Les stratégies pour les tournois de poker ont bien évolué depuis 10 ans. Et ce qui marchait à l'époque est aujourd'hui dépassé. Le professionnel star Daniel Negreanu vous donne en exclusivité ses conseils pour adapter votre jeu et gagner dans les tournois de poker d'aujourd'hui.
Si vous êtes entré dans le monde du poker (et particulièrement celui des tournois) il y a 10 ans, vous savez qu'il existait quelques stratégies assez simples pour ces tournois, et qui étaient d'ailleurs employées par la plupart des joueurs. Ce n'est aujourd'hui plus le cas.
Comme pour tout, la stratégie du poker en tournois a évolué au cours de cette dernière décennie, et un style "old school" ne sera plus aussi performant aux tables.
Dans les tournois modernes, les styles de jeu, la taille des mises et l'approche générale envers des situations spécifiques ont tous changé drastiquement.
Si vous effectuez votre retour après une longue pause ou si tout simplement vous vous sentez un peu perdu (et plus aussi efficace) en matière de stratégie poker en 2020, nous avons ici pour vous quelques conseils précieux de la part du joueur qui a gagné le plus d'argent en tournois dans toute l'histoire du poker.
Que demander de mieux ?
Comment jouer en début de tournoi
(tournois multi-tables - MTT)
Daniel Negreanu : Dans les premiers niveaux de nombreux tournois, il n'y a pas d'ante, ce qui vous pousse à jouer de manière très conservatrice. Je crois beaucoup à l'adage qui dit que vous ne pouvez pas gagner un tournoi dans ces premiers niveaux, mais que vous pouvez le perdre à ce stade.
Un tout nouveau jeu...
Si vous pouvez identifier un joueur comme faible, particulièrement post-flop, vous allez vouloir jouer plus de mains face à ce joueur et exploiter ses faiblesses en essayant de lui prendre des pots au flop.
Bien qu'il est vrai que vous avez beaucoup de grosses blindes devant vous et que vous pouvez donc théoriquement vous permettre de beaucoup limper, je ne pense pas que vous voyez les bons joueurs faire ça.
On ne voit pas beaucoup de limps parce si vous le faites, en gros vous donnez la chance à la petite blinde et à la grosse blinde de trouver toute leur équité quand ils verront un flop avec 9-6 ou 9-2 dépareillés.
Bien que les tailles des relances soient si basses aujourd'hui qu'elles sont presque comme un limp, vous éliminez déjà ces mains et c'est fondamentalement une meilleure façon de jouer.
Ceci étant, en guide de règle générale vous ne devriez pas être trop inquiet à propos du fait d'accroître votre stack de 20-30% dans les tous premiers niveaux, mais plutôt vous attacher à garder ce que vous avez.
Scénario 1 : Tu es dans un gros pot dans les premiers niveaux d'un tournoi. Tu gagnes le pot et tu te retrouves dans le Top 20 du classement. Procèdes-tu avec précaution ou essayes-tu maintenant de constamment mettre la pression sur les autres joueurs ?
Daniel Negreanu : Dans les premiers niveaux d'un MTT vous n'avez pas beaucoup de pression de l'ICM. Il n'y a pas de bulle à passer, il n'y a quasiment aucun joueur short stack... Donc de manière réaliste, le gros pot que vous venez de gagner ne change pas vraiment la façon dont vous devriez jouer.
Si vous jouez 200 grosses blindes au début d'un tournoi et que d'une façon ou d'une autre vous montez à 350 ou 400 BB, ça n'a pas vraiment d'importance.
Là où ça importe c'est quand vous avez plusieurs joueurs à votre table qui sont à 30 grosses blindes ou moins plus tard dans le tournoi. Alors vous pouvez ici commencer à les malmener car chaque décision qu'ils ont à prendre à ce stade est maintenant une affaire d'argent.
La différence entre 200 et 400 BB est globalement sans importance, à l'exception du fait que vous pouvez perdre un tapis et être encore en vie.
Scénario 2 : Tu es dans un gros pot durant les premiers niveaux d'un tournoi. Tu perds ce pot et te retrouves dans le bas du classement avec 20 ou 25 grosses blindes.
DN : Dans ce scénario on a juste perdu la capacité à jouer un poker à tapis profond. Vous devez donc vous adapter et basculer vers le plan B, qui est un style de jeu fondamentalement plus conservateur.
Vous allez maintenant rechercher des situations pour doubler votre tapis, ce qui n'est évidemment pas le cas quand vous avez 200 BB.
Comment jouer dans la phase de la bulle d'un MTT
Des années durant, la phase de la bulle en tournois - soit l'arrivée imminente dans les places payées - était la phase où l'on essayait d'exploiter les petits tapis aussi vicieusement que possible en les attaquant en permanence. Cette approche est-elle toujours valide ?
DN : De nombreux joueurs donnent trop d'importance à ce stade de la bulle. Ce n'est pas tant une grosse affaire, à moins que vous soyez vraiment très short.
