C'est une question qui inquiète mais aussi passionne tous les acteurs du secteur, sociétés, organisateurs et joueurs : Quel futur pour le poker ?
Cette année, à l’occasion de la finale de la FA Cup anglaise, l’ancien défenseur d’Arsenal Martin Keown, qui commentait le match, a déclaré que le football moderne était « plein de géants ».
Des joueurs qui sont physiquement plus imposants et plus forts que ceux contre qui il avait l’habitude de jouer.
L’industrie du divertissement suit le même chemin, on retrouve des géants partout. Le « vieux » divertissement, comme la radio ou la télvision, sont en train de disparaître.
On découvre un nouveau monde. Tout doit être à portée de doigts.
Un vieux proverbe veut qu’on n’accepte la vérité qu’après l’avoir rejetée. S’il y a bien une notion que les prophètes du poker rejettent, c’est celle qui veut que le poker soit « en train de mourir ».
Comme si ce petit jeu de cartes était immuable.
Je n’y crois pas. Je crois ce que je vois. Et ce que je vois, c’est que le poker est en train de mourir. Mais autre chose le remplacera.
Un secteur archaïque
Dans un article récent titré « Uber et Airbnb n’auraient jamais dû arriver comme ça », Gary Vaynerchuk (entrepreneur, coach et auteur) a évoqué l’importance de « comprendre et d’innover sur le marché pour ne pas faire faillite ».
Pour Vaynerchuck, les entreprises qui ne comprennent pas cela sont condamnées à sombrer parce qu’elles sont incapables de s’adapter.
Et cela peut s’étendre à des secteurs tout entiers, comme celui du jeu, encore archaïque.
Quand Gary Vee se lève chaque matin, il se demande : « qu’est-ce qui pourrait me mettre en faillite aujourd’hui ? » En général, il s’agit de concurrents ou de jeunes entrepreneurs.
Il trouve la réponse, puis met en œuvre une réponse adaptée pour rester à la pointe.
Est-ce que le secteur du poker comprend ses clients ? Est-ce qu’il connaît les clients de demain ?
Voilà les vraies questions à se poser.
Qui est le client d’aujourd’hui ?
Les entreprises qui réussissent doivent comprendre ce qui fonctionne.
Qu’est-ce que les clients veulent mais ne peuvent pas avoir ? De quoi rêvent-ils ? Qu’est-ce qui les bloque ? Qu’est-ce qui est important pour eux ? Quels sont leurs principes et convictions les plus essentiels ?
Le plus grand problème du secteur du poker actuellement, c’est qu’il considère ses clients comme des ressources. Des cibles.
Ils ne sont que des chiffres dans un bilan financier. Ils sont le montant d’un chèque de bonus.
Et cet état d’esprit les empêche de réellement fidéliser les clients. Ce n’est que lorsqu’ils verront le monde à travers les yeux de leurs clients qu’ils pourront répondre à toutes ces questions.
Trouver la réponse du haut de leur tour d’ivoire n’a aucun sens.
Et une fois les réponses identifiées, il faut passer à l’action. Il faut proposer des choses. Il faut faire parler.
Qui est le client de demain ?
C’est en regardant le client d’aujourd’hui qu’on peut prédire à quoi ressemblera le client de demain.
Si les joueurs de PokerStars sont mécontents des changements récents au niveau du rake (prélèvement) et du programme VIP, c’est parce que PokerStars ne les considère pas comme sa véritable cible.
Les affaires ne satisfont jamais tout le monde. L’essentiel est d’identifier son marché et de se mettre au travail.
La tendance au modèle centré sur le joueur loisir prouve que les grinders ne sont plus le cœur de cible des groupes de poker en ligne. On a tendance à l’oublier, parce que les grinders sont ceux qui parlent le plus. Ceux qui ont créé les forums. Ceux dont on parle dans les médias. Ceux qui participent aux plus grandes parties.
Mais ils ne sont pas le marché. Pour moi, le marché se divise en trois segments :
- 1. Les joueurs « loisir » (ou « récréationnels »)
- 2. Les grinders
- 3. Les pros
Les joueurs « loisir »
Le poker attire plus d’amateurs que n’importe quel autre type de joueurs. Ce sont eux qui génèrent le plus d’argent, ils représentent donc un marché essentiel.
Cependant, la communauté des joueurs loisir pose quelques problèmes à long terme. S’ils sont les principaux clients actuellement, je ne pense pas que cela sera le cas dans le futur.
Le monde change. Nos besoins aussi.
Qu’est-ce qui pourrait me mettre en faillite aujourd’hui ?
1. La technologie
Combien de temps avant que l’intelligence artificielle ne s’impose en ligne ?
