J'ai mis 16 jours pour parcourir les 7 170 km et 16 états qui séparent Seymour (Connecticut) des World Series of Poker à Las Vegas.
Après quatre chutes, un moteur noyé, un démarreur grillé et avoir marché dans ma propre merde, ne venez plus vous plaindre de vos allers-retours quotidiens au boulot.
Pour ce grand voyage, ma monture était une petite moto, une Yamaha XT250 de 2012. C'est une moto trail agile parfaite pour les pistes poussiéreuses et les chemins de forêt.
Elle peut atteindre les 110 km/h, mais à ce stade le moteur 250 cc hurlera à la mort.
Couvrir mes pneus de poussière
Je savais que le voyage ne serait pas une sinécure. L'objectif, en plus d'arrivée à temps au boulot, était surtout de couvrir mes pneus de poussière. Pour cela, j'ai choisi de prendre la Trans Eastern Trail jusqu'en Virginie, de faire une pause en Caroline du Sud, puis de prendre la Trans-America Trail dans le Tennessee.
La Trans-America Trail traverse le Nevada et continue jusque dans l'Oregon, mais je savais que je n'aurai pas le temps d'aller jusque là-bas. J'avais prévu de quitter la piste dans l'Oklahoma et de terminer à pleine vitesse les 1 600 derniers kilomètres jusqu'à Vegas.
Tout s'est passé comme prévu... ou presque. Je suis arrivé à temps à Las Vegas, sain et sauf, et en un seul morceau. C'était prévu comme ça. Par contre les chutes, les coups de froids et les énormes orages n'ont pas été de très bonnes surprises.
Tout s'est déroulé comme prévu. Ou presque.
Difficile de bien dormir dans une tente sous une pluie battante et un vent violent, terrifié de s'envoler au beau milieu du désert du Nouveau-Mexique.
Alors pourquoi ce voyage ? Il n'y avait pas plus facile, moins cher, plus rapide pour aller à Vegas ?
Aller au bout parce que tu n'as pas le choix
Bien sûr, j'aurais pu prendre l'avion, regarder un film, faire une petite sieste et arriver à destination.
Mais j'ai choisi de vraiment voyager, de traverser les fuseaux horaires et de voir le paysage se transformer, de forêts en montagnes en plaines en désert.
Vous pouvez choisir de filer sur les grandes autoroutes en voiture ou vous aventurer dans les pistes sinueuses des forêts nationales et dormir à la belle étoile. Vous pouvez ignorer votre voisin de train ou partir à la rencontre des gens qui vous offrent le toit ou le couvert pour la nuit.
Bien sûr il y aura des moments difficiles et des situations délicates, mais vous irez au bout, parce que vous n'avez pas le choix.
Vous tomberez amoureux de votre machine. Vous en prendrez soin et elle vous le rendra bien. Vous ne ferez plus qu'un alors qu'elle réagira à vos moindres mouvements. Vous apprendrez à écouter votre machine et à comprendre lorsque quelque chose ne fonctionne pas.
Jamais l'avion ne pourra offrir ces sensations
Il y aura évidemment des problèmes. De la casse, des accidents, des pneus crevés. Mais vous apprendrez à réparer tout ça et vous reprendrez la route, satisfait.
"Heureux, soulagé, satisfait et fier. Jamais un vol en avion n'aurait pu m'apporter ce mélange d'émotions."
Le trajet se transforme alors en un véritable voyage, une aventure. La destination devient secondaire, seul le voyage a de l'importance. Et il sera inoubliable.
Alors oui, c'était le trajet le plus difficile de ma vie et je n'ai jamais eu aussi mal de ma vie. Qui aurait pu penser qu'on puisse avoir des courbatures aux doigts à cause de l'embrayage ? Mais lorsque j'ai aperçu le Strip de Las Vegas, je ne pouvais pas m'empêcher de sourire.
J'étais heureux, soulagé, satisfait et fier. Jamais un vol en avion n'aurait pu m'apporter ce mélange d'émotions.
Et je suis arrivé juste à l'heure. Un peu en avance même. Seize jours à chasser le soleil couchant et je suis arrivé à Vegas vingt heures avant le premier event. Assez de temps pour prendre une bonne douche, un verre de whisky et une bonne nuit de sommeil.
Maintenant, c'est une autre aventure qui commence. Les WSOP ont commencé et c'est parti pour quelques semaines de folie au Rio. Il est temps de distribuer les bracelets et de voir qui a pu mettre de côté 1 million de dollars pour participer à un seul tournoi.
On verra des étoiles montantes, des étoiles filantes et des étoiles mourantes. Et on connaîtra les neuf champions du monde potentiels.
Et puis il faudra penser au trajet retour.
Quelle expérience ! On aurait aimé avoir un peu plus de détails (une sorte de journal de bord) mais c’est déjà magnifique comme témoignage. Et tellement proche, mentalement parlant, de la ténacité que nécessite d’aller au bout d’un tournoi.