Tout frais vainqueur à Deauville du concours Job2Stars lui permettant de rejoindre la Team Pro PokerStars, c'est un Thomas Bichon ravi qui nous a confié ses premiers sentiments et ses nouvelles perspectives.
Thomas tout d'abord comment s'est passé ton EPT de Deauville 2010 ?
Au final très bien puisque j'ai décroché le "job" avec ce fameux prix de 300 000 € et cette opportunité fantastique de rejoindre la Team PokerStars, et de courir le monde pour faire les tournois les plus prestigieux de la planète.
Au niveau du tournoi en lui-même j'ai fini entre la 160ème et la 170ème place ; encore un EPT sans rentrer dans l'argent, cela commence à devenir récurrent.
J'avais dit que j'attaquerais car je ne voulais pas avoir des regrets surtout par rapport à Job2Stars, j'avais décidé de jouer mon jeu. Deux gros bluffs d'entrée ne sont pas passés, je suis tombé très vite à 12 000. Puis je me suis dit que les structures des EPT étaient quand même magnifiques, et que j'avais le jeu pour revenir doucement dans la partie. J'ai réussi à terminer le Day 1 avec 47 000, ce qui n'était pas extraordinaire mais pas si mal vu ma situation précaire deux trois niveaux auparavant. Lors du Day 2 je suis monté à 120 000. Mais je n'arrivais pas à monter de jetons en ayant pourtant essayé beaucoup de choses techniquement. Rien ne se passait vraiment comme prévu.
Et puis au fur et à mesure que le tournoi avançait, certains de mes adversaires sautaient, l'affaire a donc fini par un peu plus se transformer en last longer (à celui qui tiendra le plus longtemps NDLR). Il devenait plus délicat pour moi de faire des moves, et je me retrouvais plus dans une logique de survie.
Dans les trois derniers niveaux, lorsqu'on était plus que trois ou quatre et qu'on se tenait en jetons, je n'avais pas le stack nécessaire pour essayer de marcher sur la table en étant un peu sous la moyenne. J'ai donc essayé d'être un peu plus conservateur. Mais j'ai quand même fini par faire un move. Quand vous avez ça dans le sang c'est difficile de le réfréner, et il faut bien bouger à un moment donné.
Malheureusement pour Benjamin Pollak et heureusement pour moi, il a été éliminé un niveau après moi, malgré de meilleures notes du jury pour lui, je savais que j'avais gagné.
Peux-tu nous en dire plus sur ce challenge Job2Stars et ce qui t'a motivé à y participer ?
Je n'ai pas été parmi les premiers inscrits. Je restais sur mon succès de Chypre, j'avais une ou deux propositions, je prenais le temps de réfléchir. Je voulais vraiment travailler avec un site reconnu.
En novembre, deux mois après ma victoire, mon agent m'a parlé de ce concours Job2stars, avec 5000 - 6000 candidatures et au départ un casting pour la sélection des 100 premiers, puis un concours. J'ai eu la chance d'être retenu dans ces 100 personnes et c'est là que j'ai commencé à m'impliquer un peu plus et à prendre conscience qu'il y avait quand même 300 000 € à la clé, sans oublier le fait de pouvoir travailler avec PokerStars.
Que représente pour le toi le fait de rejoindre une telle équipe ?
C'est une satisfaction extraordinaire, quelque chose de très contenu mais je pourrais en parler pendant dix minutes. C'est le fait dans un premier temps de rejoindre la Team Pro France avec ElkY qui fait des résultats extraordinaires, Arnaud Mattern qui a été l'un des premiers français à gagner un EPT, et Vanessa Rousso qui a eu de merveilleux résultats cette année avec sa victoire dans le High Roller de Monaco et sa finale contre Huck Seed lors du Championnat Heads-Up.
Au niveau de la Team France c'est donc déjà un immense honneur, et au niveau international encore plus puisque je rejoins une équipe avec des joueurs que j'adore comme Daniel Negreanu, quelqu'un d'extraordinaire, d'une humilité extrême et d'un niveau technique incroyable. Mais aussi d'autres joueurs pétris de talent comme Johnny Lodden avec qui j'ai joué de temps en temps online. C'est donc un réel immense bonheur de me retrouver si bien encadré.
De quoi te faire encore progresser, te faire franchir un nouveau palier ?
Oui, j'espère qu'une espèce de force invisible va me pousser, peut-être que le logo PokerStars va me donner des ailes. C'est une opportunité énorme de "perfer" sur les EPT, WPT, World Series... 200 000 € c'est beaucoup d'argent. J'espère être à la hauteur mais il n'y a pas de raison, j'ai eu de très bons résultats ces six derniers mois. J'espère que ça va continuer.
Je suis donc plein d'espoirs, mais aussi très conscient du fait que mes résultats conditionneront mon futur avec PokerStars.
Tu as affronté Elky dans le cadre de la compétition de Job2Stars, est-il vraiment l'extra-terrestre qu'il paraît de l'extérieur ?