2. La triche
Il y a quelques semaines, PokerStars a dû rembourser de l’argent à des joueurs de Spin & Go en raison d’une tricherie. Combien de temps avant que la technologie et l’envie de tricher n’enterrent le poker ?
3. La compétition
Les grands groupes se jaugent. Montrent les dents. Alors que pendant tout ce temps, les eSports et l’industrie du jeu vidéo étaient leurs vrais concurrents.
Si les joueurs loisir doivent absolument être le cœur de cible aujourd’hui, je ne crois pas qu’ils seront là dans quelques années.
Ils ne joueront plus au poker. Le poker sera aussi démodé que Pong l’est aujourd’hui.
Les grinders
Les sites de poker vont les éradiquer. En comprenant mieux le point de vue des joueurs loisir, ils comprendront que les grinders ne sont que des sangsues.
Les sangsues étaient à une époque fondamentales dans le traitement médical. C’est la même chose pour les grinders.
Les pros
Pour que le poker subsiste assez longtemps pour se transmettre à la prochaine génération, il faut arriver à séparer les joueurs loisir de ceux qui jouent au poker pour gagner leur vie.
Tant que ce ne sera pas le cas, il y aura toujours des insatisfaits. Il y aura toujours une rupture.
Dans le futur, les véritables joueurs professionnels créeront d’eux-mêmes un groupe élite. Ils seront les idoles d’une nouvelle génération. Ils gagneront des millions de droits à l’image.
Cristiano Ronaldo et Floyd Mayweather les inviteront à leurs anniversaires.
Le futur, c’est la Global Poker League (GPL).
Alex Dreyfus et son équipe comprennent les clients mieux que quiconque dans le secteur. Au lieu de se concentrer sur la communauté poker actuelle, il a imaginé le poker du futur.
Il s’est mis dans la peau de ces joueurs qui n’existent pas encore. Il a répondu à toutes les questions que j’ai énumérées plus haut.
La paresse est humaine
Quand je dissèque les raisons qui font que j’aime le poker, tout n’est qu’une question d’argent. C’était un moyen de gagner de l’argent rapidement.
La paresse est humaine. Le poker a souvent semblé être le chemin le plus facile. J’oubliais les défaites. Je ne me souvenais que des victoires.
Je n’aurais jamais commencé à jouer au poker sans la carotte financière. Mais aujourd’hui, les choses changent. Je serais prêt à participer à la GPL sans être payé.
La GPL n’est pas une question d’argent. La GPL, c’est de la compétition pure.
Nos enfants sont différents. Ils sont nés dans un monde de privilèges. L’argent ne les attire pas autant que nous. Ils ont moins à se battre.
Et la manière dont ils consomment les informations a aussi changé. Imaginez regarder quelqu’un jouer à Pong quand vous étiez enfant, et payer pour ça.
Nos enfants veulent des expériences de jeu riches, profondes et en immersion. Ils veulent faire partie d’un système communautaire. Ils veulent des idoles. Ils veulent du divertissement à un niveau jamais vu.
Mais... Le poker est ennuyeux
Désolé. Mais c’est vrai.
À mon avis, ce n’est pas une coïncidence si Daniel Negreanu est devenu fan de Hearthstone. Je suis à peu près convaincu qu’il a déclaré cela parce qu’on lui a conseillé de le faire, parce que c’est le futur.
Quand vous lirez cet article, Poker Central aura déjà organisé son tournoi hybride eSports/poker appelé « Worlds Collide ». Un trio de joueurs de poker se sera opposé à un trio de stars des eSports sur trois jeux différents : Jackpot Poker, Hearthstone et PacMan.
Jackpot Poker est le futur des joueurs loisir.
Le temps, c’est de l’argent. Et on a tous une vie.
Le Texas Hold em de base n’a plus sa place, et la GPL a bien compris que le poker est ennuyeux par essence. L’arrivée de la webcam a sauvé le poker d’un désastre.
Dans le futur, rien ne différenciera le poker des machines à sous. Fut un temps, on aurait été impressionné par la technologie d’une machine à sous.
Maintenant, c’en est presque ridicule. Et le poker va évoluer de la même manière.
Les institutions du poker voudront satisfaire les joueurs loisir en en faisant un jeu plus basé sur la chance, et le poker deviendra l’équivalent d’une machine à sous.
HoldemX
HoldemX n’est pas le futur, mais l’idée est là.
Lors du récent sommet eBetting à Londres, Jens Hilger, PDG de Dojo Madness, a expliqué au public que quelqu’un aurait besoin de millions de dollars et des cerveaux les plus brillants du secteur pour créer quelque chose qui pourrait concurrencer League of Legends et DOTA 2.
