Au poker le flop révèle parfois de belles surprises lorsqu'il vous arrange, mais il apporte aussi bien souvent des cartes qui semblent dangereuses pour votre main, des monstres !
Nous allons vous parler aujourd'hui de ces cartes, les "scare cards" en anglais, ce qu'il faut en penser lorsqu'elles tombent, et comment réagir selon la situation.
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Tony relance en position de cut-off, et vous découvrez une paire de 4 au bouton.
Vous suivez, les blindes se couchent, et vous êtes donc en heads-up.
Flop : 7♥ 3♥ Q♣
Votre adversaire checke, vous décidez d'envoyer une cartouche, et il paye.
Turn : K♥
Il checke encore, vous misez à nouveau.
Une grimace apparaît sur son visage, comme s'il venait de goûter à une tasse de café où on aurait versé du sel à la place du sucre.
Mais ils paye encore.
River : A♦
Il checke encore une fois, et vous décidez de miser à hauteur du pot.
Il couche K♣ Q♦ en la montrant.
Tandis que vous récupérez tous les jetons, vous lancez à Tony qu'il a fait un bon fold.
Il tapote sur la table et vous dit « Je savais que tu avais la couleur. Tu as toujours la couleur. »
Quelqu'un a toujours la couleur ? C'est vrai ?
Bienvenue dans le monde des Cartes Effrayantes !
Bouuuuuuh !
Qu'est-ce qu'une carte effrayante (scare card) au poker ?
Une Scare Card est une carte qui change la texture du tableau, d'une façon qui puisse vous faire avoir quelques sueurs froides.
Dans notre exemple ci-dessus, la carte effrayante était le K♥ à la turn.
Bien qu'elle ait donné deux paires à Tony, elle a aussi complété un tirage couleur.
A la fois l'action (les mises), la peur de Tony et sa perception de la main de son adversaire, ont rendu la carte effrayante pour Tony. Ce qui a conduit à son fold à la river.
Une carte effrayante peut aussi bien sûr être une carte complétant supposément un tirage quinte, un as (si vous avez paire de rois), ou même une figure ou carte supérieure si vous avez une paire en-dessous.
Il n'est pas facile d'écrire une définition pour ces Scare cards, car leur définition signifiera différentes choses à des joueurs de différents niveaux de compétences.
Pour cet article, nous nous attacherons à parler des cartes effrayantes pour les vrais débutants au poker.
Nous avons aussi demandé au détenteur de bracelet WSOP Gavin Smith, à l'Etoile Montante 2013 Luca Moschitta, et à l'ancien pro PKR Dan O'Callaghan, de nous donner quelques conseils.
Débutants et Pessimistes
« Je pense que la chose la plus importante à remarquer, est que les cartes effrayantes le sont autant pour vous que pour votre adversaire, » nous dit Gavin Smith.
Dan O'Callaghan explique pourquoi :
« La clé pour comprendre la philosophie de ces cartes, c'est de voir comment tout le monde est toujours inquiet de la manière dont ils peuvent perdre. »
Il y a deux façons de voir une Scare Card :
1. Vous pouvez croire que la carte fait peur à votre adversaire et donc l'utiliser à votre avantage en attaquant.
2. Vous pouvez penser que la carte a aidé votre adversaire et opter pour une approche défensive.
Lorsqu'ils débutent, les joueurs de poker tombent souvent dans la seconde catégorie. Au début, leur ligne de réflexion est quelque peu unidimensionnelle. Puis ils deviennent plus pessimistes sur leurs chances.
Ne vous inquiétez pas ; il s'agit d'une réaction biologique destinée à vous protéger et vous éviter d'être dévoré par un animal préhistorique.
Mais au fil du temps, heureusement, on a appris que tous ces monstres étaient morts. Même ceux sous notre lit en grandissant.
Certaines personnes ont cependant toujours peur des monstres.
Prenez Tony par exemple. Tony joue au poker depuis plus de 20 ans, mais quand une Scare Card arrive il y voit toujours un requin embusqué et la corne du Diable.
Partez dans le zig quand les autres partent dans le zag. Ne pensez pas négativement, pensez positif !
Bien sûr vous devez garder en tête et respecter le fait que la carte a pu aider votre adversaire, mais concentrez-vous sur comment elle vous aide à avancer de manière positive.
L'un des Moves les plus rentables au poker
Quand vous parlez à quelqu'un qui ne connaît rien au poker, la réaction que vous entendez le plus souvent est celle-ci : « Le poker c'est juste une affaire de bluff non ? »
Non. C'est plus une affaire de se coucher. Mais bluffer est une part intégrante du jeu. Les cartes effrayantes sont le tremplin que vous utilisez pour réaliser votre salto avec le sourire.
Luca Moschitta : « Incorporer des bluffs à votre jeu quand le tableau amène des cartes effrayantes est l'un des moves les plus profitables au poker. Mais vous devez vous souvenir de plusieurs choses. »
Nous y reviendrons plus tard.