En tant que spécialiste du cash game j'ai déjà pas mal essayé d'analyser son jeu. Je pense que c'est le meilleur joueur de poker français en tournois et j'ai beaucoup aimé sa façon de jouer en tête à tête. En terme technique ce qu'il fait est vraiment très fort. Il contrôle énormément les cotes, il induit beaucoup de bluffs, il a un rythme parfait, il a des size bets par rapport à la nature du flop qui le sont tout autant. C'est vraiment un régal de jouer contre ce genre de joueur.
Revenons quelques mois en arrière avec ta victoire au WPT de Chypre. On avait alors un peu eu l'impression de te voir sortir de nulle part. Pour les gens qui ne te connaissent pas, quel a été ton parcours jusque là ?
Il y a différents avis qui circulent sur moi, j'ai une image un peu double. Les joueurs du circuit savent très bien que je suis un spécialiste des grosses parties de cash game, et les personnes qui sont en dehors du circuit, le public, me connaissent beaucoup moins.
Forcément quand j'ai gagné à Chypre on a dû taper mon nom sur Google et on a vu que j'avais à mon actif seulement deux tables finales lors de la Bellagio Cup et une place payée lors du 15 000 $ une année auparavant. On a en effet un peu eu cette impression que je sortais de nulle part.
Mais pour les initiés, pour lesquels je sortais d'un an de cash game à Londres, c'était peut-être une victoire un peu plus méritée et un peu moins surprenante.
Mais cela reste quand même un aboutissement extraordinaire pour moi car cela ne faisait que depuis quelques mois que j'avais décidé de franchir le pas pour sortir du carcan du cash game et me lancer un peu plus dans la grande aventure des tournois.
En quelle année as-tu commencé le poker ?
Je me suis lancé en 2002, cela remonte à très longtemps. D'autant plus que j'ai commencé à jouer sur Internet et en Corse. Peut-être que le phénomène du poker a mis un peu plus de temps à avoir une résonance chez nous. J'ai en effet pas mal d'amis qui ont commencé quelques années avant.
J'ai donc multi-tablé pendant 3 ans dans deux variantes différentes, à savoir le No Limit Omaha et le No Limit Hold'em, puis en 2006 après trois ans de "classes", j'ai pris la décision de jouer en live. Jouer c'est très bien mais si on peut en plus voyager, c'est encore plus rafraichissant.
A Chypre on a pu prendre conscience de l'aboutissement que représentait ta victoire, en se souvient notamment de la joie qui t'avait fait tomber à genoux. Qu'avais-tu ressenti à cet instant ?
Après Las Vegas j'étais très fatigué, je suis rentré un mois pour avoir des vacances bien méritées en Corse après de grosses parties et journées exténuantes en cash game, avec beaucoup de pression et de tension.
J'ai commencé par le Partouche, mais bizarrement je ne jouais jamais très bien sur le territoire français jusque là. J'étais très motivé pour aller à Chypre car j'avais joué avec des joueurs grecs, notamment un joueur très connu dans le milieu du cash game londonien, Xantos Xanathos. C'est grâce à lui que je me suis retrouvé à Chypre.
Lorsque vous êtes invité par le régional de l'étape, vous avez l'impression que quelque part il vous envoie son fluide, avec l'impression d'être toujours accompagné par son esprit.
Je me suis surpris à me lever très tôt le matin, j'allais faire une demi-heure de sport, je prenais mon petit déjeuner, j'étais souvent dans ma chambre, j'écoutais de la musique. J'étais vraiment très concentré, comme focalisé. J'ai eu l'impression d'être en mission.
Dans le tournoi j'ai été très fort en chips les trois premiers jours, puis j'ai beaucoup souffert le Day 4 et le Day 5. Mais j'ai eu cette impression que pas grand-chose ne pouvait m'arriver, même s'il faut après quand même saisir l'opportunité. J'ai fait une très belle table finale car je n'ai pas vraiment eu énormément de jeu. J'ai été très fier de ce que j'ai pu réaliser en finale.
Après pas mal d'autres bons résultats depuis (notamment une 12ème place aux WSOP Europe), on imagine maintenant que tu attends une nouvelle grosse joie comme celle-là.
La première c'est quelque part celle qui fait que l'on se lève le matin quand on n'a pas encore gagné un titre. En termes de motivation il n'y a rien de mieux. Mais quand on déjà goûté à une joie comme ça, il faut confirmer. On a envie d'y regoûter mais on se demande réellement si on va pouvoir le faire car cela peut être très long, ce n'est pas évident de gagner des tournois aussi prestigieux avec des fields de 600 ou 700 joueurs.
On va dire que je me laisse deux trois ans pour gagner un nouveau tournoi. Maintenant si cela arrive cette année ça serait forcément super.
Avec la signature, si j'arrivais à gagner un gros tournoi avec PokerStars, ce serait un aboutissement. Tout va commencer dans un mois. L'année est longue mais à la fois courte en même temps, je vais faire une trentaine de tournois, et on fera les comptes à la fin de l'année.