Dreyfus a toujours été très clair sur la création de HoldemX, et il a des ambitions beaucoup plus modestes.
Mais l’idée est la bonne. Le futur du poker, c’est une évolution du jeu qui garde l’aspect percutant du jeu de cartes et qui satisfait les clients en leur offrant un jeu immersif, profond et intelligent. Un jeu qui correspond à une communauté créative et curieuse.
Le nouveau poker sera sur Twitch et d’autres réseaux de diffusion. Il sera interactif. Et les plus grandes stars seront celles qui toucheront le plus grand public.
La télé va disparaître. Plus personne ne regarde la télé. Poker Central va devenir un service en ligne.
Le World Poker Tour (WPT) devra repenser son fonctionnement une fois que son public sera mort de vieillesse. Ils doivent trouver où se trouve le public, et ce n’est pas devant la télé.
Un nouvel héritage
Le poker tel qu’on le connaît actuellement aura sa place dans un musée. Les profs d’histoire en parleront lorsqu’ils reviendront sur l’histoire du jeu.
Le poker a déjà atteint son zénith. Maintenant il décline doucement. Et bientôt il ne sera plus que cendres.
Puis il renaîtra. Sous une autre forme. Avec un autre nom. Dans une autre époque et à un autre endroit.
Un nouvel héritage apparaîtra. Il sera basé sur un nouveau client dans un tout nouveau monde dirigé par les géants qui ne dorment pas, ne s’arrêtent jamais et se demandent toujours « qu’est-ce qui pourrait me faire faire faillite aujourd’hui ? »
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Les jeunes jouent moins aux jeux d'argent : Les opérateurs inquiets
Bien que le marché des jeux d'argent continue de croître en Europe, les opérateurs britanniques sont en émoi : Selon une étude, les jeunes de 18 à 24 jouent moins.
10/08/16 - par Christine C.
Le marché des jeux d’argent croît régulièrement en Europe depuis quelques années. La Grande-Bretagne ne fait pas exception et semble être l’un des marchés les plus lucratifs : en effet, plus de 17 milliards de dollars ont été dépensés au cours de l’année 2015 par les britanniques ! Les opérateurs en ligne dont bien sûr ceux de poker en ligne (les sites de poker) peuvent évidemment remercier l’explosion des jeux d’argent sur terminaux mobiles (+29% des parts de marché des jeux d’argent en ligne).
Et pourtant, une récente enquête montre que la pratique des jeux d’argent parmi les jeunes britanniques âgés de 18 à 24 ans a diminué de manière significative. La Commission des jeux de Grande-Bretagne (UK Gambling Commission) a publié les résultats de sa dernière enquête annuelle, qui confirme que la pratique des jeux d’argent en ligne dans cette tranche d’âge est en net recul pour la deuxième année consécutive.
Bien que l’intérêt pour les jeux d’argent chez les jeunes adultes Outre-Manche n’ait jamais été particulièrement élevé, le pourcentage des joueurs/parieurs en ligne est passé de 17% en 2013-14 à tout juste 10% en 2015-16.
Net recul chez les 18-24 ans pour la deuxième année
Cette étude, réalisée par l’entreprise Populus, pour la période de janvier à juin 2016, montre que seuls 10% des 18-24 ans ont joué à des jeux d’argent en ligne dans les 4 semaines qui ont précédé le sondage, hors amateurs de Loterie Nationale. Pour la Loterie Nationale justement, les 18-24 ans sont également ceux qui y jouent le moins (29%), juste devant les seniors (27%). Mais les chiffres des seniors joueurs ont augmenté de 1% tandis que ceux des 18-24 ans, eux, ont chuté de 10 points.
A l’inverse, les trois tranches d’âge comprises entre 25 et 54 ans ont toutes vu une augmentation du nombre de joueurs, avec une poussée nette de 10% à 16% pour la tranche des 45-54 ans, alors que dans les tranches des 25-34 ans et des 35-44 ans, le pourcentage de joueurs est passé de 12% à 14%. Le nombre total de joueurs est passé de 9% à 11%, aussi bien chez les hommes (de 11% à 14%) que chez les femmes (de 7% à 9%).
Alors quelle leçon faut-il tirer de ces chiffres ? Ceux-ci tendent à prouver que les opérateurs en ligne et les produits proposés ne trouvent pas d’écho chez les jeunes alors que les jeux d’argent en ligne deviennent très répandus dans les générations plus âgées.
Pokémon Go et les jeux vidéo plus attractifs
Ces pourcentages vont incontestablement servir d’avertissement à l’industrie du gambling.
Selon Steve Donoughue, consultant en jeux d’argent, « ceci constitue la première preuve tangible que la jeune clientèle désire un changement radical dans ce domaine.
