l'on a de la version bêta sont extraordinaires, mais nous n'en sommes clairement qu'à 15% de ce qu'on pourra avoir d'ici un an. Et d'ici là on aura eu encore d'autres idées, donc on est pas prêts de s'arrêter d'innover. Les programmeurs font partie intégrantes du projet, ils sont tous actionnaires de Ranking Hero, parce que ça aussi c'est notre vision des choses : on est une équipe de potes qui va s'investir à fond dans le projet et qui va continuer à innover jusqu'à ce qu'on n'ait plus d'idées. Ce qui n'est pas près d'arriver !
Tu parles de version bêta. Quand la version finale sera t-elle en ligne ?
Je ne sais pas si on peut parler de version finale vu qu'il reste de toutes façons plus d'un an de développement. Mais nous sommes là très proches d'avoir quelque chose qu'on sera fiers de présenter.
Nous allons commencer à communiquer dessus en ce mois de novembre pour que les gens s'inscrivent, car nous avons pour l'instant plein de beaux outils, plein de beaux jouets, mais il faut faire venir du monde. C'est effectivement ça le plus dur, mais on y a beaucoup réfléchi et on pense avoir des solutions.
Il y a déjà du contenu, mais au niveau des interactions ça va augmenter au fur et à mesure que les gens nous rejoindrons.
À l'image de Facebook qui s'est développé de campus en campus, on peut imaginer que Ranking Hero s'appuie sur les cercles d'amis : à partir du moment où tu convaincs une personne d'un cercle, d'un club ou d'un casino, ça entraîne les autres. Et on espère que quand les autres clubs et les autres casinos verront ça, ils voudront aussi nous rejoindre.
Aujourd'hui, on a des choses à leur proposer pour améliorer leur produit, leur rapport avec les joueurs, leur visibilité et on peut leur permettre de communiquer, par exemple sur leurs tournois, sans avoir à faire beaucoup d'efforts.
L'objectif de Ranking Hero, c'est d'enregistrer tous les tournois. Pas simplement les tournois internationaux, mais les tournois locaux, les tournois de clubs, de cercle, etc. On a conçu des outils pour automatiser tout ça et faciliter le travail des managers de casinos. On a aussi des outils pour éviter les trolls et éviter qu'il y ait trop de modération à faire.
Ranking Hero n'est pas « un autre réseau social », c'est un point central depuis lequel on pourra gérer tous les réseaux.
Est-ce que c'est difficile de trouver des idées pour innover dans le poker ?
Pas quand tu as été joueur professionnel pendant 9 ans et que tu as pris le temps de parler aux joueurs amateurs, aux hommes d'affaires, aux casinos, ...
Je pense avoir une idée assez claire de ce qui manque dans l'industrie et des problèmes qui n'ont pas encore été résolus. Je me considère comme un expert de l'industrie du poker avec des yeux de joueur, et c'est précisément pour ça que je pense pouvoir proposer des solutions auxquelles d'autres n'ont pas pensé.
Du coup tu penses qu'il y a encore beaucoup d'innovations à venir dans le monde du poker ?
Les choses évoluent par paliers.
Là on essaye de frapper un grand coup, c'est un projet très ambitieux. Personnellement, je suis convaincu qu'on va réussir.
J'espère que les gens vont nous rejoindre dans cette aventure, et si on réussit je pense que l'industrie du poker sera mieux pour tout le monde. C'est un outil pour rapprocher tous les passionnés de poker, pour communiquer et pour s'amuser.
En tout cas tu en parles avec passion.
Oui, je suis très enthousiaste. C'est un projet passionnant, d'autant plus maintenant qu'on est sur le point de savoir ce qui plaît aux utilisateurs et ce qu'ils veulent améliorer. Je sais déjà ce que je veux améliorer en priorité, mais j'ai hâte de savoir ce qu'en pensent les joueurs.
C'est mon deuxième bébé de l'année !
Excellente initiative