Si vous êtes effectivement très court en jetons, vous devez estimer combien de temps de plus vous pouvez attendre, combien de jetons vous pouvez abandonner en couchant de bonnes mains pour au moins parvenir à vous glisser dans l'argent et à faire un min-cash. Votre stratégie dépend entièrement de la taille de votre stack.
Si vous avez un gros stack donc, oui, vous devriez essayer de profiter de la situation. Ceci étant dit je ne pense pas que cela ait beaucoup de sens de jouer comme un malade ici, parce que vous n'avez pas non plus envie de compromettre votre tapis en jouant bêtement.
Comment régler la taille de vos mises ?
DN : Le "bet-sizing" est extrêmement important et a drastiquement changé depuis que j'ai commencé à jouer.
A l'époque les gens relançaient 3x ou 4x la grosse blinde, minimum. Les mises de la taille du pot étaient la règle au flop, et il n'y avait pas d'exception.
C'est pourquoi j'ai développé la stratégie que l'on connaît sous le nom de "poker small-ball". En résumé, cette stratégie veut que vous fassiez des mises bien plus petites, pour vous donner la chance de jouer beaucoup plus de mains.
Si vous regardez du côté des tournois High Roller et à la manière où ils se sont développés au cours des 18-24 derniers mois, vous pouvez voir beaucoup de petites relances pré-flop et de petites mises au flop.
Mais ensuite, à la turn et la river, on voit des mises de 2 ou 3 fois le pot - de gros overbets pour mettre autant de pression que possible sur les autres joueurs. Et il s'agit de poker aux plus hauts niveaux de jeu, donc ça vous montre la voie.
Pour parler de manière plus générale, la taille de vos mises dépend de la texture du flop, de la taille de votre stack en relation avec le pot, et de l'éventail de mains sur lequel vous mettez votre adversaire.
L'over-bet est votre arme dans des situations polarisées, c'est à dire les situations dans lesquelles aux yeux de votre adversaire vous avez soit une très forte main, soit rien du tout. C'est ce qui se passe quand vous misez à hauteur de deux fois le pot pour lui rendre la vie difficile.
Le poker small ball est aujourd'hui l'étoffe essentiellement utilisée par tout bon joueur de poker. Mais cela réfère principalement au jeu pré-flop et au flop. Les mises au flop tendent aujourd'hui à être de l'ordre d'1/4 ou d'1/3 du pot, alors qu'auparavant elles étaient plutôt de 3/4 du pot voire à la hauteur du pot entier.
Turn et river sont maintenant là où le jeu devient intéressant. C'est ici qu'il y a maintenant beaucoup de place pour s'adapter et exploiter votre bet-sizing, la taille de vos mises.
Vous pouvez aussi voir que l'on voit de moins en moins de mises de la moitié du pot. C'est soit des petites mises, soit souvent de très grosses.
Comment jouer dans les derniers niveaux d'un tournoi MTT
Scénario 3 : Tu es dans le Top 3 du classement. Tu es déplacé à une nouvelle table. Tu relances avec K♦ K♥ en milieu de parole, et tu es suivi par un joueur dans les blindes, qui te couvre de peu.
Le flop : K♣ 9♠ 8♠
Ton adversaire checke, tu mise petit, et il te relance. Qu'est-ce que tu fais ?
DN : Dans cette situation vous devriez généralement suivre, à moins que vous ne pensiez qu'il a une grosse main avec laquelle il a envie d'y aller. Mais comme il y a une chance qu'il pourrait bluffer, je veux lui donner la chance de bluffer encore.
Faire tapis ne serait pas très intelligent même si vous avez la meilleure main pour le moment. Oui vous obtiendriez occasionnellement de la valeur de la part des mains à tirage. Mais en payant juste, vous accomplissez une ou deux choses :
- Si le tirage ne rentre pas vous pouvez cueillir n'importe quel bluff et suivre toute mise.
- Si le tirage rentre, vous pouvez minimiser vos pertes. Disons que si le T♠ arrive à la turn, vous pourrez jouer plus prudemment. Avec votre main vous bloquez le roi donc votre adversaire aura soit un brelan plus petit ou une couleur s'il checke-raise le flop et mise à la turn et à la river.
Vous pourriez même coucher votre brelan de rois. Egalement à ce stade vous devez penser à ce que vous feriez avec votre éventail de mains complet.
Si vous suivez le check-raise avec juste un roi, un neuf ou même un tirage par le ventre, vous devez avoir un brelan de rois dans votre éventail de suivi également. Sinon, vous devenez trop facilement exploitable.
Votre jeu dans cette situation change si vous n'avez pas la position. Hors de position, vous sur-relanceriez souvent au flop parce que si vous ne le faites pas, votre adversaire a des chances de checker la turn en retour s'il manque.
Ce qui voudrait dire que vous manqueriez beaucoup de valeur.
Super ! Je mets en application ces conseils sur une salle de poker !
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