Bien que le fait de mentionner Pokémon Go soit plus un cliché qu’autre chose, cela montre qu’une génération élevée avec des consoles de jeux vidéo dont les graphismes sont largement en avance sur ce que les jeux d’argent peuvent proposer, trouvent les jeux divertissants et interactifs bien plus intéressants ! Nous subissons désormais le contrecoup de la consolidation de la fourniture de logiciels. »
Pour Warwick Bartlett, le PDG de Global Betting & Gaming Consultants, l’industrie n’a pas besoin de paniquer à cause de cette baisse d’intérêt dans les jeux en ligne de la part de la jeune génération, dont le comportement est totalement rationnel.
« Le fait que le gambling a été stigmatisé par de nombreuses campagnes de responsabilité sociale engendre certainement le sentiment que jouer aux jeux d’argent n’est pas « cool ». Mais au fur et à mesure qu’ils deviennent adultes, ils deviennent également plus cyniques (et critiques) envers les campagnes du gouvernement qui leur imposent quoi boire, quoi manger et quand jouer : du coup, ils passent outre. Les jeunes sont intéressés par les rencontres, la musique, les voitures, les films, les clubs, les relations sociales et la mode. Ce n’est que lorsqu’ils ressentent de l’ennui envers leurs centres d’intérêt, qu’ils sont installés dans la vie et que leurs revenus excèdent leurs remboursements de prêts, qu’ils commencent à jouer aux jeux d’argent. »
Innover pour séduire à nouveau la Génération Y
Alors, il est presque certain que le manque d’intérêt des jeunes adultes pour les jeux d’argent en ligne va entraîner de nombreuses discussions sur cette sacrée Génération Y (c.-à-d. les jeunes nés entre les années 1980 et le début des années 2000), qui rejette les activités traditionnelles de pari en ligne pour des jeux d’adresse en ligne plus interactifs. Une étude similaire en Australie en 2015 avait d’ailleurs débouché sur le même constat : l’industrie des jeux en ligne n’est pas suffisamment attractive pour la nouvelle génération de joueurs potentiels, alors qu’elle retient fortement l’attention des générations plus âgées.
La consolidation du marché en cours, du côté des fournisseurs de jeux, a donc bien des conséquences inattendues, parmi lesquelles un manque d’innovation dans le domaine des jeux eux-mêmes. La croissance dans les eSports et le potentiel des produits virtuels et à réalité augmentée devrait rapidement redresser la barre, bien que certains pensent que les opérateurs devraient également améliorer leurs pratiques commerciales dépassées s’ils veulent réussir à appâter les jeunes joueurs.
Au-delà des états d’âme de l’industrie des jeux d’’argent qui dégage tout de même des bénéfices monstrueux, ces chiffres sont révélateurs de la mauvaise situation économique des jeunes adultes en Grande Bretagne. En effet, ils reflètent fidèlement la situation macro-économique des jeunes, qui ont moins de revenus disponibles. Le ralentissement actuel de l’augmentation des salaires est susceptible d’avoir un impact disproportionné sur les schémas des dépenses de la tranche des 18-24 ans, car leurs revenus augmentent moins vite que ceux des seniors (seulement 1/3 d’augmentation par rapport à celle des salaires des seniors, selon les données de l’étude Luxembourg Income Study).
Cibler une audience plus mature aux meilleurs revenus ?
C’est en ayant ces différents points à l’esprit, que le sondage EGR de la semaine dernière a posé la question de savoir si l’industrie des jeux d’argent devrait en faire plus pour cibler les jeunes, ou bien si la chute du nombre de joueurs parmi les 18-24 ans n’était pas gênante, compte tenu de l’augmentation du nombre de joueurs dans les générations plus âgées, qui constituent des cibles bien plus lucratives !
Les chiffres prouvent que les opérateurs ciblent, consciemment ou non, une audience plus mature, comme les joueurs plus âgés, dont la vie est plus stable et avec des revenus disponibles (pour jouer) plus élevés.
Les résultats montrent aussi que la plupart des sondés pensent que les opérateurs de jeux ne sont pas capables d’attirer les jeunes adultes. En effet, 60% des sondés estiment que les opérateurs doivent améliorer le ciblage des jeunes générations ; dans le cas contraire, cela aura forcément un impact à long-terme sur l’industrie des jeux d’argent. Les 40% restants estiment que les opérateurs doivent continuer à cibler les générations plus âgées et plus riches plutôt que les jeunes générations dont la propension à la dépense est moins nette… contexte économique oblige !
Sources : EGR Magazine, Calvin Ayre, OnlineCasinoReports