La Grande-Bretagne regorge de grands joueurs de poker. Mais s’il avait fallu choisir l'un des 10 les plus susceptibles de remporter un bracelet des WSOP cet été (il en est passé très près dans l'Event 50), Niall Farrell en aurait forcément fait partie.
Pendant les WSOP, il loge dans une maison sur West Tropicana avec l’Américain Daniel Strelitz, qui fait partie de sa routine depuis 4 ans.
« Il ne boit pas beaucoup, donc il m’empêche de faire n’importe quoi », explique Farrell. « Si j’étais avec les autres Britanniques, je boirais beaucoup trop. »
La première fois que Farrell est venu à Vegas pour les WSOP, il était financé par David Randall et logeait dans une maison avec ses autres protégés. Mais le vainqueur du dernier EPT de Malte n’a plus besoin de ça.
Pour beaucoup, les WSOP sont une expérience aussi bouleversante que l’explosion d’une étoile. Mais Farrell est loin de tout ça, il déclare même qu’il « ne viendrait pas chaque année s’il n’était pas obligé de le faire ».
« Je rate beaucoup de trucs sympas chez moi quand je viens ici. »
Combien pour vivre en Écosse ?
Certains joueurs de poker aiment le poker autant que les junkies aiment l’héroïne.
Et puis il y a ceux qui sont là parce que c’était un moyen plutôt simple de gagner de l’argent sans trop d’efforts.
Farrell se situe quelque part entre les deux, mais légèrement plus du côté « boulot » que « passion ».
« J’aime la pression que je ressens quand je vais loin dans un grand tournoi. J’aime le côté social, rencontrer des gens. Mais ce n’est pas quelque chose que je veux faire toute ma vie. »
Ce qui nous mène à la question que j’aime poser à tous les joueurs professionnels : qu’est-ce que tu veux faire ?
Ce à quoi on me répond le plus souvent : « Je n’en sais rien. »
Le poker peut ruiner. Mais il peut aussi apporter gloire et fortune. Pour la plupart des joueurs, c’est un bon moyen de mettre à profit une période de transition avant de décider quoi faire de leur vie.
Remporter des titres, des honneurs et beaucoup d’argent en jouant aux cartes, c’est plutôt pas mal après tout.
« Avant, je voulais devenir millionnaire avant mes 30 ans », raconte Farrell. « Mais est-ce que j’ai vraiment besoin de ça pour vivre en Écosse ?
Je me dis que j’ai juste besoin d’assez d’argent pour prendre une pinte avec mes potes le week-end et aller au match. »
Le Droit ? Non merci
Farrell est titulaire d’un diplôme de Droit. Un bout de papier qu’il a obtenu pour faire plaisir à sa mère, mais certainement pas par passion.
« J’ai fait l’effort pour ma mère. Je n’ai jamais eu l’intention de l’utiliser. »
Ce qu’il avait en tête, c’est de monter une affaire avec son frère. Et comme tous les joueurs de poker, son plan est impeccable.
« Mon frère est un super bosseur, très intelligent. Moi, j’ai l’argent pour financer tout ça. »
Un bosseur. Ce que beaucoup de jeunes ambitieux ne sont pas.
« C’est de l’intelligence. Sans vouloir me vanter, je n’ai jamais eu de difficultés à l’école.
J’étais ce gars qui sèche les cours mais réussit quand même à avoir des 20. »
À croire qu’il n’a pas attendu de jouer au poker pour faire tilter les gens.
« Quand tu n’as pas l’habitude de travailler dur et de devoir te battre, tu deviens paresseux. C’est ça qui m’a attiré dans le poker.
Si tu es intelligent, ça ne ressemble pas à du poker. Ça attire les jeunes qui n’ont pas envie de faire grand-chose, mais veulent gagner beaucoup d’argent.
Je ne joue pas plus de deux fois par semaine en ligne, et encore. »
Et puis il a remporté le Spring Championship of Online Poker (SCOOP) sur PokerStars. De quoi donner envie de sécher les cours.
Un vivier de champions de l’EPT
Il a quand même dû travailler dur à un moment, non ?
« J’ai travaillé à la Carphone Warehouse », raconte Farrell.
Carphone Warehouse (distributeur indépendant de téléphones mobiles et de services de communication) ? Le vivier des champions de l’EPT et des chanteurs d’opéra.
« Je gagnais un peu d’argent pour l’université, mais je n’avais pas beaucoup à utiliser mon cerveau. Un jour, j’ai démissionné.
Je n’avais pas d’argent. J’ai pris une carte de crédit, j’ai tiré mille livres et j’ai commencé à jouer. Le premier mois, j’ai gagné 500 $ et j’ai commencé à dire à tout le monde que j’étais un joueur de poker professionnel. »
Il devait avoir un peu de confiance pour se lancer ainsi, non ?
« J’étais nul. »
Pas si mal d'être Niall Farrell
Farrell estime qu’il lui reste « 5 ans de plus » dans le poker, « voire plus si je continue à jouer en live ».
Aujourd’hui, ce sont les buy-in élevés qui le stimulent et l’opportunité de jouer contre les meilleurs joueurs du monde.
« Cette année, si j’ai les fonds, j'aimerais participer au One Drop. C’est une perspective excitante. »
(Interview réalisée avant le Big One for One Drop auquel il aura finalement participé, avec une 8è place et 486 383 $ à la clé NLDR)
S’il réussit à rester concentré sur le poker, c’est parce qu’il a envie de gâter sa famille. Il rend notamment hommage au rôle qu’a joué sa mère dans sa vie et souligne son amour pour son frère.
« Ils ont tellement fait pour moi quand j’étais petit. »
Sa source d’inspiration, c’est le grand Christopher Hitchens :
« Quand quelqu’un parle de sa vie avec tellement d’arrogance et de provocation, c’est dur de ne pas le remarquer. »
Il est également grand fan du penseur révolutionnaire Elon Musk :
« Il est vraiment en train de devenir un de mes héros. »
Farrell évoque avec passion la vision de Musk : nous pourrions faire partie d’une simulation informatique organisée par une civilisation plus avancée.
« C’est un concept qui m’intéresse. »
Je lui ai demandé qui il aimerait incarner dans ce jeu. Il m’a répondu Stephen Hawking, Brad Pitt ou Lionel Messi.
« Ce serait sympa d’essayer différents modes de jeu. Mais j’aime assez jouer Niall Farrell pour l’instant. »
Direction Mars
Pour continuer à parler de Musk, je lui demande qui il emmènerait avec lui s’il avait une place pour partir sur Mars.
« Je prendrais des gens plus moches que moi pour pouvoir draguer les filles les plus belles et peupler la planète. »
Il emmènerait aussi son frère. Mais Farrell a d’autres critères : il est important de choisir une femme assez intelligente pour optimiser les gènes et s’assurer « que la race humaine n’est pas faite d’idiots ». Il choisit donc Jennifer Shahade.
Avec Shahade à sa gauche, qui serait à sa droite ? Tatjana Pasalic.
« J’ai toujours eu un gros faible pour elle. »
Si Musk comptait sur Farrell pour peupler Mars, il faudrait qu’il soit un peu plus bosseur, c’est sûr. Je ne suis pas sûr qu’un titre sur l’EPT aide beaucoup la race humaine, donc je lui demande ce qu’il sait faire d’autre.
« Un jour, j’ai essayé de nager dans la Nith bourré. Très bon moyen de finir à la rubrique faits divers.
Mais quand on grandit en Écosse, on fait forcément des bêtises, à force de ne faire que boire, baiser et se battre. »
Allez Elon, donne donc un siège à Niall pour Mars...