Il y a deux façons de penser à propos du concept de bluff sur des tableaux qui contiennent des Scare Cards.
La moins évidente des deux est comment votre adversaire peut utiliser ce genre de cartes pour vous bluffer.
Smith : « Si l'arrivée de cartes effrayantes correspond à la manière dont vous avez joué votre main, alors génial, parce qu'il est probable que vous soyez relancé par moins bon.
Mais si c'est une carte qui ne colle pas à votre schéma de mises, une nouvelle mise devient suicidaire parce qu'il devient maintenant très facile de vous relancer en bluff. Donc dans ces situations, checker-payer est un bien meilleur jeu. »
Revenons à Tony. En utilisant la philosophie de Smith, si Tony tente un bluff après l'arrivée de la Scare Card, une sur-relance en bluff aurait une forte probabilité de succès, parce que nous savons que Tony croit toujours que nous l'avons.
Le point que soulève Smith, c'est que vous devez vous assurer que votre histoire ait du sens, et que l'histoire de votre adversaire en ait aussi.
Pour ce faire nous devons considérer la perception.
Une affaire de Perception
Nous avons fait un léger aparté pour que Smith puisse expliquer la manière compliquée dont les bluffs entrent en piste lorsque l'on parle des Scare Cards. Revenons à Moschitta qui nous conseillait de nous souvenir de certaines choses.
L'une de ces choses est la perception.
« Réfléchissez toujours à la perception que votre adversaire a de vous. Par exemple s'il voit que vous misez souvent la turn et la river, il ajustera son jeu et commencera à payer plus fréquemment.
Dans ce cas, trop souvent miser sur des Scare Cards pourrait vous coûter beaucoup d'argent. »
Revenons maintenant à Tony (qui ne semble toujours pas comprendre nos moves). Utiliser des phrases telles que "tu touches toujours" le confirme. Cependant vous ferez aussi face à de meilleurs adversaires qui vous offriront un bon entraînement, particulièrement s'ils vous payent sur des mises à la river et vous voient jeter vos cartes.
Un autre point dont il faut se souvenir, est que parfois un Tony perd juste patience. Il croit toujours que "vous l'avez", mais en a tellement marre de se faire battre qu'il va payer en mode désespéré.
Dans les deux cas, comprendre la perception que vos adversaires ont de vous est crucial.
Mais comment est-ce que ça marche exactement ?
On en revient aux éventails (le range)
La perception régit le perchoir.
Réfléchissez à la douleur et à la souffrance. Hormis la douleur physique, 100% de la souffrance vient de la manière dont vous percevez le monde.
Vos pensées deviennent vos émotions. Souvent, si vous voulez changer l'issue, changez votre perception.
Il s'agit aussi d'un concept-clé au poker, spécialement lorsqu'il est appliqué à l'idée des Scare Cards.
Moschitta : « Misez sur des cartes effrayantes plus souvent lorsque vous êtes en mesure de mettre votre adversaire sur un certain éventail de mains. »
L'Italien désigne la différence entre jouer contre un adversaire "unidimensionnel" et plus faible, et un adversaire de niveau avancé.
Avec des joueurs comme Tony, les éventails sont sans importance. Il s'agit juste de les dominer jusqu'à la soumission, en utilisant leur peur contre eux. Mais contre des adversaires plus intelligents, vous devez élaborer une histoire plus élaborée.
Pour ce faire, vous devez mettre votre adversaire sur un certain éventail de mains, et vous assurer que votre schéma de mises correspond avec votre éventail de mains sur lequel votre adversaire vous a imaginé.
La perception n'est pas limitée aux éventails. Le "body language" (langage corporel) et l'image sont aussi essentiels. Naturellement un bluff avec un bon langage corporel est plus fort que l'inverse.
Imaginez si Tony travaillait et variait son jeu en commençant d'incorporer quelques bluffs sur ces Scare Cards. Cela ajouterait des munitions à son arsenal, et lui offrirait une nouvelle perception chez ses adversaires.
« Les Scare Cards sont étranges » poursuit O'Callaghan. « Parfois elles favorisent l'agresseur et l'encouragent à continuer à miser, et d'autres fois elles sont meilleures pour l'éventail d'un joueur qui checke-call.
Quand une couleur ou une quinte rentre, je pense que de trop nombreux amateurs mettent précisément leurs adversaires sur la couleur. Ils oublient toutes les autres combinaisons avec lesquelles leur adversaire a très bien pu arriver jusqu'ici. Cela amène une grosse opportunité de se faire fesser. »
J'espère que cet article vous aura aidé à comprendre ce concept des Scare Cards plus précidément, des cartes qui ne sont pas toujours aussi effrayantes qu'elles veulent bien le paraître.
Alors changez votre état d'esprit, et allez fesser un autre joueur qui croit encore aux monstres sous le lit !